Les priorités de la Russie sont claires – et Israël n’en fait pas partie
Même si Netanyahu et Poutine se sont longuement entretenus, dimanche, les choses ne changeront pas - parce que comme la Russie l'a déjà démontré, elle a choisi son camp
Dimanche, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a quitté la réunion hebdomadaire de son cabinet pour s’entretenir au téléphone avec le président russe Vladimir Poutine, une conversation qui a duré presque une heure. Et à peine la discussion était-t-elle terminée que les deux parties avaient déjà publié leur propre version des échanges entre les deux hommes.
Le bureau de Netanyahu a mentionné les critiques du Premier ministre sur l’alliance conclue entre Moscou et l’Iran, et le communiqué a noté que le chef du gouvernement israélien avait fait part de son mécontentement face au positionnement du Kremlin concernant la guerre qui oppose actuellement l’État juif et le Hamas. La question des otages israéliens à Gaza a aussi été évoquée.
De son côté, Moscou a souligné « la situation humanitaire catastrophique à Gaza », disant que Poutine avait insisté sur le fait que la riposte israélienne au massacre commis par le Hamas, le 7 octobre, dans le sud d’Israël ne pouvait pas pour autant entraîner « des conséquences d’une telle dureté pour la population civile ».
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Au moment même de l’appel entre les dirigeants, le ministre vétéran des Affaires étrangères russe, Sergei Lavrov, était à la tribune du forum de Doha, où il prenait la parole.
Se référant à la guerre à Gaza, il a précisé que la Russie « condamne avec force l’attaque terroriste perpétrée en Israël en date du 7 octobre ».
Mais, a-t-il ajouté, « en même temps, nous ne pensons pas que ce soit acceptable d’utiliser cet événement pour sanctionner de manière collective des millions de Palestiniens, soumis à des bombardements indiscriminés ».
D’un côté, l’utilisation explicite de la formule « attaque terroriste » en ce qui concerne le massacre commis par les hommes armés du Hamas, le 7 octobre, peut être considéré comme une légère amélioration par rapport à la déclaration qui avait été initialement faite par Poutine sur ces atrocités – commises lorsque des milliers de terroristes s’étaient infiltrés à travers la frontière avec Israël, tuant 1 200 personnes, des civils en majorité, et prenant environ 240 personnes en otage dans la bande de Gaza.
Dans cette déclaration précédente, qui avait été faite au cours d’une conversation avec Netanyahu, dix longues journées après l’attaque, Poutine s’était contenté de condamner « toutes les actions dont les populations civiles deviennent les victimes ».
Et pourtant, alors que la Russie s’efforce de continuer son exercice d’équilibriste au Moyen-Orient – Poutine a accueilli, la semaine dernière, le président iranien Ebrahim Raisi et il a appelé Netanyahu, dimanche – il est peu probable que la politique actuelle du Kremlin à l’égard d’Israël, du Hamas et de l’Iran changera de manière significative.
« Le Hamas a commis une attaque terroriste le 7 octobre – attaque que nous avons immédiatement condamnée. Le Hamas a une branche politique qui travaille ici, à Doha, et nous entretenons une relation avec cette branche ; nous l’avons immédiatement contactée pour discuter du sort qui serait réservé aux personnes prises en otage », a dit Lavrov, dimanche, au cours de son discours dans la capitale qatarie, ce qui montre la différence qui est faite par la Russie entre l’aile militaire et l’aile politique du groupe terroriste.
Contrairement à des dizaines d’autres organisations et mouvements extrémistes radicaux, le Hamas n’est pas interdit en Russie, pas plus qu’il n’est reconnu comme groupe terroriste. La Russie maintient des relations avec l’aile politique du Hamas depuis les élections parlementaires palestiniennes de 2006 et elle soutient que dans la mesure où le Hamas ne figure pas sur la liste des organisations terroristes des Nations unies, il n’y a aucune obligation, pour Moscou, de l’identifier comme telle sur son territoire.
Une différentiation à laquelle Israël s’oppose catégoriquement – autant en ce qui concerne le groupe terroriste libanais du Hezbollah qu’en ce qui concerne le Hamas. L’État juif insiste sur le fait que les leaders politiques qui incitent les populations à la violence et qui financent le terrorisme sont aussi responsables des attaques que l’ont été leurs auteurs. Après tout, c’est Ghazi Hamad, haut-membre du bureau politique du Hamas, qui a récemment promis que le massacre du 7 octobre se répèterait « encore et encore » jusqu’à éradication totale d’Israël.
Mais ce qui est encore plus significatif, pour l’État juif, c’est que les liens tissés entre la Russie et l’Iran sont florissants, les deux pays dépendant de plus en plus l’un de l’autre.
Le Kremlin doit encore annoncer la finalisation d’un accord qui prévoit la vente de ses avions de chasse SU-35, à la pointe de la technologie, de ses hélicoptères d’attaque Mil Mi-28 et de ses avions biréacteurs Yakovlev Yak-130 (comme les médias de l’État iranien l’ont fait savoir), mais il dépend aussi lourdement des drones kamikazes Shahed-136, fabriqués au sein de la république islamique, dans sa guerre contre l’Ukraine – la Russie a d’ailleurs commencé à produire et à moderniser ses drones sur son propre sol à l’aide de pièces détachées iraniennes.
Tandis que l’Iran a cherché à établir un partenariat avec Moscou pendant des années – Téhéran a souvent été rejeté dans cette tentative – il semble aujourd’hui que le Kremlin isolé a dorénavant plus besoin de la République islamique que le contraire.
Alors qu’aucune fin de la guerre en Ukraine ne se profile à l’horizon, la dépendance de la Russie face à des pays comme la Turquie et l’Iran, dans le domaine du commerce et des équipements militaires, va probablement s’accroître. Netanyahu avait compté sur les sentiments chaleureux ressentis par Poutine à l’égard d’Israël et du peuple juif pour l’empêcher de courtiser les pires ennemis de l’État juif – force est de reconnaître que les liens établis par la Russie avec l’Iran, le Hezbollah, le Hamas, le Jihad islamique et autres groupes mandataires de Téhéran sont la preuve de ce que les sentiments chaleureux ne représentent que peu de choses face aux intérêts et à la realpolitik de la Russie.
Israël appartient au camp occidental alors que la Russie aspire à prendre la tête du bloc qui se dresse contre l’Occident. Il paraît probable que les deux parties sont appelées à s’éloigner encore davantage l’une de l’autre à l’avenir.
L’autrice, ancienne membre de la Knesset, est chercheuse à l’Atlantic Council et directrice exécutive de ROPES.
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