Le chef de l’armée soudanaise poursuit une tournée régionale au Qatar
L'émir qatari a réclamé "l'arrêt des combats" et demandé que "toutes les forces politiques soudanaises" négocient "un accord global et une paix durable"
Le chef de l’armée soudanaise, Abdel Fattah al-Burhane, a poursuivi jeudi au Qatar une tournée régionale pour tenter d' »asseoir sa légitimité » après près de cinq mois de guerre contre les paramilitaires, selon des commentateurs.
Le général Burhane a évoqué avec l’émir Tamim ben Hamad Al-Thani « la situation au Soudan et les défis rencontrés », a indiqué Doha, avant que le dirigeant de facto du Soudan reparte vers son pays.
L’émir qatari a réclamé « l’arrêt des combats » et demandé que « toutes les forces politiques soudanaises » négocient « un accord global et une paix durable ».
Depuis le 15 avril, la guerre entre l’armée et les Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo, ancien allié du général Burhane lors du putsch de 2021 devenu son grand ennemi, a fait 5 000 morts selon un bilan très sous-estimé, et 4,8 millions de déplacés et réfugiés.
Assiégé par les paramilitaires durant plus de quatre mois au QG de l’armée à Khartoum, le général Burhane a effectué le 29 août en Egypte son premier déplacement à l’étranger depuis le début du conflit.
« Contrôler le terrain »
Alors que des rumeurs de négociations pour une sortie de crise se multiplient, il a rencontré son grand allié le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, et lundi à Juba le président sud-soudanais Salva Kiir.
Il cherche « à asseoir sa légitimité auprès de la communauté internationale », explique à l’AFP Ashraf Abdelaziz, rédacteur en chef d’Al Jarida, un quotidien soudanais indépendant.
Et ce, « dans un contexte de vide et d’absence du chef des FSR de la scène », ajoute-t-il, alors que le général Daglo n’a été vu que dans une seule vidéo depuis le début de la guerre et ne s’exprime que via des enregistrements sonores mis en ligne.
En apparaissant aux côtés de chefs d’Etat étrangers, le chef de l’armée soudanaise tente de montrer que la guerre qu’il mène « n’est qu’un conflit interne », assure M. Abdelaziz.
Mais, souligne-t-il, « le défi reste le contrôle de la situation sur le terrain », alors qu’à Khartoum, les paramilitaires tiennent les quartiers résidentiels et harcèlent l’armée dans les bases où elle reste cantonnée.
Celle-ci répond avec des raids aériens devenus plus violents – et surtout meurtriers pour les civils – ces derniers jours pour tenter de reprendre pied dans une capitale où elle est en difficulté.
Le général Burhane est désormais basé à Port-Soudan, ville de l’Est épargnée par les combats où les responsables du gouvernement et de l’ONU ont aussi pris leurs quartiers. Port-Soudan abrite également le seul aéroport opérationnel du pays.
Au Darfour, vaste région de l’ouest et fief des FSR, l’armée est également à la peine et des militants l’accusent de ne pas protéger les civils, désormais attaqués sur des bases ethniques par les FSR et des milices arabes alliées.
Si le général Burhane a réservé sa troisième visite au Qatar depuis le début de la guerre, deux autres pays du Golfe sont à la manœuvre.
D’un côté, l’Arabie saoudite s’est érigée en médiatrice aux côtés des Etats-Unis, n’obtenant finalement qu’une série de trêves qui n’ont pas duré. De l’autre, les Emirats arabes unis soutiennent le général Daglo qui tient une bonne part des mines d’or du Soudan. Abou Dhabi est le premier acheteur d’or du pays.
Les FSR dissoutes
Mercredi soir, voulant visiblement montrer qu’il reste le chef de facto du pays, le général Burhane a dissous par décret les FSR, les accusant de « rébellion » et de « graves violations ».
Peu avant, les Etats-Unis annonçaient sanctionner des responsables des paramilitaires, notamment le frère de leur patron, Abdelrahim Hamdane Daglo. Washington accuse notamment les FSR de violations des droits humains.
En juillet, l’armée avait boycotté des pourparlers de paix organisés à Addis Abeba, en Ethiopie, par le bloc régional de l’Afrique de l’Est (Igad). Le ministère soudanais des Affaires étrangères avait alors accusé le Kenya, qui préside l’Igad, de soutenir les FSR.
Jeudi, Khartoum a réaffirmé son refus de coopérer avec le comité mis en place par l’Igad pour tenter de mettre fin à la guerre, exigeant à nouveau un changement de présidence de ce comité. Dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères a assuré que « si l’Igad ne répond pas à notre demande de changement de présidence (…) le gouvernement soudanais réexaminera la pertinence de sa participation à l’organisation ».