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Le Danemark adopte une loi pour transférer ses demandeurs d’asile hors d’Europe

Le projet "soulève des questions fondamentales concernant l'accès aux procédures d'asile et l'accès effectif à la protection", a dit un porte-parole de la Commission européenne

Illustration du drapeau du Danemark (Crédit : Jacob Bøtter/CC BY 2.0/Wikimedia commons)
Illustration du drapeau du Danemark (Crédit : Jacob Bøtter/CC BY 2.0/Wikimedia commons)

Un centre d’asile délocalisé au Rwanda ou en Erythrée ? Connu pour sa ligne très dure en matière d’immigration, le Danemark a adopté jeudi une loi lui permettant d’ouvrir des centres pour demandeurs d’asile, qui y seraient envoyés pendant le traitement de leur dossier… et même après.

Dernière nouveauté anti-migratoire du gouvernement social-démocrate de la Première ministre Mette Frederiksen pour dissuader tout migrant de mettre les pieds dans ce riche royaume nordique, le texte prévoit que le demandeur reste dans le pays tiers, même s’il obtient in fine le statut de réfugié.

Fort du soutien de la droite et de l’extrême-droite et malgré l’opposition de certaines formations de gauche, il a été confortablement voté jeudi matin, par 70 voix contre 24.

La Première ministre danoise Mette Frederiksen s’exprime à Bornholm, le 14 juin 2019. ( News Øresund/Johan Wessman via JTA )

L’Union européenne a immédiatement pris ses distances. Le projet « soulève des questions fondamentales concernant à la fois l’accès aux procédures d’asile et l’accès effectif à la protection », a dit un porte-parole de la Commission, Adalbert Jahnz. Une telle procédure d’externalisation n’est « pas possible » selon les règles européennes, a-t-il souligné, notant toutefois que la décision danoise devait être analysée de « manière plus approfondie » à la lumière des exceptions (« opt-outs ») dont bénéficie le pays sur les questions migratoires.

A Copenhague, l’exécutif de centre-gauche mène actuellement une des politiques migratoires les plus restrictives d’Europe : retrait du permis de séjour de Syriens parce que leurs régions d’origine seraient désormais sûres, durcissement d’une loi anti-ghettos visant à plafonner le nombre d’habitants « non occidentaux » dans les quartiers, ou encore l’objectif officiel d’atteindre « zéro réfugié ».

Selon la nouvelle loi, tout demandeur d’asile au Danemark sera, une fois sa demande enregistrée et à quelques rares exceptions près, comme une maladie grave, envoyé dans un centre d’accueil en dehors de l’Union européenne.

S’il n’obtient pas le statut de réfugié, le migrant sera prié de partir du pays hôte.

Payé par le Danemark

Mais « ceux qui obtiendraient le droit d’asile ne seraient pas autorisés à +retourner+ au Danemark, ils auraient simplement le statut de réfugié dans le pays tiers », souligne Martin Lemberg-Pedersen, spécialiste des questions migratoires à l’université de Copenhague.

Toute la procédure sera confiée au pays hôte, moyennant paiement danois.

Pour le moment, aucun pays n’a accepté d’accueillir un tel projet mais le gouvernement assure discuter avec cinq à dix pays, non identifiés.

Les noms de l’Egypte, de l’Erythrée, de l’Ethiopie circulent dans la presse danoise. Mais c’est surtout avec le Rwanda que les discussions semblent les plus avancées.

Des demandeurs d’asile africains et des activistes pour les droits de l’Homme manifestent contre le projet d’expulsion devant l’ambassade du Rwanda, à Herzliya, le 7 février 2018 (Miriam Alster / Flash90)

Fin avril, un protocole d’accord a été signé sur la coopération en matière d’asile et de migration, sans mentionner l’externalisation de la procédure d’asile.

Le système « doit bien sûr être établi dans le cadre des conventions internationales. Ce sera une condition préalable à un accord » avec un pays tiers, a assuré à l’AFP le ministre des Migrations, Mattias Tesfaye. Le mois dernier, il avait justifié qu’il ne s’agirait pas forcément de démocraties « au sens où nous l’entendons ».

Revirement

Le projet, incarné par Mme Frederiksen, acte le revirement complet de la social-démocratie danoise sur les questions migratoires, forte du soutien d’une bonne part de l’opinion et de la majorité du spectre politique.

Ainsi que la généralisation de propositions jadis réservées à l’extrême-droite, note le politologue Kasper Hansen, professeur à l’Université de Copenhague.

Cinq ans après l’adoption d’une loi controversée permettant la saisie des biens de valeur des migrants entrant au Danemark – qui avait fait le tour du monde mais était restée très peu appliquée – les autorités poursuivent leur stratégie de dissuasion.

Seulement 761 personnes ont obtenu l’asile en 2019 et 600 en 2020, contre plus de 10 000 en 2015. Rapporté à sa population, le Danemark accueille dix fois moins de réfugiés que ses voisins allemand ou suédois.

« Ce projet est la continuation d’une politique symbolique, c’est un peu comme Donald Trump et son mur », estime le secrétaire-général de l’ONG ActionAid Danemark, Tim Whyte.

Le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations unies l’avait déjà jugé « contraire aux principes sur lesquels repose la coopération internationale en matière de réfugiés ».

D’après l’institut statistique national, 11 % de la population danoise (5,8 millions d’habitants) est d’origine étrangère, dont 58 % venant d’un pays « non occidental ».

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