L’arsenal du Hamas expliqué
L'organisation terroriste a fait venir en contrebande des armes et des missiles d'Iran, de Chine, de Russie et de Corée du Nord et fabrique des explosifs à Gaza avec de l'engrais
Des snipers iraniens, des fusils d’assaut AK-47 chinois et russes, des grenades propulsées par des fusées fabriquées par la Corée du Nord ou la Bulgarie, des roquettes antichars secrètement assemblées à Gaza… L’Associated Press a analysé plus de 150 vidéos et photos prises ces trois derniers mois de combat depuis que le Hamas a perpétré son massacre, le 7 octobre dernier en Israël, et cette analyse prouve que l’organisation terroriste a amassé un véritable arsenal d’armes venues du monde entier – la plupart entrées en contrebande en violation d’un blocus vieux de 17 ans destiné à empêcher tout réarmement.
Ces armes se sont révélées mortelles, ces dernières semaines, dans le cadre de la guerre urbaine intense à Gaza, où les terroristes du Hamas ne sont le plus souvent armés que de ce qu’ils peuvent transporter, mais qui ont l’avantage de la furtivité face à une armée israélienne nettement mieux dotée en armes et technologies. L’attaque au lance-grenades sur un bâtiment que Tsahal avait truffé d’explosifs, dans le centre de Gaza, a coûté la vie à 21 soldats cette semaine. Par ailleurs, des vidéos de propagande du Hamas publiées ces dernières semaines montrent ce qui s’apparente à des tirs israéliens vus à travers la lunette de visée de fusils de snipers.
« Nous cherchons absolument partout des armes, un soutien politique, de l’argent », a récemment déclaré le porte-parole du Hamas, Ghazi Hamad, dans une interview accordée à l’Associated Press, sans préciser qui lui avait fourni ses armes ou de quelle manière elles avaient été introduites dans Gaza.
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Les experts qui ont examiné les images ont identifié des caractéristiques distinctives et des marques qui témoignent de l’origine de nombreuses armes brandies par les combattants du Hamas.
Cette analyse ne dit pas si ce sont les gouvernements de ces pays qui leur ont fourni ou si les armes ont été achetées sur le marché noir florissant du Moyen-Orient, où armes et composants s’achètent sur les réseaux sociaux, dans des pays déchirés par la guerre comme l’Irak, la Libye ou la Syrie.
Ce qui est clair, malgré tout, c’est que de nombreuses images montrent des terroristes du Hamas avec des armes qui semblent plutôt récentes, preuve que le groupe a trouvé le moyen de s’approvisionner en armes en dépit du blocus aérien et maritime de la bande de Gaza – par bateau, tunnels ou bien dissimulées dans des cargaisons de nourriture et d’autres marchandises.
« La majorité de ces armes sont d’origine russe, chinoise ou iranienne, mais les armes nord-coréennes et celles produites dans les anciens pays du Pacte de Varsovie sont également présentes dans l’arsenal », explique N.R. Jenzen-Jones, expert en armes de guerre et directeur des services de recherche sur l’armement en Australie.
Malgré cet impressionnant arsenal, Israël conserve un avantage indéniable, avec ses chars modernes, son artillerie, ses hélicoptères de combat et une armée de l’air composée d’avions de chasse fabriqués aux États-Unis. L’armée israélienne affirme avoir tué près de 10 000 terroristes du Hamas, contre la mort d’au moins 550 de ses propres soldats, dont 330 ont été tués dans l’assaut du Hamas du 7 octobre mené contre les communautés du sud d’Israël et dans une rave. Près de 1 200 personnes ont été massacrées et 253 autres ont été prises en otage à Gaza, dont 132 seraient toujours séquestrés à Gaza – pas tous en vie.
Au moins 25 900 Gazaouis ont été tués depuis le début de la guerre, a déclaré jeudi le ministère de la Santé de Gaza, dirigé par le Hamas, chiffre invérifiable qui pourrait comprendre non moins de 10 000 membres du Hamas qu’Israël a déclaré avoir tués lors des combats dans la bande de Gaza, ainsi que des civils tués par des roquettes palestiniennes égarées.
Selon les images examinées par l’AP, l’arsenal du Hamas est composé d’armes allant des armes légères aux mitrailleuses en passant par les missiles sol-air tirés à l’épaule et les missiles antichars fabriqués sur place.
L’une des armes les plus emblématiques de cet arsenal est l’énorme AM-50 Sayyad (« chasseur » en arabe), fusil de sniper de fabrication iranienne qui tire des balles de calibre .50 assez puissantes pour percer jusqu’à 2,5 cm d’acier. On l’a vu sur les champs de bataille du Yémen, de Syrie ainsi que dans les mains des milices chiites d’Irak.
Des terroristes du Hamas ont également été vus avec des armes datant de l’ère soviétique, qui ont été copiées et fabriquées en Iran et en Chine. Il s’agit par exemple de variantes du 9M32 Strela de conception russe, système de missile antiaérien portable à tête chercheuse.
Selon Jenzen-Jones, la poignée de l’un des lanceurs de missiles vus sur les images examinées est distinctive d’une version fabriquée en Chine et utilisée par l’armée iranienne et ses alliés, dont le Hezbollah au Liban, organisation terroriste très proche du Hamas.
