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Analyse

Netanyahu mise sur Trump avec l’accord sur les otages

Le Premier ministre prend le risque d'un schisme avec ses plus proches alliés politiques pour faire avancer un accord avec le Hamas : il a de bonnes raisons de penser que cela en vaut la peine

Haviv Rettig Gur

Haviv Rettig Gur est l'analyste du Times of Israël

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu s'entretenant au téléphone avec le président américain élu Donald Trump, le 15 janvier 2025. (Crédit : Amos Ben Gershom/GPO)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu s'entretenant au téléphone avec le président américain élu Donald Trump, le 15 janvier 2025. (Crédit : Amos Ben Gershom/GPO)

À l’heure où nous rédigeons ces lignes, l’accord entre Israël et le Hamas pour la libération des otages et un cessez-le-feu temporaire à Gaza n’est ni signé ni scellé, malgré les annonces enthousiastes dans le monde entier. Les exigences de dernière minute formulées par le groupe terroriste palestinien ont retardé toute déclaration officielle.

Le dernier obstacle du côté du Hamas semble être l’identité de certains prisonniers sécuritaires, incarcérés pour terrorisme, qu’Israël devra libérer en vertu des termes de l’accord.

Du côté israélien, une complication supplémentaire pourrait découler des craintes de Benjamin Netanyahu, qui redoute de perdre le soutien des factions d’extrême droite de sa coalition.

Le chef du parti Otzma Yehudit, Itamar Ben Gvir, a déjà annoncé qu’il quitterait le gouvernement si l’accord était signé. Si Netanyahu semble s’être résolu à perdre le soutien de ce dernier, il redoute profondément une rupture avec Betzalel Smotrich, le chef de HaTzionout HaDatit et ministre des Finances.

Netanyahu a déployé des efforts considérables pour convaincre Smotrich de rester dans la coalition, bien conscient qu’une perte de son appui affaiblirait encore davantage le gouvernement. Bien que, sur le papier, la coalition pourrait survivre sans ces deux factions, elle deviendrait nettement plus instable et moins loyale.

L’argument avancé par Netanyahu à huis clos a émergé publiquement jeudi, dans une déclaration aux médias attribuée à un « haut fonctionnaire » anonyme – une expression souvent utilisée comme code journalistique pour désigner un porte-parole de Netanyahu, voire Netanyahu lui-même.

Le chef du parti HaTzionout HaDatit, le député Bezalel Smotrich (à droite) ,aux côtés du chef du parti Otzma Yehudit, le député Itamar Ben Gvir, à la Knesset, le 28 décembre 2022. (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90)

« Contrairement aux informations erronées », indique le communiqué, « Israël ne quittera pas le corridor de Philadelphi », qui longe la frontière entre l’Égypte et la bande de Gaza.

« Israël restera dans le corridor tout au long de la phase 1, soit pendant les 42 jours. Bien que les forces de l’armée israélienne doivent se redéployer dans certaines zones, le volume des troupes restera le même, incluant les avant-postes, les patrouilles, les sites d’observation et le contrôle de l’ensemble du corridor. »

La déclaration contient également une promesse catégorique : « Si le Hamas n’accepte pas [lors des négociations sur la phase 2] les exigences d’Israël concernant la fin de la guerre (la réalisation des objectifs de la guerre), Israël restera dans le corridor de Philadelphi au 42ᵉ jour, et certainement encore au 50ᵉ jour. » En d’autres termes, Israël maintiendra sa présence dans le corridor de Philadelphi jusqu’à nouvel ordre.

Il s’agit d’une déclaration inhabituelle, avec la mention de « la réalisation des objectifs de la guerre » qui semble indiquer que la phase 2 dépendrait de la capitulation ou de l’exil du Hamas après la phase 1. Ce message, clairement adressé à Smotrich et à l’extrême droite, semble toutefois avoir été délibérément formulé de manière suffisamment vague pour éviter de provoquer de nouveaux blocages dans les négociations.

Des ouvriers peignant des panneaux de signalisation sur le corridor Philadelphi, la zone frontalière entre l’Égypte et la bande de Gaza dans le sud de Rafah, le 20 octobre 2024. (Crédit : Emanuel Fabian/Times of Israel)

L’embarras

Il existe une raison pour laquelle Netanyahu semble éprouver des difficultés à s’exprimer clairement – et pourquoi il n’a pas encore annoncé publiquement la teneur des pourparlers.

