Israël en guerre - Jour 533

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« Nous nous sommes battus pour la paix, nous avons été attaqués par ceux que nous aidions » : les adieux de Yocheved Lifshitz à Oded

Famille, amis, voisins et citoyens ont assisté aux obsèques d'Oded Lifshitz, 83 ans, assassiné en captivité à Gaza et inhumé au kibboutz Nir Oz, qu'il avait contribué à créer

  • Oded Lifshitz (Amiram Oren)
    Oded Lifshitz (Amiram Oren)
  • Arnon Lifshitz aux funérailles de son père, l'otage assassiné Oded Lifshitz, au kibboutz Nir Oz le 25 février 2025. (Capture d'écran)
    Arnon Lifshitz aux funérailles de son père, l'otage assassiné Oded Lifshitz, au kibboutz Nir Oz le 25 février 2025. (Capture d'écran)
  • L'ancienne otage Yocheved Lifshitz (à droite) lors des funérailles de son mari, l'otage tué Oded Lifshitz, au kibboutz Nir Oz le 25 février 2025. (Capture d'écran)
    L'ancienne otage Yocheved Lifshitz (à droite) lors des funérailles de son mari, l'otage tué Oded Lifshitz, au kibboutz Nir Oz le 25 février 2025. (Capture d'écran)
  • Un soldat israélien tenant son téléphone alors qu'il marche à travers la Place des Otages de Tel Aviv, le 20 février 2025, après que le groupe terroriste Hamas a restitué à Israël quatre corps d'otages, dont ceux d'une mère et de ses deux enfant, à la Croix-Rouge à Gaza. (AP Photo/Oded Balilty)
    Un soldat israélien tenant son téléphone alors qu'il marche à travers la Place des Otages de Tel Aviv, le 20 février 2025, après que le groupe terroriste Hamas a restitué à Israël quatre corps d'otages, dont ceux d'une mère et de ses deux enfant, à la Croix-Rouge à Gaza. (AP Photo/Oded Balilty)
  • La procession funéraire de l'otage assassiné Oded Lifshitz, à Rishon Lezion, le 25 février 2025. (Crédit : Miriam Alster/Flash90)
    La procession funéraire de l'otage assassiné Oded Lifshitz, à Rishon Lezion, le 25 février 2025. (Crédit : Miriam Alster/Flash90)
  • Le cercueil de l'otage assassiné Oded Lifshitz arrive à l'entrée du kibboutz Nir Oz, le 25 février 2025. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
    Le cercueil de l'otage assassiné Oded Lifshitz arrive à l'entrée du kibboutz Nir Oz, le 25 février 2025. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Ce mardi, la famille, les amis, les voisins, les citoyens et le président ont fait l’éloge funèbre d’Oded Lifshitz, militant pacifiste de 83 ans pris en otage le 7 octobre 2023 au kibboutz Nir Oz et tué en captivité. Son épouse a dit regretter qu’il ait été tué par ceux qu’il avait toujours aidés.

Lifshitz a été inhumé quelques jours après le rapatriement de sa dépouille depuis Gaza à la faveur de l’accord de cessez-le-feu qui a ouvert la porte à la libération des otages. Il a été enterré à Nir Oz, la communauté qu’il avait contribué à fonder il y a de cela 70 ans et qui a été complètement dévastée par le Hamas : 117 habitants sur les 400 résidents que comptaient le kibboutz ont été tués ou kidnappés.

Parmi la foule, de nombreux proches d’otages mais aussi des otages libérés dont Gadi Moses, 80 ans, un des dix hommes de plus de 75 ans enlevés au kibboutz et le seul à être revenu en vie.

Selon l’armée israélienne, il avait été touché par une balle à la main avant d’être enlevé par des terroristes du Hamas en compagnie de sa femme, Yocheved, qui était réfugiée dans la pièce sécurisée de leur kibboutz, le 7 octobre.

Il a été assassiné en captivité par le Jihad islamique palestinien peu de temps après sa capture.

Tous ont dit de lui qu’il aimait jouer du piano, s’occuper de ses cactus et voyager en compagnie de Yocheved – « Yochke » -, sa femme depuis 67 ans. Il aimait également partir à l’étranger, parfois, en compagnie de leurs petits-enfants.

Libérée deux semaines après son enlèvement, Yocheved Lifshitz, 86 ans, a expliqué que la captivité l’avait profondément traumatisée.