Les armes récupérées par l’armée israélienne sur les terroristes du Hamas comptent aussi ce qui semble être des mines antichars TC/6 de conception italienne. Toutefois, Seán Moorhouse, ex-officier de l’armée britannique et expert en neutralisation des explosifs et munitions, précise que cette arme a été abondamment copiée par l’industrie iranienne de l’armement.
Armée israélienne et autorités américaines accusent depuis longtemps l’Iran de fournir des fonds et des armes au Hamas et aux terroristes alliés à Gaza, dont le Jihad islamique palestinien, et de former des hommes armés.
Les représentants iraniens aux Nations unies n’ont pas répondu aux courriels de l’AP leur demandant si leur gouvernement avait fourni des armes au Hamas, dont des fusils de sniper AM-50 Sayyad. Mais une semaine après cette demande de commentaires, le Hamas a publié une vidéo supposée montrer des terroristes à Gaza avec des machines outils, en train de fabriquer leurs propres copies du fusil.
Le maître armurier Don Fraley a examiné cette vidéo, datée du 20 décembre, et conclu qu’il est quasiment impossible pour le Hamas de fabriquer un fusil de sniper sûr et précis de calibre .50 avec l’équipement rudimentaire vu sur les images.
« Il faudrait qu’il y ait une pointure dans cet atelier d’usinage pour y parvenir. Et je n’ai rien vu de tout cela », a déclaré Fraley, ex-membre des forces spéciales de l’armée américaine et tireur d’élite de la police de l’État du Kentucky. « Ces gens essaient de brouiller les pistes. »
Un responsable militaire israélien très au fait de l’arsenal du Hamas a déclaré que l’organisation utilisait un mélange d’armes de contrebande, notamment des AK-47, des lance-grenades et des missiles anti-aériens, et d’armes de fabrication locale, assemblées avec des matériaux civils faciles à trouver.
L’organisation utilise par exemple des tours pour façonner le métal et en faire des roquettes ou des mortiers, qu’elle équipe ensuite d’explosifs fabriqués à base d’engrais. On trouve d’autres armes artisanales, comme un lanceur capable de tirer 14 roquettes simultanément ou encore le drone « Zuwari », avion chargé d’explosifs utilisé pour frapper des tours d’observation israéliennes et détruire des caméras le 7 octobre 2023.
« Il y a une énorme industrie militaire et de défense à l’intérieur de la bande de Gaza », a déclaré le responsable, témoignant sous couvert d’anonymat en raison de son devoir de réserve.
Il a ajouté que la plupart des armes de contrebande avaient sans doute été importées via l’Égypte et qu’elles étaient faciles à trouver, sans contraintes en matière d’origine.
L’une de ces armes, aperçues dans les mains de terroristes du Hamas, est une version de la mitrailleuse chinoise connue sous le nom de Type 80, modèle également copié par les Iraniens et rebaptisé PKM-T80.
Selon Jonathan Ferguson, conservateur des armes à feu du Royal Armouries Museum d’Angleterre, les versions de cette arme fabriquées en Chine et en Iran sont à ce point semblables qu’il est proprement impossible de les distinguer.
Ferguson a par ailleurs identifié une grenade propulsée par fusée, porteuse de marques attestant sa fabrication bulgare. Par le passé, l’AP avait rapporté que le Hamas utilisait des lance-grenades revêtus d’une bande rouge distinctive, signe d’une fabrication en Corée du Nord.
Parmi les armes les plus sophistiquées développées par le Hamas, on trouve une copie de roquette antichar russe appelée PG-7VR, conçue pour venir à bout des blindages réactifs comme ceux utilisés sur les principaux chars de combat israéliens Merkava Mark VI. Ces réservoirs sont recouverts de plaques explosives qui explosent vers l’extérieur pour entraver les projectiles entrants.
Dans des vidéos de propagande publiées en octobre, on voit des terroristes masqués en train d’assembler une version de la roquette russe que le Hamas a rebaptisée Al-Yasin 105, en l’honneur du fondateur de l’organisation, tué lors d’une frappe aérienne israélienne en 2004. La version russe originale peut traverser jusqu’à 5 cm d’acier, mais les experts ignorent si la version du Hamas est aussi puissante.
Le Hamas a publié plusieurs vidéos donnant à voir des hommes armés en train de tirer des roquettes sur des chars et véhicules blindés de transport de troupes israéliens. Ces vidéos sont généralement coupées après le lancement de l’ogive, ce qui rend impossible la vérification indépendante de l’atteinte ou non de la cible.
Par ailleurs, en vertu d’une tactique empruntée aux champs de bataille ukrainiens, le Hamas semble avoir obtenu ou copié des drones de conception iranienne capables d’emporter des ogives qui explosent lorsqu’elles s’écrasent sur leurs cibles. Des drones quadricoptères prêts à l’emploi, fabriqués en Chine, ont également été adaptés pour larguer des explosifs sur les chars ou les soldats.
« La disponibilité de véhicules aériens sans pilote commerciaux, ces drones légers grand public, a radicalement changé la guerre ces dernières années », conclut Jenzen-Jones. « On les a vus en Syrie, au Yémen, en Irak, en Ukraine, et aujourd’hui à Gaza. »
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