Une large majorité d’Israéliens, qu’ils soient juifs ou arabes, soutient l’accord sur les otages. Selon un sondage de l’Institut israélien de la démocratie (IDI) publié mardi, 58 % des Israéliens approuvent l’intégralité de l’accord, même au prix de maintenir le Hamas au pouvoir dans la bande de Gaza. Par ailleurs, 12 % des personnes interrogées soutiennent uniquement la première phase de l’accord – qui prévoit la libération de 33 otages sans retrait total d’Israël – mais souhaitent une reprise des combats par la suite. En résumé, près de 70 % des personnes interrogées souhaitent que le Premier ministre signe l’accord.

Cependant, le véritable problème de Netanyahu réside dans les 23 % d’Israéliens qui s’y opposent. Ces derniers soutiennent la poursuite de la campagne militaire, estimant qu’elle pourrait aboutir à un meilleur accord à l’avenir. Ils sont pour la plupart des électeurs de sa coalition.

Des jeunes de droite protestant contre l’accord de cessez-le-feu avec le Hamas, devant la Knesset, à Jérusalem, le 16 janvier 2025. (Crédit : Charlie Summers/Times of Israel)

Un grand nombre d’Israéliens, notamment parmi les électeurs de droite, sont consternés par le prix qu’Israël s’apprête à payer lors de la première phase de l’accord : la libération de 1 000 prisonniers palestiniens, dont certains sont des terroristes tristement connus et des meurtriers.

Pour ces Israéliens, la guerre contre le Hamas à Gaza – un long et coûteux conflit qui a endeuillé des familles israéliennes et causé des pertes humaines encore plus lourdes parmi les habitants de Gaza – ne peut se terminer avec le Hamas toujours au pouvoir. Ils redoutent que cette campagne militaire, si elle s’interrompt maintenant, ne puisse pas être relancée facilement.

Beaucoup craignent qu’avec la signature de l’accord, le Hamas non seulement survive à la guerre, mais aussi renforce ses capacités, restaure sa réputation et consolide son contrôle futur sur la bande de Gaza.

Lorsqu’on perd confiance dans la capacité de ses dirigeants à remporter une victoire, il devient plus facile de soutenir une solution négociée – même si cela implique de laisser un ennemi détesté au pouvoir.

Des parents et des amis de personnes tuées ou enlevées par le groupe terroriste Hamas et emmenées à Gaza, participant à une manifestation en faveur d’un cessez-le-feu et d’un accord de libération des otages, à Tel Aviv, le 15 janvier 2025. (Crédit : Ohad Zwigenberg/AP)

Alors, qu’en est-il de la promesse maintes fois répétée – et souvent tournée en dérision – de Netanyahu d’obtenir une « victoire totale » ?

La question n’est pas anodine pour lui. L’un des principaux moteurs du soutien à l’accord est la méfiance généralisée de nombreux Israéliens, que de nombreux sondages permettent de quantifier, selon laquelle Netanyahu n’a pas la volonté ou la capacité de parvenir à une issue favorable à la guerre. Lorsqu’on doute de la capacité de ses dirigeants à remporter la victoire, on est beaucoup plus enclin à soutenir une fin négociée, même au prix de laisser un ennemi haï au pouvoir. La méfiance du centre et de la gauche à l’égard de Netanyahu est l’un des principaux moteurs de l’opposition à la poursuite des combats.

Netanyahu ne peut se permettre de créer la même impression d’incapacité et de malhonnêteté à l’extrême droite.

Le deuxième accord

Tout cela nous amène à nous poser la question suivante : pourquoi s’engagerait-il dans un accord qui comporte autant de risques politiques pour lui ?

L’accord actuellement sur la table n’est pas, malgré les dires du président sortant Joe Biden, le même que celui qui avait été présenté en mai. Les principales exigences israéliennes que le Hamas avait refusées au printemps ont été satisfaites, notamment le rythme de libération des otages et la présence importante de troupes israéliennes dans le corridor de Philadelphi au cours de la phase 1.

Mais pourquoi le Hamas est-il soudain disposé à faire ces concessions ? Et pourquoi Netanyahu, qui s’est accroché à la droite de sa coalition pendant seize mois ? Est-il tout à coup prêt à prendre le risque d’une épreuve de force politique ?