« Notre enlèvement et ta mort m’ont profondément ébranlée », a dit Lifshitz lors des funérailles de son mari. « Nous nous sommes battus toutes ces années en faveur de la justice sociale et de la paix. À mon grand regret, nous avons été frappés par cette attaque terrible de la part de ceux que nous aidions, de l’autre côté. Je suis stupéfaite du nombre de tombes et des dégâts infligés à notre communauté, qui a été totalement abandonnée à son sort le jour du 7 octobre. »

Arnon Lifshitz aux funérailles de son père, l’otage assassiné Oded Lifshitz, au kibboutz Nir Oz le 25 février 2025. (Capture d’écran)

Elle a dit à quel point il lui était étrange d’être celle qui prenait la parole – alors que, a-t-elle fait remarquer, c’était lui qui montait toujours sur scène et qu’elle, de son côté, se contentait de le photographier. Elle a ajouté qu’un nouveau piano l’attendait, là où elle vivait désormais, et qu’elle avait espéré qu’il revienne en jouer, « encore une fois, avec ce talent et ce toucher uniques ».

Lifshitz a noté que des membres de cette communauté portaient toujours des chaînes, retenus sous la surface de la terre depuis plus de 500 jours et que le gouvernement devait faire en sorte de tous les libérer.

« Je n’abandonnerai pas », a-t-elle affirmé. « Je poursuivrai la lutte jusqu’à ce que le dernier otage soit revenu. »

« Nous avons eu des enfants et des cactus, nous avons voyagé partout dans le monde, nous avons montré à nos petits-enfants tout ce que nous aimions », a déclaré Yocheved Lifshitz dans son éloge funèbre.

Son message a été repris par d’autres intervenants, parmi lesquels le président Isaac Herzog, qui a commencé son allocution en disant qu’il n’avait pas eu le privilège de connaître personnellement Oded, mais qu’il en avait appris beaucoup à son sujet au contact de sa famille, de ses amis, et à travers les nombreux articles de presse qui lui ont été consacrés.

« Vous incarniez l’esprit israélien par excellence et dans ce qu’il a de plus pur, un esprit façonné par la terre que vous avez foulée et la patrie que vous aimiez », a déclaré Herzog. « Un Israélien. Un sioniste. Un juif. Un humaniste. Un homme qui aimait son peuple et qui aimait tous les peuples. Un kibboutznik, un pionnier, un guerrier, un fondateur, un membre dévoué de l’Hashomer Hatzaïr, un homme de conviction et d’action, et, par-dessus tout, un père de famille dévoué. »

Le président a parlé du défunt sous les traits « d’un homme qui aimait la paix et qui la recherchait, qui tendait toujours la main à ses voisins avec sagesse et profondeur, ce qui était un signe, pour lui, de l’intérêt supérieur de l’État d’Israël. Et pourtant, à notre grand chagrin, vous avez été enlevé à Gaza et brutalement assassiné par des terroristes monstrueux, rongés par une haine aveugle ».

Herzog a demandé à Lifshitz de pardonner au pays de ne pas l’avoir protégé, lui, sa famille et son kibboutz, et d’avoir dû « affronter ces monstres seul ». « Pardon de n’avoir pu vous sauver et vous sortir, vous et vos amis, vivants et en paix, des griffes de ces meurtriers. »

Il a noté que la communauté de Nir Oz faisait preuve d’un courage incroyable – une incarnation de l’essence-même de Nir et Oz, la lumière et la force – et que le kibboutz surmonterait cette épreuve, qu’il vivrait et qu’il prospérerait à nouveau, qu’il se reconstruirait et qu’il serait reconstruit. Qu’il serait un symbole de résilience, de renouveau, de foi et d’espoir.

Le président a ensuite demandé la mise en place d’une commission d’enquête d’État, « signe d’un pays qui fonctionne correctement », pour enquêter courageusement et professionnellement sur tout ce qui a conduit à la catastrophe du 7 octobre.

« C’est une étape cruciale sur la voie de la guérison, de la reconstruction et du renforcement de notre pays après cette effroyable tragédie », a déclaré Herzog dans une sorte de coup de pied de l’âne destiné au Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui refuse le principe d’une telle enquête.

