Israël en guerre - Jour 492

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Analyse

Pourquoi les négociations entre Israéliens et Palestiniens échouent constamment

Pour les 50 ans de la Guerre des Six Jours, des diplomates sincères et un nouveau président américain sont aussi aveugles devant les racines du conflit que les autres avant eux

Haviv Rettig Gur

Haviv Rettig Gur est l'analyste du Times of Israël

Un manifestant palestinien tient un drapeau, près de la clôture de sécurité à Bilin, en septembre 2011 (Crédit : Issam Rimawi/Flash90)
Un manifestant palestinien tient un drapeau, près de la clôture de sécurité à Bilin, en septembre 2011 (Crédit : Issam Rimawi/Flash90)

Au cours des 50 dernières années, Palestiniens et Israéliens ont été soumis à l’institution unique et corrosive de l’occupation ennemie. Pendant 25 ans, ils ont été soumis à un processus de paix quasi identique pour tenter de mettre un terme à cette situation.

Et ce n’est pas une remarque exagérée.

Le processus de paix a réussi à stimuler et à intensifier les narratifs des deux côtés : cela a entraîné l’escalade constante du Hamas dans la brutalité, ce qui a été dévastateur pour les possibilités de paix, cela a provoqué la désillusion de l’opinion publique israélienne, et la course effrénée du mouvement idéologique d’implantation pour étendre les implantations israéliennes à l’intérieur de la Cisjordanie. Cela a entraîné toutes les formes d’angoisse, de terreur et de résistance à une paix réelle, sans rapprocher les deux camps vers la réconciliation et la résolution du conflit.

Et ce n’est pas un hasard.

Le processus de paix a été mis en place par un groupe d’individus ayant une capacité exceptionnellement bien développée à la cécité sélective. Certains dirigeants israéliens Yitzhak Rabin, par exemple, croyaient qu’ils pouvaient créer avec le chef de l’OLP Yasser Arafat une sorte d’attitude froide mais fiable qu’Israël a maintenue avec chacun des dictateurs égyptiens depuis Anwar Sadate.

D’autres Israéliens, comme Yossi Beilin, pensaient qu’ils négociaient une vraie réconciliation, apparemment, ils y aspiraient tant qu’ils n’ont pas pu percevoir qu’en face, ce n’était peut-être pas réciproque. Ces deux types d’Israéliens étaient déterminés à ignorer le discours interne palestinien formulé par Arafat et d’autres qui ‘résistaient’ à la réconciliation, plaçaient le rejet d’Israël au niveau d’une religion civique et glorifiaient ouvertement la brutalité contre les Israéliens.

Voilà le climat dans les années heureuses qui précédaient les accords d’Olso, au milieu des années 1990, dont plus d’un progressiste d’aujourd’hui, désespéré, se tournerait pour trouver de l’inspiration.

Le camp palestinien, lui aussi, a été bloqué par une cécité stratégique qui a transformé des efforts de paix en une recette pour une guerre permanente. L’OLP s’est tournée vers les négociations de paix après la Première Guerre du Golfe, quand la puissance américaine dans la région prenait de l’essor. La difficulté fondamentale palestinienne, et encore aujourd’hui, n’est pas simplement la présence spécifique israélienne en Cisjordanie.

Le Fatah a été fondé en 1964, et non pas 1967, et a considéré que sa mission était de traiter un problème beaucoup plus profond et ancien que celui que l’on célèbre cette année [les 50 ans de la Guerre des Six jours], le problème d’une nation dépossédée de son foyer, et dont l’identité s’est construite autour de cette perte. C’est Israël lui-même, envahissant, juif, en reproche permanent à l’impuissance et au déclin arabe, et plus grave encore, à l’incapacité musulmane de défendre les lieux saints dans le centre sacré de Jérusalem.