C’est là qu’intervient le président élu Donald Trump.

Le président américain Donald Trump (à droite) et le Premier ministre Benjamin Netanyahu, en visite, marchant le long de la Colonnade de la Maison Blanche, à Washington, le 25 mars 2019. (Crédit : Manuel Balce Ceneta/AP)

Deux accords sont sur la table cette semaine : l’accord de Netanyahu avec le Hamas et l’accord de Netanyahu avec la future administration Trump. Nous en savons beaucoup sur le premier et très peu sur le second.

Le revirement de Netanyahu semble s’être produit lors de conversations avec des responsables de l’administration Trump, depuis le président élu lui-même jusqu’à son envoyé au Moyen-Orient, Steve Witkoff. À tel point que certains responsables arabes ont suggéré qu’une seule réunion samedi entre Netanyahu et Witkoff avait davantage contribué à faire changer d’avis Netanyahu qu’une année de cajoleries de l’administration Biden.

(Il convient de préciser à l’intention de ceux qui pensent que Netanyahu était le principal obstacle à un accord que le Hamas n’a en réalité jamais donné son accord à aucune version antérieure de l’accord actuel).

Mais que pourrait avoir offert l’équipe Trump à Netanyahu pour faire d’une épreuve de force avec Smotrich et Ben Gvir un événement finalement acceptable ?

Officiellement, il semble qu’il s’agisse de la promesse d’une reprise de la guerre. Lors de son audition de confirmation au Sénat pour sa nomination au poste de secrétaire à la Défense, Pete Hegseth avait affirmé sans détour aux sénateurs qu’il était « favorable à ce qu’Israël détruise et tue jusqu’au dernier membre du Hamas ».

Dans une interview accordée au podcast Call Me Back, le nouveau conseiller à la sécurité nationale, Mike Waltz, a déclaré que Trump cherchait à changer en profondeur la dynamique qui encourageait les groupes terroristes à prendre des otages.

« Les groupes terroristes et les États voyous ont pris des Américains en otage, et ils n’en ont vu que les avantages ces quatre dernières années », a souligné Waltz.

« Alors, pourquoi n’en prendraient-ils pas davantage ? Pourquoi n’en prendraient-ils pas autant que possible pour voir ce qu’ils obtiendront ? Le président Trump a été très clair dès le début : pas seulement avec le Hamas, mais avec les groupes [terroristes] du monde entier, il n’y aura que des désavantages. »

Le Hamas, a expliqué Waltz au journaliste Dan Senor, « doit être détruit au point qu’il ne puisse pas se reconstituer ».

Netanyahu canaliserait-il un engagement solennel de Trump lorsqu’il promet à Smotrich une reprise de la guerre après la phase 1 ?

S’exprimant sur Fox News mercredi soir, Waltz a par ailleurs précisé que les États-Unis soutiendraient Israël s’il devait reprendre Gaza. « Nous avons été très clairs avec les Israéliens, et je veux que le peuple israélien m’entende sur ce point : s’ils doivent y retourner, nous les soutiendrons », a-t-il déclaré.

« Si le Hamas ne respecte pas les termes de cet accord, nous nous tiendrons aux côtés [d’Israël] », a-t-il poursuivi.

Jouer les gentils

Le Hamas a désespérément besoin d’un accord. Il a consenti aux demandes israéliennes qu’il a longtemps rejetées d’emblée, comme le fait de laisser les troupes israéliennes à Philadelphi pendant la phase 1, où elles seront en mesure d’empêcher le réarmement du groupe terroriste palestinien par les tunnels frontaliers vers l’Égypte, tout au moins pendant la durée de cette phase du cessez-le-feu.

Au cours des seize derniers mois, le groupe a perdu ses principaux soutiens, le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah et l’Iran. Ses alliés houthis au Yémen sont passés du statut d’alliés dévoués à celui d’exemple à suivre pour le reste de la région. Les frappes aériennes israéliennes à Hodeida et Ras Issa dans ce pays ravagé par la guerre ont pratiquement éliminé la capacité des Houthis à exporter du pétrole et du gaz.

Et Trump, bien sûr, redistribue les cartes. Les Israéliens sont convaincus qu’ils auront les mains plus libres contre leurs ennemis dans la région après le 20 janvier.