Herzog a également profité de l’occasion pour rendre hommage à la famille Bibas – Shiri Bibas et ses deux jeunes fils, Ariel et Kfir – qui ont été assassinés en captivité en novembre 2023. Leurs corps sans vie ont été rapatriés en Israël la semaine dernière et ils seront inhumés à Nir Oz dans la journée de mercredi. Aucun représentant des autorités n’a été invité aux funérailles.

Le président Isaac Herzog prend la parole lors des funérailles de l’otage tué, Oded Lifshitz, au kibboutz Nir Oz, le 25 février 2025. (Crédit : Haim Zach/GPO)

« Il est inconcevable que cette terre reçoive aujourd’hui et demain Oded, Shiri, Kfir et Ariel Bibas, que leur mémoire soit bénie », a déclaré Herzog en présentant ses condoléances à l’ex-otage Yarden Bibas, le mari de Shiri et père d’Ariel et Kfir, qui étaient âgés de 4 et 10 mois lorsqu’ils ont été assassinés.

Hen Avigdori, dont la femme et la fille ont été prises en otage dans un kibboutz voisin et libérées lors de la première trêve d’une semaine fin novembre 2023, est venu aux funérailles en signe de soutien : « Cela aurait dû se terminer autrement, il aurait dû être ici avec nous », a déclaré M. Avigdori à l’AFP.

« Ce n’est pas la première fois – et malheureusement ni la deuxième ni la dernière – que je viens au cimetière de Nir Oz », a-t-il ajouté.

« Ce kibboutz est le symbole des négligences. En voyant ces rangées entières de personnes assassinées le 7 octobre et toutes ces personnes qui attendent le retour d’un proche, on ressent une grande douleur », a-t-il encore dit.

L’ambassadeur d’Allemagne en Israël, Steffen Seibert, l’ambassadeur du Royaume-Uni, Simon Walters, et l’ambassadeur de Pologne, Maciej Hunia, ont assisté aux funérailles et ils ont brièvement pris la parole.

(De gauche à droite) L’ambassadeur allemand en Israël Steffen Seibert, l’ambassadeur britannique Simon Walters et l’ambassadeur polonais Maciej Hunia s’expriment lors des funérailles de l’otage assassiné Oded Lifshitz, dans le kibboutz Nir Oz, le 25 février 2025. (Capture d’écran)

Seibert, s’exprimant en hébreu, a rappelé que Lifshitz, qui était ressortissant allemand, se souciait beaucoup des autres.

« Le Hamas a assassiné cet homme qui était juif sans voir tout le bien qu’il avait fait », a regretté Seibert, qui s’est dit convaincu que le message de Lifshitz était « plus fort que le terrorisme »

« Sa vie est un message pour moi, bien plus fort que le terrorisme », a ajouté Seibert.

« Aimer les gens qui vous entourent, jouer du piano et cultiver des cactus, aider les autres et s’engager pour la paix. »

Walters a fait écho aux propos de Seibert et il s’est également exprimé en hébreu.

« Nous espérions son retour : c’est une terrible tragédie pour cet homme de paix qui croyait en la coexistence, non pas naïvement, mais par amour pour Israël. »

Le fils de Lifshitz, Yizhar Lifshitz, a fondu en larmes et il s’est excusé auprès de son père pour ne pas avoir été là pour le sauver lors de l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre. Il a cité le nom de tous les amis de son père enlevés et tués en captivité.

« Papa, tu es comme Moïse », a dit Yizhar Lifshitz. « Tu étais un chef né. La vie est désormais très compliquée et il nous faut pour autant prendre des décisions, mais tu n’es plus là pour nous dire quoi faire dans notre pays, pour notre pays. »

Daniel Lifshitz, l’un des petits-enfants d’Oded Lifshitz, très actif dans la lutte pour la libération des otages, a déclaré que cet engagement lui venait de ce que son grand-père lui avait enseigné.

Des personnes rendent hommage à l’otage israélien assassiné Oded Lifshitz, à Rishon Lezion, le 25 février 2025. (Crédit : Miriam Alster/Flash90)

« Je me suis battu de toutes mes forces, sur un terrain que je ne connaissais pas, mais tu étais là avec moi pour me montrer quelle direction prendre », a déclaré Daniel Lifshitz. « Tu m’as appris tant de choses sur le Moyen-Orient, sur le monde, finalement tout petit, et sur le fait que les gens sont bons. »

Les petits-enfants de Lifshitz ont évoqué l’amour de leur grand-père pour Israël et ce qu’il leur disait aux moments les plus durs de la vie israélienne.