Les Palestiniens participent à une manifestation violente devant les forces de sécurité israéliennes après un service de prière du vendredi après-midi en solidarité avec les prisonniers sécuritaires palestiniens, en dehors de Naplouse le 26 mai 2017 (Crédit : Jaafar Ashtiyeh / AFP Photo)
Les Palestiniens participent à une manifestation violente devant les forces de sécurité israéliennes après un service de prière du vendredi après-midi en solidarité avec les prisonniers sécuritaires palestiniens, en dehors de Naplouse le 26 mai 2017 (Crédit : Jaafar Ashtiyeh / AFP Photo)

Avec des émotions fortes qui ont traversé le discours politique palestinien tout au long du processus de paix, il n’est peut-être pas étonnant qu’aucun dirigeant palestinien ait jamais pris le temps de s’arrêter, de regarder attentivement les Israéliens malgré les divisions, pour découvrir que ce défi au monde palestinien, arabe et musulman n’était pas simplement un projet politique colonial comme la propagande arabe l’affirme depuis des décennies.

Ils auraient pu remarquer que les Israéliens juifs avaient une culture distincte et une histoire commune, leur propre langue et identité, et plus important encore, nulle part ailleurs où aller. Cette prise de conscience aurait rendu insensée l’orientation stratégique vers le terrorisme prise par le Hamas et des éléments du Fatah [aile armée – les Tanzim] pendant des années de négociations de paix. On peut assassiner des résidents d’implantations jusqu’à ce qu’ils retournent dans leur pays d’origine ou des tyrans jusqu’à ce qu’ils abandonnent leur oppression injuste.

Mais comment peut-on terroriser une nation qui n’a nulle part où aller ?

Les Israéliens ne sont pas plus capables de résoudre le problème central et complexe du déplacement des Palestiniens – par exemple, en accomplissant leur rédemption imaginaire d’un retour au-delà de la Ligne Verte – que les Palestiniens ne sont capables de laisser tranquillement cette terre aux Juifs.

Des diplomates et des idéologues sincères, des politiciens trop intelligents avec des rêves de Prix Nobel, baignant dans l’adulation et les financements mondiaux, et tous obstinément aveugles aux angoisses et aux aspirations fondamentales de deux parties, c’est cela aussi, l’héritage marqué par le 50e anniversaire de la Guerre des Six Jours.

Entre le président Trump

« Il y a beaucoup de choses qui peuvent se produire maintenant qui n’auraient jamais pu se produire avant », a affirmé le président américain Donald Trump lors de sa visite en Israël en mai dernier en déclarant son désir d’obtenir finalement une paix entre Israéliens et Palestiniens.

Il y a peu de doute parmi les Israéliens que Trump espère sincèrement résoudre le conflit israélo-palestinien. Les médias israéliens ont insisté sur l’affectation de deux de ses plus proches confidents, son beau fils Jared Kushner et son fidèle conseiller depuis 20 ans Jason Greenblatt, à cette tâche.

Peu importe s’il est motivé par un humanisme magnanime, une intraitable réflexion politique ou une pure validation de son ego surdimensionné ; ces trois motivations fonctionnaient avec son prédécesseur Barack Obama, la plupart des Israéliens vous le diront.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, à gauche, et le président américain Donald Trump, à droite, à l'aéroport international Ben Gurion avant le départ de Trump, le 23 mai 2017. (Crédit : Koby Gideon/GPO)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, à gauche, et le président américain Donald Trump, à droite, à l’aéroport international Ben Gurion avant le départ de Trump, le 23 mai 2017. (Crédit : Koby Gideon/GPO)

Mais peut-être peut-on pardonner aux Israéliens et aux Palestiniens leur scepticisme sur ce dernier effort en date, même si leurs dirigeants font de leur mieux pour afficher une volonté de coopération afin qu’on ne puisse pas leur imputer l’échec à venir des négociations.

