Mandelblit : les transactions illicites s’élèvent à 500 millions de dollars
Le Premier ministre a viré un ministre, évincé un responsable, arrêté une réforme d'Internet pour satisfaire le dirigeant de Bezeq en échange d'une couverture médiatique favorable
Détaillant le comportement présumé qui l’a amené à recommander la mise en examen pour corruption, fraude et abus de confiance de Benjamin Netanyahu dans ce qu’on appelle l’Affaire 4000, le procureur général d’Israël a accusé jeudi le Premier ministre d’être intervenu dans des décisions réglementaires et commerciales qui ont bénéficié à un magnat israélien à hauteur de 1,8 milliard de shekels – soit environ 500 millions de dollars.
La longue description par le procureur Avichai Mandelblit des transactions illicites présumées entre Netanyahu et Shaul Elovich – l’actionnaire majoritaire de la plus grande société de télécommunications israélienne Bezeq et propriétaire du site web d’information Walla – représentait la majorité du document de 57 pages publié jeudi dans lequel le procureur expose les allégations qui l’ont amené à annoncer le déclenchement de la procédure d’inculpation du Premier ministre.
Alors que d’autres responsables de la hiérarchie du ministère public auraient recommandé que Netanyahu soit inculpé de corruption dans les trois affaires contre lui, Mandelblit a opté pour des charges moins lourdes dans les Affaires 1000 et 2000, réservant l’accusation de corruption plus grave pour l’Affaire 4000 Bezeq-Walla.
Dans le document, envoyé aux avocats de Netanyahu, Mandeblit énonce ce qu’il a dit être une relation de contrepartie illicite de plusieurs années entre le Premier ministre et Elovitch qui n’a pris fin que début 2017, selon laquelle Elovitch a assuré une couverture favorable à Netanyahu sur le site Walla, deuxième plus grand site d’information en Israël, et une couverture critique de ses rivaux, particulièrement pendant les périodes électorales de 2013 et 2015. Netanyahu lui-même est également intervenu dans le contenu publié sur Walla, « parfois même quotidiennement », accuse Mandelblit. Et en retour, le Premier ministre a veillé à ce que les exigences commerciales d’Elovitch soient satisfaites.
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Plus précisément, le procureur général a allégué que M. Netanyahu avait destitué un ministre des Communications, Gilad Erdan, dont l’approche a été jugée insatisfaisante par M. Elovitch, pour se nommer lui-même à la place au poste de ministre des Communications. Immédiatement après les élections de 2015,
Netanyahu aurait alors licencié le directeur général du ministère, Avi Berger, qui proposait une réforme radicale de l’industrie israélienne des télécommunications. Celle-ci aurait permis d’ouvrir le marché Internet israélien, largement contrôlé par Bezeq, à une concurrence dynamique, et d’assurer le déploiement efficace et rapide des infrastructures Internet les plus modernes.
Elovitch voulait se débarrasser de Berger, selon le procureur général, et Netanyahu a fait le nécessaire.
En remplacement de Berger, licencié par téléphone, Netanyahu nomma un assistant fiable de longue date, Shlomo Filber, même s’il n’avait pas l’expérience requise pour le poste.
Le Premier ministre convoqua alors Filber à son bureau, l’informa qu’Elovitch n’était pas satisfait des politiques du ministère et lui a dit de faire en sorte que le magnat soit dorénavant satisfait, affirme Mandelblit.
La relation entre Netanyahu et Elovitch constitue un conflit d’intérêts flagrant, écrit le procureur général, dans lequel Elovitch est intervenu « durement » en son nom dans Walla, avec l’espoir, qui a porté ses fruits, d’un bénéfice commercial.
Netanyahu a en effet utilisé son « pouvoir et son autorité » pour promouvoir les intérêts d’Elovitch, dans la mesure où Elovitch a gagné « directement ou indirectement »1,8 milliard de shekels en conséquence des décisions réglementaires et autres de Netanyahu.
C’était une relation donnant-donnant, allègue Mandelbit, et c’était illégal. D’où les accusations de corruption, contre Netanyahu et Elovitch.
S’adressant aux Israéliens en direct à la télévision quelques heures après que Mandelblit a annoncé son intention d’inculper, Netanyahu a promis de réfuter toutes les accusations qui pesaient contre lui.
Loin d’obtenir une couverture favorable de la part de Walla,
2,5 articles favorables baignaient dans un « océan » de couverture hostile, a dit Netanyahu.
Il a accusé Filber et deux autres témoins de l’Etat dans les affaires contre lui de « faux témoignage pour sauver leur peau ».
Et il a déploré que le procureur général, qui n’est « que de chair et de sang », ait cédé à la « pression presque inhumaine » de la gauche pour porter des accusations fondées sur des allégations « ridicules et infâmes » à son encontre.
« J’amènerai des dizaines de témoins qui, étonnamment, n’ont pas été interrogés », a promis Netanyahu. Il devrait également apporter des documents et protocoles « pour montrer que mes actions étaient irréprochables ».
Le « château de cartes va s’effondrer », a-t-il prédit, ajoutant en souriant, en référence à l’Affaire 4000, « j’en suis sûr à 4 000 % ».