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Pour les Kurdes de Syrie, comment préserver l’autonomie chèrement acquise ?

Dans cette Syrie morcelée, quel avenir pour une communauté autrefois marginalisée mais déterminée à défendre ses acquis malgré les adversités ?

Un combattant des Forces démocratiques syriennes (FDS) soutenu par les États-Unis scande des slogans avant de se rendre en première ligne pour combattre les militants de l'État islamique dans leur dernier bastion de Baghouz, en Syrie, le 14 mars 2019. (AP Photo/Maya Alleruzzo)
Un combattant des Forces démocratiques syriennes (FDS) soutenu par les États-Unis scande des slogans avant de se rendre en première ligne pour combattre les militants de l'État islamique dans leur dernier bastion de Baghouz, en Syrie, le 14 mars 2019. (AP Photo/Maya Alleruzzo)

Durant une décennie de conflit en Syrie, la minorité kurde est devenue une alliée incontournable des Occidentaux dans la lutte antijihadistes, tout en érigeant parallèlement une administration autonome avec ses propres institutions pour contrôler de vastes régions du nord-est du pays.

Dans cette Syrie morcelée, quel avenir pour une communauté autrefois marginalisée mais déterminée à défendre ses acquis malgré les adversités ?

Le conflit syrien, un grand tournant ?

Des décennies durant, les Kurdes ont dénoncé les discriminations du pouvoir central de Damas. Le conflit déclenché en 2011, qui a obligé le régime à se focaliser sur les rebelles armés, va permettre à la minorité de s’affranchir.

Après le retrait de l’armée syrienne de leurs territoires, les Kurdes instaurent en 2013 leur « administration autonome », se dotant d’une police, d’une force militaire ou encore d’écoles où est enseignée leur langue.

« Avant 2011, rien ne nous donnait espoir. Les Kurdes étaient totalement opprimés. Nous n’avions même pas de papiers d’identité », se souvient Aldar Khalil, un des architectes de ce projet d’autonomie.

Le contrôle kurde s’est d’abord exercé dans les régions de cette communauté avant de s’élargir à d’autres zones où vit une population majoritairement arabe, à mesure que les forces kurdes progressaient face au groupe État islamique (EI).

Dès janvier 2015, la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG) chasse l’EI de la ville de Kobané, à la frontière turque.

Soutenus par les Occidentaux, les YPG prendront la tête des Forces démocratiques syriennes (FDS), coalition englobant des combattants arabes qui enchaînera les victoires contre les jihadistes.

Aujourd’hui, les FDS contrôlent toujours les principaux champs pétroliers de l’Est.

Quasiment deux ans après avoir proclamé en mars 2019 la chute du « califat » de l’EI, ces forces détiennent toujours dans leurs prisons des milliers de combattants de l’organisation ultraradicale. Des familles, femmes et enfants, de ces jihadistes sont aussi toujours retenus dans des camps miséreux.

On y trouve notamment plusieurs milliers d’étrangers, dont des Occidentaux, jugés indésirables dans leur pays, au grand dam des Kurdes, qui réclament leur rapatriement.

Des hommes soupçonnés d’être des combattants de l’État islamique sont fouillés par des membres des Forces démocratiques syriennes (FDS) dirigées par des Kurdes après avoir quitté la dernière résistance de l’État islamique à Baghouz, dans la province de Deir Ezzor, au nord du pays, le 22 février 2019. (Bulent Kilic/AFP)

Quel avenir avec l’allié américain ?

Les Kurdes ont longtemps parié sur leur alliance avec Washington, et sur la présence de plusieurs milliers de soldats américains, pour les protéger des menaces du voisin turc ou dans leur rapport de force face au régime.

Les annonces contradictoires de Donald Trump sur un retrait ont par conséquent été un choc en 2019. À ce jour, seuls 900 militaires américains demeurent et leur avenir s’inscrit en pointillés.

Or, sans l’allié américain, les forces kurdes seront « très vulnérables aux attaques externes », souligne Dareen Khalifa, de l’International Crisis Group (ICG).

Et, selon elle, le niveau de présence américaine ne les protège pas non plus de « tentatives de déstabilisation ».

L’autonomie kurde à ses portes a rapidement irrité Ankara, qui qualifie les YPG de « terroristes » et craint que leurs succès ne ravivent des velléités indépendantistes sur son territoire.

La Turquie a ainsi déjà lancé trois offensives contre les YPG, prenant le contrôle en 2018 de la poche d’Afrine avant de conquérir l’année suivante une bande frontalière.

Cette dernière opération n’aurait pas été possible sans le retrait américain préalable du secteur, perçu comme un feu vert de Donald Trump.

« L’approche » de la nouvelle administration de Joe Biden « sera quelque peu différente », espère M. Khalil. « Mais nous ne pouvons pas compter sur eux. Leurs politiques ne sont pas garanties », ajoute-t-il.

Signe encourageant, néanmoins : la nomination à la Maison Blanche de Brett McGurk comme coordinateur pour le Moyen-Orient. Du temps de Trump, cet ancien émissaire auprès de la coalition internationale antijihadistes avait fustigé tout retrait de Syrie.

Mme Khalifa reconnaît que « le sort des FDS » est au cœur du débat sur l’engagement américain : à Washington, au-delà des divisions partisanes, on retrouve « un sentiment de fatigue sur la Syrie combiné à la peur d’être coincé dans des ‘guerres sans fin' ».

Des membres des Forces démocratiques syriennes entraînées par la coalition dirigée par les Etats-Unis lors de la cérémonie de remise de diplômes de leur premier régiment à al-Kasrah, une banlieue de Deir Ezzor, à l’est de la Syrie, le 21 mai 2018 (Crédit : AFP Photo/Delil Souleiman)

Une possible réconciliation avec le régime ?

Pour stopper l’offensive d’Ankara en 2019, les Kurdes ont accepté un accord avec le régime et son allié russe, qui ont déployé des troupes dans des territoires de la minorité, même si les FDS y conservent la haute main.

« Les Kurdes de Syrie ont toujours préféré le gouvernement syrien à la Turquie », relève l’analyste Mutlu Civiroglu.

Mais les pourparlers pour déterminer le sort des régions kurdes n’ont jamais abouti. Le régime accuse les Kurdes d’ambitions séparatistes, ce qu’ils démentent. La minorité veut préserver ses acquis, Damas exige un retour à la situation d’avant-guerre.

Le dialogue reste ouvert. Mais « le régime n’est toujours pas convaincu qu’il doit faire un pas en avant et accepter certains ajustements », déplore Aldar Khalil.

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