Ces échecs à répétition ont pourtant un effet positif : il y a moins d’aveuglement parmi les citoyens ordinaires des deux camps. La plupart des Palestiniens ne croient plus que les Israéliens puissent être délogés. La plupart des Israéliens ne pensent pas que l’état actuel de la politique palestinienne leur permette de faire les mêmes concessions que les Israéliens pour la paix. Que l’on regrette ou que l’on se félicite de ces prises de conscience n’a pas grand intérêt ; elles constituent un rappel, dans chaque camp, des réalités et des angoisses fondamentales de l’autre.

L’urgence

Le découragement cynique qui affecte maintenant les Israéliens et les Palestiniens est probablement plus sain qu’un processus de paix à moitié aveugle entraînant de la violence, mais le pessimisme seul ne détourne pas les deux parties de la dure réalité appelant toujours à une solution.

Après 50 ans, de nombreux Palestiniens se demandent maintenant s’il est toujours raisonnable d’espérer être un jour libre d’Israël, et si ce n’est pas le cas, quel pourrait être leur futur. D’autres Palestiniens – les divisions sont aussi connues et prévisibles que le reste dans cette guerre au long terme – insisteront sur le passage du temps comme la preuve qu’Israël, implacable et immuable, n’est pas un problème politique, mais une question d’ordre cosmique et spirituel qui doit être surmontée par une guerre sacrée et tenace.

Les Israéliens, aussi, se divisent dans ces deux manières archaïques. Certains se plaignent du piège qu’Israël a lui-même créé en autorisant le développement des implantations en Cisjordanie, d’autres regrettent le piège que les Palestiniens ont eux-mêmes créé en transformant les précédents retraits israéliens en bain de sang et en désastre, et d’autres célèbrent une histoire plus simple, le 50e anniversaire, un yovel biblique, du retour des Juifs vers un succès croissant dans leur foyer spirituel, du passé et du futur.

Toutes ces visions et angoisses sont finalement des questions sur le passage du temps, sur le sens et le but de l’histoire.

C’est la réelle durée de l’occupation, après tout, qui fait de cela un élément mauvais, qui transforme un instrument légal conçu à l’origine par les auteurs de la Quatrième Convention de Genève comme un moyen de protéger les civils en temps de guerre en une impuissance permanente et confinant à la liminalité dans laquelle les Palestiniens de Cisjordanie vivent, et qui donne à leur situation son urgence morale et sa résonance.

Des Juifs priant tôt le matin sur la colline surplombant Ofra, dans l'avant-poste d'Amona en Cisjordanie, le 18 décembre 2016. (Crédit : Miriam Alster/Flash90)
Des Juifs priant tôt le matin sur la colline surplombant Ofra, dans l’avant-poste d’Amona en Cisjordanie, le 18 décembre 2016. (Crédit : Miriam Alster/Flash90)

Alors qu’une nouvelle génération de diplomates sincères est impatiente d’avoir une chance de résoudre ce conflit très complexe, et comme la réelle souffrance de deux peuples demande une solution que personne n’a jusqu’alors proposée, il est intéressant d’examiner les élans et les thématiques les plus importants qui ont si fermement été ignorés par les négociateurs de paix d’autrefois, et sans lesquels aucune nouvelle tentative de paix n’aurait une issue différente des précédentes.

Quel Abbas ?

Le président de l’Autorité Palestinienne Mahmoud Abbas semble incarner de très nombreuses impulsions dans le mouvement national palestinien. L’héritier évident du réseau d’islamisme et de nationalisme anti-colonial d’Arafat, l’octogénaire Abbas a passé la plus grande partie des deux dernières décennies à combattre la violence et le terrorisme qu’Arafat avait promu avec passion. Pourtant, à l’instar de son prédécesseur, il a idolâtré et célébré les tueurs de civils israéliens, renommé des rues de villes et d’écoles en leur honneur et fourni des budgets importants pour leurs familles, et cela avec les fonds très limités de l’AP.

Les contradictions ne s’arrêtent pas là. Abbas demande l’indépendance palestinienne, mais s’est fortement opposé aux retraits unilatéraux israéliens comme le retrait de 2005 de Gaza, comme si la manière dont la Palestine est libérée est plus importante pour lui que le fait qu’elle soit libérée.

