L’influenceuse juive qui a fui l’Iran revit la chute du shah avec ce qui se passe sur les campus américains
La militante démocrate et cofondatrice de I Am A Voter, Mandana Dayani, lutte contre la montée de l'antisémitisme aux États-Unis – un problème lié, selon elle, à son cheval de bataille
NEW YORK – L’activisme dont fait preuve Mandana Dayani lui vient – de son aveu même – de ce qu’elle a vécu. Contrainte de scander les slogans
« Mort à l’Amérique » ou « Mort à Israël », lorsqu’elle était enfant, Dayani a quitté l’Iran, avec le reste de sa famille juive persane, pour venir s’installer en Amérique en qualité de réfugiés religieux. Depuis, elle consacre sa vie et son temps à la protection de la démocratie et des valeurs occidentales.
« C’est naturel pour moi de militer en faveur de tout cela parce que j’ai personnellement connu les persécutions, je connais les enjeux. J’ai une très forte conscience de l’importance de ces privilèges et de ces droits », explique Dayani au Times of Israel.
En 2018, Dayani a co-fondé I Am A Voter, organisation non partisane dont l’ambition est de susciter l’inscription sur les listes électorales et la participation aux scrutins avec plus d’un million de vues. I Am A Voter – qui a fusionné ces dernières semaines avec l’organisation non partisane d’inscription des électeurs HeadCount – et les autres projets de Dayani, dont le podcast intitulé « The Dissenters », ont en commun de parler des moyens d’impliquer davantage les citoyens américains dans l’exercice de leur démocratie.
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Mais depuis l’attaque du Hamas contre Israël, le 7 octobre dernier, Dayani fait aussi acte de militantisme – en ligne mais pas uniquement – autour de la question de la résurgence de l’antisémitisme aux États-Unis.
Une vidéo réalisée par ses soins peu de temps après les attentats et expliquant en quoi les terroristes du Hamas – qui ont massacré près de
1 200 personnes dans le sud d’Israël et fait 252 otages séquestrés dans la bande de Gaza – ne sont pas des « combattants de la liberté » a été partagée et vue plus de 50 millions de fois.
La forte visibilité de Dayani sur Internet, ainsi que ses interviews pleines de compassion et de curiosité, ont fait d’elle l’une des plus meilleures ambassadrices de la communauté juive de la diaspora dans le monde.
« La République islamique d’Iran qui nous a forcés, moi et mes proches, à quitter notre pays, est aujourd’hui plus oppressive que jamais », témoignait Dayani en décembre lors d’une discussion aux Nations unies à propos des violences sexuelles et sexistes infligées le 7 octobre contre Israël. « Et c’est le même régime qui finance le groupe terroriste du Hamas. »
Ces dernières semaines, Dayani a surtout consacré son temps à la lutte contre l’antisémitisme qui sévit sur les campus américains et à la mise en avant, sur Internet, des leaders juifs étudiants « pour les soutenir et les interviewer, faire connaître leur histoire et ajouter une dimension très humaine à leur combat ».
« J’ai l’impression que ces leaders étudiants [juifs] sont les héros que nous attendions depuis longtemps », analyse-t-elle. « La passion qui les anime, leurs convictions et leur courage me touchent beaucoup. Ils sont tellement audacieux et agissent si différemment des gens de ma génération ou de celles qui nous ont précédées. »
« On nous disait de nous taire, de ne pas faire de vagues, de n’irriter personne. Toux ceux qui ne voulaient pas d’ennuis apprenaient à se fondre dans la masse, courber le dos et disparaître, en quelque sorte, dans les lieux publics. Je suis très, très émue de leur capacité à rester ce qu’ils sont, fiers de leur judéité », confie-t-elle.
