Le médecin arabe, accusé à tort d’avoir fait l’éloge d’un terroriste, toujours suspendu
"Hadassah continue de me persécuter", a déclaré le Dr. Ahmad Mahajneh, qui subit des menaces depuis qu'il a été signalé qu'il avait donné de la nourriture à un terroriste présumé
Un médecin arabe israélien d’un hôpital de Jérusalem, accusé à tort d’avoir fait l’éloge d’un terroriste palestinien présumé, a demandé dimanche à l’hôpital de lui présenter des excuses et de mettre fin à la procédure de licenciement engagée suite à ces allégations.
L’hôpital Hadassah Ein Kerem a écrit à l’Association médicale israélienne (AMI) en novembre qu’il avait l’intention de licencier l’interne en médecine, le Dr. Ahmad Mahajneh, en affirmant à tort que le 26 octobre, il avait donné au patient Muhammad Abu Qatish, 16 ans, de la nourriture, l’avait félicité et l’avait qualifié de shahid – martyr.
L’hôpital a également accusé Mahajneh d’avoir « insulté un officier de police ».
Ces fausses accusations ont d’abord été publiquement relayées par le groupe d’extrême-droite Betsalmo – selon un article du journal Israel Hayom – et ont été largement reprises par les médias israéliens, suscitant l’indignation sur les réseaux sociaux, certains utilisateurs menaçant le médecin. Cependant, malgré les rétractations de Betsalmo et des médias au cours de la semaine dernière, l’hôpital n’a toujours pas permis à Mahajneh de reprendre le travail, a-t-il fait savoir.
« Ils doivent s’excuser », a déclaré Mahajneh au site d’information Walla. « Ils doivent le faire. Mais au lieu de cela, Hadassah continue de me persécuter, maintient ma suspension et porte atteinte à mon gagne-pain, à ma profession. Toutes les personnes qui ont été impliquées et ont menti dans cette affaire travaillent comme d’habitude, tandis que je reste assis à la maison. »
« J’ai peur. J’ai reçu de nombreuses menaces depuis le 4 novembre, date à laquelle les fausses informations ont commencé à circuler, et depuis, j’ai peur », a-t-il ajouté.
Shai Glick, président de Betsalmo, le groupe de pression qui a été le premier à prendre des actions contre ces accusations et qui a fait campagne pour le renvoi de Mahajneh, est revenu sur ces affirmations la semaine dernière.
Glick a déclaré avoir recueilli des témoignages de Mahajneh lui-même et d’autres membres du personnel de l’hôpital Hadassah, prouvant que les événements n’ont pas eu lieu comme initialement relatés.
« Le Dr. Mahajneh est un excellent médecin, et j’appelle à son retour au travail dès que possible », a déclaré Glick dans un communiqué.
Hadassah a annoncé la semaine dernière qu’il allait organiser un processus de médiation sur cette affaire, ajoutant que le processus serait dirigé par un juge à la retraite et que l’hôpital avait pour objectif d’y mettre fin « aussi rapidement que possible ».
Répondant aux premières allégations dans une interview accordée début décembre, Mahajneh a déclaré au Times of Israel que lui et un collègue avaient commandé de la nourriture pour fêter la réussite de leurs examens d’internat, notamment du knafeh, une pâtisserie du Moyen-Orient. Une grande partie n’ayant pas été mangée, d’autres membres du personnel de l’hôpital ont suggéré de l’offrir aux patients.
Le médecin a déclaré qu’un autre membre du personnel de l’hôpital avait apporté la nourriture à Abu Qatish alors que celui-ci se trouvait dans sa chambre pour un examen de routine. Selon les autorités israéliennes, Abu Qatish avait grièvement blessé un Israélien lors d’une attaque à l’arme blanche le 22 octobre dans le quartier juif de Jérusalem-Est de Givat HaMivtar. Blessé par balle par un officier après une brève poursuite, il a été hospitalisé à Hadassah dans un état grave.
« Je lui ai demandé en arabe comment il allait », a-t-il ajouté. « Je n’ai jamais dit au terroriste ‘mabrouk’ [félicitations]… et je ne l’ai certainement pas qualifié de ‘shahid’ [martyr]. »
Selon Mahajneh, peu de temps après, un policier qui gardait le suspect est entré dans la salle du personnel et a crié « qui était le médecin qui était dans la chambre [du terroriste] à l’instant ? ». Mahajneh a répondu qu’il était le médecin en question, ce qui a mis l’officier en colère, se souvient-il.
L’hôpital a affirmé que l’agent a confronté Mahajneh parce que donner à un patient de la nourriture apportée de l’extérieur est contraire au protocole de l’hôpital.
Lorsqu’un deuxième policier s’est présenté, il a demandé à Mahajneh de s’identifier, ce dernier a refusé. C’est alors que l’officier a commencé à le filmer. Hadassah a affirmé que Mahajneh a demandé à l’officier « pourquoi me filmez-vous ? Seriez-vous stupide ? ».
Mahajneh a affirmé qu’il avait en fait dit que « c’était stupide de [sa] part de filmer ».
« Je voulais dire que l’acte de filmer était stupide, pas le policier, que je ne connaissais pas », a déclaré Mahajneh.
En plus d’avoir prétendument insulté l’officier, Hadassah a reproché à Mahajneh de ne pas s’être identifié après avoir été informé de son obligation de le faire en vertu de la loi israélienne.
Hadas Zvi, directrice adjointe de l’éthique médicale de l’organisation Physicians for Human Rights Israel, a affirmé que la police doit avoir un motif raisonnable pour demander une pièce d’identité, citant les avocats de l’organisation. Elle a ajouté que Mahajneh portait déjà un badge nominatif.
Bien que le fait de donner aux patients de la nourriture provenant de l’extérieur de l’hôpital soit contraire au protocole du centre hospitalier, la règle est rarement appliquée, a déclaré Zvi. Et une fois la décision prise de distribuer les restes, refuser une part au terroriste présumé aurait violé le principe d’éthique médicale de l’égalité de traitement.
L’organisation israélienne Tag Meir, qui fait campagne contre les crimes de haine anti-arabes et le sectarisme religieux, a organisé un forum la semaine dernière à Jérusalem et a invité Mahajneh à partager son histoire.
Mahajneh a déclaré à Walla que l’événement avait été « réconfortant ».
« Mon père, un bon ami et moi-même sommes arrivés à la réunion… que nous pensions être un petit événement intime, et nous nous sommes retrouvés devant beaucoup de gens », a-t-il dit, ajoutant que « 99 % » des participants étaient Juifs.
Gadi Gvaryahu, président de Tag Meir, a déclaré que l’organisation avait écrit à Hadassah pour demander à l’hôpital la réintégration de Mahajneh.
« Ce n’est pas notre définition du judaïsme et ce n’est pas le genre de pays que nous voulons voir », a déclaré Gvaryahu.
Interrogé par le Times of Israel suite aux derniers commentaires de Mahjneh, Hadassah a fait référence à la déclaration qu’elle avait publiée mercredi sur le processus de médiation. La déclaration ne mentionnait pas la fausse accusation selon laquelle Mahajneh avait fait l’éloge du terroriste présumé.
Dans sa déclaration, l’hôpital s’est dit « déterminé à ne pas laisser des facteurs politiques, de quelque bord qu’ils soient, interférer et exercer une pression qui nuirait à l’organisme, qui, au cours de toutes ses années d’existence, a été un symbole et un exemple de coexistence ».