La relation d’Abbas avec les citoyens arabes d’Israël n’est pas moins ambiguë. Un exemple : il est catégorique qu’ils ne doivent jamais abandonner leur citoyenneté dans le nouvel état indépendant de Palestine.

Le président américain Donald Trump, à gauche, et le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, 2e à gauche, au palais présidentielle de Bethléem, en Cisjordanie, le 23 mai 2017. (Crédit: Thomas Coex/AFP)
Le président américain Donald Trump, à gauche, et le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, 2e à gauche, au palais présidentiel de Bethléem, en Cisjordanie, le 23 mai 2017. (Crédit: Thomas Coex/AFP)

En 2009, dans un entretien avec des négociateurs palestiniens qui a fuité dans le quotidien britannique The Guardian, Abbas a été interrogé sans détour par un membre arabe israélien de l’équipe de négociation de l’AP pour savoir si lui, l’Israélien, pourrait obtenir la citoyenneté palestinienne.

« La réponse, stratégiquement, est non, a répondu Abbas. Vous devriez rester où vous êtes, protéger vos droits et préserver votre communauté. Vous n’avez pas besoin d’un passeport pour prouver que vous êtes un Palestinien. En 1948, les Palestiniens en Israël étaient 138 000 et maintenant plus d’un million. Ce foyer est votre foyer. Vous devez y rester et cela ne change rien au fait que vous soyez arabes et palestiniens… Brandissez deux drapeaux. Egalité [en Israël] et un état indépendant pour vos frères dans le territoire occupé ».

Ce n’était pas un commentaire isolé. Cinq ans plus tard, dans un entretien de novembre 2014 avec le quotidien égyptien Akhbar al-Yawm, traduit par MEMRI, Abbas a déclaré, « Netanyahu m’a dit un jour que c’était une ‘idée d’enfer’, de son point de vue, s’il me donnait le Triangle [une zone dans le nord d’Israël fortement peuplée de villes arabes] et tout ce qu’il le délimitait. Cette zone a été occupée en 1949 et, à l’époque, il y avait 38 000 résidents. Aujourd’hui, il y a probablement 400 000 résidents. Je lui ai dit : ‘Je ne prendrai personne. Oublie cette idée, parce qu’honnêtement, je n’autoriserai, ni ne forcerai, aucun arabe à abandonner la citoyenneté israélienne’. Vous pourriez être surpris, mais c’est important. En ce qui me concerne, c’est sacré ».

Non seulement il refuserait de donner la citoyenneté palestinienne aux Israélo-Palestiniens, mais il refuserait aussi d’accepter une partie où vivent des Israélo-Palestiniens dans le cadre d’un nouvel état palestinien libéré.

Il ne s’est pas arrêté là. « Par exemple, dans la série de libération de nos prisonniers palestiniens [dans le cadre de mesures de construction de la confiance pendant les négociations de paix de 2014], 15 prisonniers sur 30 sont des Arabes de 1948 [c’est-à-dire des Arabes israéliens]. [Les Israéliens] m’ont dit : ‘Emmenez-les en Cisjordanie et ils abandonneront leur citoyenneté’. Je leur ai dit : ‘C’est impossible. Ils devraient rentrer chez eux et conserver leur citoyenneté’. En ce qui me concerne, les Arabes demeurant citoyens d’Israël est une question sacrée ».

Les négociations ont été rompues à la fin de 2014, du coup Abbas n’a pas été mis à l’épreuve, mais la question demeure : Aurait-il condamné ces Arabes israéliens à une incarcération prolongée juste pour les empêcher de perdre leur citoyenneté israélienne ?

En 2013, lorsque le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-Mon lui a dit qu’Israël avait consenti à laisser aller en Cisjordanie des réfugiés palestiniens terrifiés et fuyant la guerre civile en Syrie, Abbas, de son propre aveu, a rejeté l’offre israélienne à cause de la précondition d’Israël : que les réfugiés signent un document dans lequel ils renoncent au « droit de retour » dans des zones à l’intérieur d’Israël.

