Le chef de la diplomatie moldave évoque la toute nouvelle ambassade d’Israël à Chisinau porte déjà ses fruits
Depuis Jérusalem, Mihai Popsoi a confié au Times of Israël vouloir davantage de relations en matière de défense, d'agriculture et de tourisme ; l'entrée de la Moldavie dans l'UE devrait renforcer le bloc pro-Israël

La décision d’Israël d’ouvrir cette année une ambassade à Chisinau a d’ores et déjà des effets positifs sur les relations bilatérales, a déclaré jeudi au Times of Israël le ministre moldave des Affaires étrangères, à l’occasion de son tout premier déplacement au sein de l’État juif.
« Nous voyons déjà les effets positifs d’une présence pérenne d’Israël en République de Moldavie », a déclaré le vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères Mihai Popsoi, venu en Israël pour assister à une conférence internationale sur la lutte contre l’antisémitisme.
En février dernier, le ministre des Affaires étrangères Gideon Saar s’était rendu à Chisinau pour inaugurer la première ambassade d’Israël en Moldavie, plus de 30 ans après l’établissement des relations diplomatiques entre les deux pays.
Enclavée, la Moldavie est bordée par la Roumanie et l’Ukraine : Israël a reconnu son indépendance de l’ex-Union soviétique en 1991. Un an plus tard, les deux pays ont établi des relations diplomatiques et, depuis 1994, la Moldavie a une ambassade en Israël.
On estime à 70 000 le nombre de Juifs à avoir fait leur alyah depuis la Moldavie.
« Nous avons amélioré certains de nos accords bilatéraux, et notamment celui que je viens de signer avec le ministre de la Justice en matière de coopération civile et judiciaire », a expliqué M. Popsoi à propos de l’accord de coopération judiciaire signé avec le ministre de la Justice, Yariv Levin.

La Moldavie réclame depuis longtemps l’extradition du milliardaire d’origine israélienne et fraudeur condamné, Ilan Shor, qui a fait de la politique en Moldavie avant de s’enfuir en Israël suite aux accusations de corruption portées contre lui.
En décembre dernier, Saar avait en même temps annoncé la fermeture de l’ambassade d’Israël en Irlande et l’ouverture d’un nouveau poste diplomatique à Chisinau.
« L’Irlande a dépassé toutes les limites dans sa relation avec Israël », avait expliqué Saar. « Israël va donc investir les ressources qui sont les siennes dans des relations diplomatiques partout dans le monde, guidées par l’attitude et par les actions de ces pays envers Israël. »

Popsoi, 38 ans, n’a pas souhaité établir de lien entre ces deux décisions : « Je ne ferais pas le lien entre les deux décisions. Elles ont peut-être coïncidé, mais rien ne les relie directement. »
Il a souligné qu’il était dans l’intérêt de son pays d’avoir plus de relations avec Israël.
« Il y a d’importants domaines de coopération dans lesquels nous pouvons bénéficier de relations mutuellement bénéfiques, à commencer par les échanges économiques, l’agriculture, les technologies vertes ou encore la coopération en matière de sécurité et de Défense », a poursuivi M. Popsoi.
Il a rappelé qu’il y avait actuellement 17 vols hebdomadaires entre les deux pays et qu’il espérait donner envie aux Israéliens de découvrir la Moldavie, évoquant notamment l’industrie vinicole moldave, de renommée mondiale, et son offre casher.
La Moldavie est candidate à l’adhésion à l’Union européenne, – qui est, pour sa part, souvent critique d’Israël. « La République de Moldavie, en sa qualité de candidate, et bien sûr, plus tard de membre, doit s’aligner sur la politique étrangère de l’Union européenne, où il y a consensus », a-t-il expliqué. Il existe par ailleurs un bloc pro-Israël en Europe centrale – avec la Hongrie, la République tchèque, la Slovaquie et l’Autriche – qui constitue un important contrepoids aux pays de l’UE moins favorables à Israël. La Moldavie devrait se joindre à leur voix.

La Moldavie, qui est solidaire de l’Ukraine, accuse la Russie d’ingérence dans sa politique intérieure. La Russie a en effet positionné des soldats dans la région séparatiste de Transnistrie, reconnue par la communauté internationale comme un territoire moldave.
Jusqu’alors, Jérusalem est parvenu à préserver un certain équilibre entre soutien de principe à l’Ukraine et nécessité d’entretenir des relations avec Moscou. Globalement, la Russie et Israël entretiennent de bonnes relations car près d’un cinquième de la population d’Israël est russophone. Moscou fait aussi en sorte, depuis des années, d’avoir de bonnes relations avec toutes les grandes puissances du Moyen-Orient.
Ces deux pays coordonnent également des actions militaires en Syrie – et Israël s’est jusqu’ici abstenu de toute critique trop forte envers l’offensive de la Russie en Ukraine, allant jusqu’à refuser de se joindre aux sanctions occidentales contre Moscou.

Popsoi n’a pas souhaité faire de commentaires sur la position d’Israël dans la guerre.
« J’appelle tous les pays du monde libre – partenaires et pays amis – à se tenir sans faillir aux côtés de l’Ukraine », a-t-il déclaré, « car l’Ukraine défend des valeurs et des principes qui nous sont communs. C’est bien le sacrifice de l’Ukraine et le courage de son armée – hommes et femmes – et de sa société qui ont empêché le Kremlin de faire venir ses chars et son armée à nos frontières. »
Il a rappelé que des drones explosifs russes Shahed de fabrication iranienne avaient frappé le territoire moldave, à moins d’un kilomètre des premières habitations.
Popsoi a postulé que le secteur de la Défense des deux pays aurait intérêt à faire preuve de davantage de coopération. « Israël est malheureusement connu pour son état de préparation constant à la guerre et pour sa longue expérience en matière de défis sécuritaires », a-t-il ajouté.
« Nous avons des choses à apprendre l’un de l’autre, y compris en matière d’interférence hybride et de tactiques hybrides », a poursuivi Popsoi. « Nous voulons multiplier les partenariats pour plus d’entraide, nous voulons améliorer la résilience de nos institutions, de nos autorités politiques et de la société dans son ensemble. »
Popsoi s’est entretenu avec le Times of Israël après avoir participé à un sommet international sur la lutte contre l’antisémitisme, sommet qui a été organisé par Saar au titre de la présidence israélienne de l’Alliance internationale pour la mémoire de la Shoah, une organisation intergouvernementale chargée de promouvoir l’enseignement de la Shoah et la lutte contre l’antisémitisme.
« On peut établir des parallèles entre les tragédies de notre histoire, entre les pogroms de Chisinau et les souffrances que nos amis et voisins ukrainiens endurent à cause du Kremlin », a-t-il ajouté en faisant allusion au carnage qui, en 1903, avait fait une cinquantaine de morts et de nombreux blessés parmi les Juifs dela ville alors connue sous le nom de Kishniev.

Il a également rappelé l’attachement de la Moldavie à « sensibiliser à la tolérance, à l’empathie et à la lutte contre l’antisémitisme, surtout si l’on considère l’histoire de la République de Moldavie ». La moitié environ des Juifs de Moldavie sont morts lors de la Shoah.
« Que ce soit pendant l’occupation nazie ou à d’autres moments de notre histoire, nous avons eu notre lot de pages sombres : il est important que les jeunes générations s’en souviennent », a conclu Popsoi, « pour ne plus jamais revoir la tête hideuse de l’antisémitisme. »
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