Cet accord marque donc un assouplissement des exigences du Hamas, notamment concernant la demande importante d’un engagement préalable d’Israël à ne pas reprendre les combats après la première phase. La reconstruction de Gaza ne commencera également qu’au cours des phases ultérieures.

Pourquoi le Hamas accepterait-il cette trêve, qui est bien en deçà du retrait stratégique de la présence israélienne qu’il réclamait depuis novembre 2023 ? Pourquoi laisserait-il Israël en mesure et apparemment désireux de reprendre la guerre dès que 33 otages seront aux mains d’Israël ?

Peut-être pour la même raison que celle pour laquelle Netanyahu semble si enthousiaste à l’idée d’un accord : Trump.

L’arrivée de Trump a fondamentalement changé la donne. Compte tenu des propos de Hegseth et Waltz, Netanyahu peut raisonnablement s’attendre à bénéficier du soutien américain pour toute escalade future.

Trump a toutefois critiqué à plusieurs reprises l’effort de guerre israélien pour sa lenteur, son indécision et sa défaite en matière de relations publiques.

Une nouvelle dynamique est donc en jeu.

Israël a donc les mains libres pour gagner, mais Trump, semble-t-il, veut qu’il montre qu’il est prêt à tenter un cessez-le-feu, publiquement et clairement. Lorsque le Hamas tentera inévitablement de se réarmer ou de lancer une roquette, Israël aura son excuse pour reprendre le combat, peut-être mieux préparé et avec une meilleure infiltration des renseignements dans les rangs du Hamas que le 8 octobre 2023.

Entre-temps, il aura offert à Trump sa victoire politique sous la forme d’un cessez-le-feu et obtenu son soutien pour une lutte plus intense contre le groupe terroriste palestinien du Hamas.

Des Palestiniens célébrant l’annonce imminente d’un accord de cessez-le-feu entre le Hamas et Israël à Khan Younès, au centre de la bande de Gaza, le 15 janvier 2025. (Crédit : Jehad Alshrafi/AP)

Si telle est la dynamique de base, elle explique en grande partie les actions de Netanyahu et du Hamas ces deux dernières semaines.

Cela explique pourquoi Netanyahu s’oppose à la résistance de l’extrême droite. La colère publique de Smotrich et Ben Gvir sert à mettre en évidence la position conciliante que Netanyahu veut présenter à la future administration Trump.

Le Hamas est tout aussi conscient de l’importance de ce moment que Netanyahu. Il a besoin d’obtenir juste assez d’un accord pour pouvoir revendiquer une victoire, et d’adhérer ensuite à tout ce qui est obtenu afin de priver Netanyahu de la couverture politique avec Trump pour un retour à la guerre.

Ironiquement, c’est une position de faiblesse pour le Hamas, et Netanyahu semble en avoir profité. C’est ainsi que davantage d’otages sont libérés, que le redéploiement israélien est plus lent et qu’il n’y a aucune garantie de fin des combats.

Le Hamas conserve néanmoins un grand avantage sur Netanyahu : sa jauge de la « victoire » est extrêmement basse. Il n’a pas besoin de gagner, il n’a pas besoin de reconstruire ses capacités. Il lui suffit de pouvoir clamer qu’il a survécu, même si ce qui a survécu n’est qu’un fragment de l’organisation d’origine, aujourd’hui réduite à envoyer des adolescents au combat, à superviser une économie en ruine et à être incapable de reconstruire la bande de Gaza. Le simple fait qu’elle existe encore est déjà une « victoire ».

Netanyahu signera presque certainement l’accord. Le Hamas fera de même. Netanyahu aura du grain à moudre sur le plan politique, en particulier auprès de sa base de droite. Le Hamas va se proclamer vainqueur et défiler dans les rues de Gaza.

Trump s’en est déjà attribué le mérite, et Netanyahu continuera à l’en créditer.

Et le Hamas va tant bien que mal respecter les règles du jeu.

Pendant ce temps, Israël va s’efforcer de développer à Gaza le même type d’infiltration de renseignements qu’il possédait au Liban. Il passera le cessez-le-feu à préparer une offensive qui, selon Netanyahu, lui sera permise au terme de la première phase.

Si tel est bien le calcul de Netanyahu, l’accord qu’il est sur le point de signer est un pari raisonnable et une stratégie sérieuse.

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