Il lutte contre la terreur et la vante. Il cherche une Palestine indépendante aux côtés d’Israël, mais pas un pays qui soit le foyer d’Israéliens Palestiniens. Et il semble préférer – assurément pour le ‘sacré’ – que les Palestiniens restent incarcérés dans les prisons israéliennes ou piégés dans des charniers en Syrie plutôt qu’abandonner leur revendication à la citoyenneté israélienne ou « retourner » dans les frontières d’Israël.

‘Sous mon mandat’

Les paradoxes apparents qui façonnent Abbas ont leurs parallèles chez Netanyahu, en Israël. Et depuis qu’il évolue dans un domaine politique plus libre, ils sont plus simples à trouver.

Netanyahu a affirmé son soutien à un état palestinien à plusieurs reprises publiquement, de son célèbre discours de l’université de Bar-Ilan de 2009 jusqu’à ses derniers commentaires avec Trump lors de la visite du mois dernier du président américain. Il a également, à plusieurs reprises et publiquement, affirmé son opposition à un tel état et a promis qu’il ne serait jamais fondé « sous mon mandat ».

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu à la Knesset lors d'un vote pour obtenir un délai de deux semaines pour l'ouverture du nouveau diffuseur public, le 26 avril 2017 (Crédit : Yonatan Sindel / Flash90)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu à la Knesset lors d’un vote afin d’obtenir un délai de deux semaines pour l’ouverture du nouveau diffuseur public, le 26 avril 2017 (Crédit : Yonatan Sindel / Flash90)

Ses soutiens affirment qu’il n’y a pas de contradictions. Netanyahu soutient un état palestinien seulement sous certaines conditions (parmi lesquelles se trouvent la démilitarisation et la reconnaissance d’Israël comme un état nation juif), mais il ne croit pas que les Palestiniens seront capables de remplir ces conditions prochainement. « Pas sous mon mandat » correspond ainsi à une prédiction, non un refus.

Une analyse grammaticale minutieuse de la profusion de commentaires de Netanyahu sur ce sujet confirme peut-être que ces soutiens ont techniquement raison, mais le contexte et le calendrier politique pour chacune de ces déclarations suggèrent que Netanyahu entretient lui-même délibérément cette confusion. Sa promesse la plus récente de ne pas autoriser un état palestinien « sous son mandat » a été formulée lors des derniers jours de la campagne électorale de mars 2015 dans une tentative d’attirer les électeurs du parti HaBayit HaYehudi vers le Likud. Il a fait une promesse explicite de ne pas autoriser un état palestinien – sans mentionner les conditions de démilitarisation ou de reconnaissance – aux électeurs qui s’opposent à un tel état par principe.

Netanyahu soutient ou s’oppose-t-il à un état palestinien ?

Il est très difficile de répondre à cette question. Netanyahu lui-même semble indécis. Il a derrière lui une longue histoire de soutien et même de volonté de faire avancer les accords de paix avec les Palestiniens. C’est Netanyahu, et non pas des dirigeants Travaillistes comme Yitzhak Rabin ou Ehud Barak, qui a appliqué le retrait israélien de Hébron au milieu des années 1990, signé le dernier accord effectivement conclu entre Israéliens et Palestiniens, le Mémorandum Wye River de 1998, et c’est lui qui a fait face aux accusations des leaders du mouvement d’implantation qui lui reprochaient d’obstruer la construction en Cisjordanie. Le gel sans précédent d’une durée de 10 mois de la construction d’implantation de Netanyahu en 2010, une concession faite à Obama, se situe dans la droite lignée de son attitude.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu pendant la cérémonie officielle de Yom HaShoah, à Yad Vashem, à Jérusalem, le 24 avril 2017. (Crédit : Amir Cohen/Pool/AFP)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu pendant la cérémonie officielle de Yom HaShoah, à Yad Vashem, à Jérusalem, le 24 avril 2017. (Crédit : Amir Cohen/Pool/AFP)