Dayani fait ici allusion au hashtag #werenotgoinganywhere, utilisé par la présidente du corps étudiant juif de l’Université de Californie-Santa Barbara, Tessa Veksler, en disant : « J’adore : nous n’allons pas nous perdre ni renoncer à une partie de ce que nous sommes pour faire plaisir aux autres. C’est magnifique. La situation est déchirante, bien sûr, mais j’ai tant de raisons d’espérer. »
Les dénominateurs communs de l’humanité
Le plus dur, en ce moment, estime Dayani, c’est de voir que les gens perçoivent différemment la haine envers les Juifs de celle manifestée envers d’autres groupes.
« Les gens n’essaient pas vraiment de comprendre comment les Juifs perçoivent l’activisme [pro-palestinien] ou les programmes, les mots qui sont dits. Je ne sais pas si, pour eux, les Juifs sont des personnes méritant d’être protégées, ou dignes d’empathie. Je crois qu’ils pensent simplement : ‘Ils vont bien, ils ont tellement de pouvoir.’ J’utilise des guillemets, évidemment, parce que j’évoque là des théories complotistes qui polluent le discours ambiant », poursuit-elle.
Elle explique que son travail, en tant qu’activiste, consiste à aller chercher partout les dénominateurs communs de l’humanité et à inviter les gens à y réfléchir.
« Je suis née en Iran et j’ai dû fuir la dictature, pour venir vivre ici, librement, en tant que Juive. Tout ce que je fais pour protéger notre démocratie vient du fait que je suis éminemment consciente de ce privilège et de l’importance de le préserver », explique Dayani.
Aujourd’hui, elle dit ne pas pouvoir s’empêcher d’établir un lien entre le régime qui l’a forcée à quitter l’Iran et la prolifération d’une propagande pro-terroriste aux États-Unis qui « influence une génération entière d’Américains ».
Selon elle, il y a de forts parallèles entre la radicalisation et la désinformation en ligne et l’ingérence et les divisions électorales qui ont précédé les élections de 2020.
« Les gens voient ces points de vue extrémistes parce que ce sont ceux que les algorithmes favorisent. Ce n’est pas parce que certains font plus de bruit qu’ils ne sont pas représentatifs du pays », ajoute Dayani. « Je tente donc d’aider les gens à se recentrer, en leur rappelant que les élections ont des conséquences, qu’il existe selon moi des ingérences extérieures, et qu’en ce moment, la protection de la démocratie est absolument essentielle. »
Des échos de l’Histoire
Dayani pense que les mouvements de manifestation sur les campus américains sont très semblables à ceux qui ont précipité la chute du shah en Iran.
« C’est tellement semblable, en tout point – les mots, les discours, les sympathisants terroristes. Je pense être bien placée pour le voir et le reconnaître », dit-elle.
Le simple fait d’offrir le visage d’une communauté juive unie est l’une des choses les plus importantes à faire en ce moment, affirme-t-elle.
« J’ai vu une vidéo d’une femme, une rescapée de la Shoah, qui a pris la parole lors d’un conseil municipal de Berkeley pour plaider en faveur d’un projet de loi sur la mémoire de la Shoah. Au milieu des huées d’une partie du public. Je me suis dit, mon Dieu, nous aurions dû être un millier aux côtés de cette femme. Comment peut-on laisser une rescapée de la Shoah prendre la parole en étant si seule ? s’interroge Dayani.
« Nous aurions dû le savoir. Nous aurions dû être là et lui tenir la main. Rester debout, tenter d’organiser les choses et exprimer ma reconnaissance est ma façon à moi d’aider à ce que les choses s’arrangent. »
Malgré la désinformation, les propagandistes favorables aux terroristes et les mouvements antidémocratiques qui se multiplient un peu partout dans le monde, Dayani assure garder l’espoir.
« Je crois que ce qui fait de moi une bonne militante, c’est le fait que je sois une sorte d’innocente pleine d’espoir », confesse Dayani en riant. « Vous voyez ce que je veux dire, je me réveille chaque matin en pensant que cela va aller mieux. Vous me suivez ?… Il est important pour moi de continuer à croire que les choses vont s’arranger, qu’il est possible de changer la donne. »
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