Il était aussi un grand-père créatif, qui leur apprenait mille choses, comme à recycler les déchets en oeuvres d’art ou à désherber son jardin de cactus. Il leur disait qu’il fallait manger plusieurs friandises glacées chaque jour. Il jouait du piano pour ses petits-enfants et il s’endormait sur le canapé, se réveillant au milieu de ses ronflements. Mais avant tout, il leur avait appris à aimer Israël et à se battre pour leurs convictions politiques, ont indiqué ses petits-enfants.

Oded et Yocheved Lifshitz, avant le 7 octobre 2023 (Autorisation)

Les enfants et petits-enfants de Lifshitz ont dit tout ce que leur avaient appris ce père ou grand-père, né en 1940 à Haïfa de parents venus d’Allemagne et de Pologne dans les années 1930. Lifshitz avait appartenu au mouvement de jeunesse Hashomer Hatzir dès son plus jeune âge et il avait rejoint un groupe pour établir le kibboutz Nir Oz alors qu’il servait dans les parachutistes lors de son service militaire.

Arnon Lifshitz a déclaré que son père savait toujours comment aider les autres, et qu’il était profondément lié au kibboutz, au profit duquel il avait eu tous les emplois, du poulailler à l’administration.

« Tu aimais ton prochain comme toi-même et tu voulais une société plus égalitaire : tu savais toujours comment faire pour aider les autres, sans pour autant taire tes opinions », a déclaré Arnon Lifshitz.

Son ami de longue date, Shlomo Margalit, lui aussi originaire de Nir Oz, a dit qu’il connaissait Lifshitz depuis l’école primaire, à Haïfa. Il a livré quelques anecdotes au sujet de Lifshitz, à commencer par son service militaire et par son service dans la réserve, pendant des dizaines d’années. Il a évoqué sa mobilisation lors de la guerre des Six Jours, la guerre d’usure, la guerre du Kippour et la guerre du Liban.

Diplômé de l’Université de Tel Aviv, Lifshitz avait embrassé la profession de journaliste, d’écrivain de gauche et de penseur critique, mobilisé pour le droit des Bédouins à rester sur leurs terres. Ces dernières années, il était devenu bénévole et il conduisait des Gazaouis dans des hôpitaux israéliens pour y recevoir des soins. Ardent défenseur des droits des Palestiniens et militant pacifiste, il avait longtemps travaillé pour « Al Hamishmar » (« Sentinelle » en français), un quotidien de gauche associé au mouvement des kibboutz, ayant cessé de paraître au milieu des années 1990.

Margalit a rappelé qu’ils étaient, avec Amiram Cooper et Arieh Zalmanovitch, quatre jeunes hommes venus de Haïfa pour construire Nir Oz et qu’il ne restait aujourd’hui plus que lui.

La fille d’Oded Lifshitz, Sharone Lifshitz, a cité en anglais des écrits et des paroles de son père au sujet des valeurs de sa propre mère, professeure intrépide, une femme qui lui avait appris à manifester son désaccord avec les dirigeants – même avec David Ben Gurion.

Elle a déclaré que son père avait pris part à tous les efforts de paix possibles, ce qui lui avait valu des problèmes. Ill avait notamment rencontré des chefs de l’OLP.

« Je ne regrette rien, je suis satisfait et fier », a lu Lifshitz. « Je suis la voie tracée par les prophètes de la moralité et de la justice sociale. »

Lifshitz a souligné qu’ils se trouvaient à quelques mètres seulement de la modeste maison et du jardin de cactus de ses parents, dans ce kibboutz, qui avaient tous les deux été détruits le 7 octobre.

Le jardin de cactus devant la maison d’Oded et Yocheved Lifshitz au kibboutz Nir Oz, janvier 2025 (Crédit : Tal Schneider/Times of Israel)

« Nous inclinons la tête pour te présenter nos excuses, comme tant d’autres le font aussi », a déclaré Lifshitz, dans un dernier message de paix et d’amour.

Lifshitz a été inhumé dans un cercueil ceint d’un drapeau israélien et recouvert d’une gerbe de fleurs jaunes sauvages : sa tombe, à Nir Oz, était recouverte de nombreuses couronnes et bouquets.

« Papa, tu es là maintenant, maintenant tu es chez toi », a conclu son fils Arnon Lifshitz.

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