Ses opposants considèrent cela comme des concessions réticentes à la pression américaine. Et pourtant, cela n’explique pas réellement cette attitude. Où est cette servitude quand le Premier ministre s’est rendu devant le Congrès américain pour fustiger l’accord du nucléaire iranien sous le nez d’un président américain ? Ni Bill Clinton ni Barack Obama, les deux présidents qui ont traité avec Netanyahu en tant que Premier ministre, ne se souviennent de lui comme étant particulièrement accommodant à leurs désirs et demandes, pour le dire gentiment.

Ironiquement c’est Netanyahu lui-même qui est responsable de l’idée largement partagée que ses actions pour la paix au cours des années étaient dues à la pression américaine. Il évoque souvent l’importance de cette pression pour se dégager de la pression intense qu’il reçoit de l’aile la plus à droite qui voudrait étendre les implantations et annexer des parties de la Cisjordanie.

Il est néanmoins tout autant erroné de suggérer que Netanyahu est en secret une colombe qui se déguise en loup pour les besoins de la politique interne. En 2005, alors que le Premier ministre de l’époque Ariel Sharon dirigeait le Likud pour le retrait de Gaza, c’était Netanyahu qui a poussé à une résolution au Comité Central du Likud pour déclarer formellement que le parti au pouvoir s’opposait par principe à un état palestinien. Son activisme a forcé Sharon à quitter le parti à la fin de 2005 et à former Kadima, faisant voler en éclat la base activiste du Likud dont la liste à la Knesset s’est retrouvée avec seulement 12 sièges dans l’élection de 2006. Et, bien sûr, c’est Netanyahu qui a introduit la reconnaissance palestinienne d’Israël comme un état nation juif, précondition israélienne fondamentale à la paix.

A travers quatre décennies d’activité politique et quatre mandats de Premier ministre, on peut trouver un Netanyahu soutenant les négociations de paix ou s’y opposant, favorisant l’indépendance palestinienne ou l’inverse, appliquant les accords d’Israël avec les Palestiniens ou s’efforçant de les perturber.

Le vrai sang

Les contradictions qui forment ces deux dirigeants sont trop profondes pour être ignorées ou rejetées d’un revers de main comme de la politique politicienne. Pour les diplomates étrangers, elles peuvent exaspérer.

Et pourtant, il y a de la logique dans ces contradictions. Au-delà de la rhétorique politique, emmêlée dans ces incongruités, on retrouve le vrai conflit, celui qui conduit au terrorisme, aux guerres, aux implantations et aux grands discours. C’est la confrontation sous-jacente, souterraine qu’ont évité Barack Obama, George W. Bush et Bill Clinton parce qu’il est difficile de voir quelque chose qui se situe très loin de son propre point de vue et expérience.

Dans son entretien de 2014 avec Akhbar al-Yawm, Abbas a offert cette explication pour son refus d’accepter la demande de Netanyahu de reconnaître Israël comme un état-nation juif : « Nous ne pouvons pas reconnaître un Etat juif. Nous nous dresserons contre cette entreprise, pas par obstination, mais parce qu’elle contredit nos intérêts… [Israël] n’autorisera pas le retour des réfugiés. Il y a six millions de réfugiés qui veulent revenir, et pour votre information, je suis l’un d’entre eux. Nous devons trouver des solutions créatives qui ne bloquent pas la porte à ceux qui souhaitent revenir ».

Le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas pendant un rassemblement commémorant le 12e anniversaire du décès de Yasser Arafat à Ramallah, en Cisjordanie, le 10 novembre 2016. (Crédit : Abbas Momani/AFP)
Le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas pendant un rassemblement commémorant le 12e anniversaire du décès de Yasser Arafat à Ramallah, en Cisjordanie, le 10 novembre 2016. (Crédit : Abbas Momani/AFP)

Et il a ajouté : « Israël aspire à un Etat juif, et l’EI aspire à un Etat islamique, et voilà où nous sommes, suspendus entre l’extrémisme juif et l’extrémisme islamique. [Le chef de l’EI] Abu Bakr Al-Baghdadi aura une excuse pour établir un état islamique après qu’une loi pour un état juif sera approuvée. C’est un autre problème dont nous et tout le monde souffrirons ».

Quand Abbas refuse de reconnaître Israël comme un « Etat juif » parce que cela empêcherait l’entrée en Israël de millions de Palestiniens de l’étranger, est-ce que cela signifie qu’il prévoit de superviser une telle migration ? Ou si, comme des diplomates palestiniens le disent si souvent, ils n’ont pas vraiment l’intention de faire venir en Israël des millions de descendants de réfugiés palestiniens. Est-ce que cela signifie qu’ils peuvent maintenant reconnaître Israël comme un Etat juif ?

Que dire de la comparaison de l’Etat juif à l’Etat Islamique ? La Palestine est loin d’être laïque, comme Abbas le sait très bien. La Loi Palestinienne Basique, votée par le Conseil Législatif Palestinien en 2002, déclare dans l’article 4 que « l’islam est la religion officielle en Palestine » et que « les principes de la Charia islamique seront la source principale de la loi ». Article 22, un passage véritablement détesté par les Israéliens qui tient ses racines dans l’éthique religieuse islamique, fournit même « l’assistance aux familles de martyrs », y compris, par exemple, ces « martyrs » qui ont mené des massacres contre des écoles israéliennes pour des motivations religieuses.

La Palestine d’Abbas ne tourne pas autour du pot concernant son identité religieuse. Si Abbas croyait réellement qu’un état ne devrait pas s’identifier avec une religion, que « l’Etat juif » est ipso facto équivalent à l’Etat islamique d’Abu Bakr al-Baghdadi, il serait autant préoccupé par la Palestine islamique qu’il ne l’est par un Israël juif.

Bien sûr, ces arguments sont des manières de détourner la discussion. En prétendant que les dirigeants israéliens veulent qu’il reconnaisse Israël comme religieusement juif – aucun dirigeant israélien n’a jamais formulé une telle demande, il évite soigneusement la vraie demande israélienne : qu’il reconnaisse Israël comme un état-nation juif, et reconnaisse ainsi les Juifs eux-mêmes comme une nation.

Et Abbas ne pourra jamais faire cela.

L’identité palestinienne a été forgée par la mémoire et l’expérience continue de la dépossession après une incursion juive vieille d’un siècle qui a été entraînée par le mouvement sioniste. Du point de vue palestinien, ces intrus, arrivant sous la couverture de l’impérialisme européen et contraignant leur société à la tâche de voler sa terre à un autre peuple plus faible, ne peut pas demander la même légitimité, le même droit à être un peuple authentique, qui devrait uniquement revenir à leurs victimes.

Participants à la Marche du Retour à Wadi Zubalah, le 12 mai 2016. (Crédit : Dov Lieber / Times of Israel)
Participants à la Marche du Retour à Wadi Zubalah, le 12 mai 2016. (Crédit : Dov Lieber / Times of Israël)

Ce n’est pas un conflit entre deux nations, souligne le récit palestinien, mais entre un peuple enraciné et authentique combattant contre un programme politique soutenu par des idéologues néfastes. Israël est au cœur d’un projet « colonial », d’un « apartheid » ou d’un « impérialisme », la spécificité terminologique ou l’injustice utilisée pour accuser Israël n’a pas beaucoup d’importance. Ce qui compte pour le discours palestinien sur Israël, c’est l’aspect catégorique.

C’est de dire qu’Israël n’est pas une nation, mais simplement une structure politique comme celles que l’on peut associer à « l’apartheid » ou à « l’impérialisme ». Et cela a son importance, car des structures politiques peuvent être déconnectées d’une terre ou d’un peuple. Les nations ne peuvent pas. Elles font peut-être des erreurs, elles peuvent commettre des crimes, mais rien de ce qu’elles font ne peut leur retirer le droit fondamental garanti à toutes les nations par la loi naturelle : l’existence elle-même.

En d’autres termes, il ne s’agit pas ici des injustices ou des inégalités d’Israël, mais il est question de nation, et ainsi de sa légitimité fondamentale.

Comme Abbas le sait bien avec son étude des réfugiés juifs du 20e siècle en provenance des pays arabes, seulement un petit pourcentage de Juifs qui ont fondé Israël était motivé par une idéologie sioniste très forte. La plupart n’avait tout simplement nulle part ailleurs où aller. Les portes de l’immigration à l’Ouest étaient fermées pour tous, à de rares exceptions, et personne n’était prêt à absorber les centaines de milliers de Juifs qui fuyaient l’Irak, la Russie tsariste, l’Egypte, le Maroc, la Pologne d’après guerre, le Yemen, la Syrie et d’autres pays au cours du dernier siècle. Aucun pays sauf Israël qui venait d’être établi, et dont la population juive a fortement augmenté, passant de 600 000 à la veille de l’indépendance en 1948 à plus d’1,3 million seulement quatre ans plus tard alors que des vagues de Juifs fuyant leur pays cherchaient refuge dans ses frontières.

Il n’est pas nécessaire d’être sioniste et nationaliste palestinien pour voir le piège que cette question contient pour les Palestiniens. Si les Juifs peuvent revendiquer le simple droit à vivre, et que le monde ne leur a pas offert d’autre alternative que de vivre ici, alors les Palestiniens peuvent peut-être affirmer qu’ils ont été lésés, mais pas que ce tort était entièrement mauvais. Les Juifs, eux aussi, ont été lésés, et n’avaient pas de meilleure option pour faire face à leurs propres catastrophes.

Que devient le récit palestinien d’une moralité nulle et d’une criminalité cosmique s’il doit inclure cette sorte d’ambiguïté morale, s’il doit reconsidérer son statut de victime sacrée en faveur d’un récit qui met en scène deux nations déplacées s’affrontant pour un petit bout de terre ensanglanté ?

Alors, des groupes arabes israéliens comme Adalah et Mossawa proposent des « constitutions démocratiques » pour Israël qui devraient abroger le droit juif au retour tout en ouvrant les portes d’Israël à un retour sans limite des descendants de réfugiés Palestiniens. Dans cette vision, comme elle est formulée par Abbas et ses négociateurs, un Israël « d’égalité » – c’est-à-dire sans identité juive spécifique – doit exister à côté d’un état-nation avec une identité musulmane spécifique.

Mahmoud Abbas, entouré d'une foule de palestiniens accueillant les prisonniers libérés en aout 2013. (Crédit : Issam Rimawi/Flash90)
Mahmoud Abbas, entouré d’une foule de palestiniens accueillant les prisonniers libérés en août 2013. (Crédit : Issam Rimawi/Flash90)

Et donc, pour Abbas, les seuls Palestiniens qui n’ont pas été déplacés par Israël, les citoyens arabes d’Israël, sont ceux qui ne doivent jamais devenir citoyens d’une nouvelle Palestine. Sa Palestine est une Palestine pour les déplacés, pas la Palestine d’une libération finale, totale qui absoudrait l’imposteur de sa criminalité innée. Permettre aux Palestiniens-Israéliens de devenir Palestiniens-Palestiniens reviendrait à accorder aux Juifs israéliens une validation finale et complète dans leur terre usurpée.

Dans la vision d’Abbas, on doit refuser aux Arabes israéliens une partie de leur récit palestinien afin de pouvoir refuser à Israël son récit juif.

Netanyahu est souvent ridiculisé parce qu’il demande qu’Abbas reconnaisse Israël comme un « Etat nation juif ». Netanyahu est un politicien, et il n’est pas étonnant qu’il fasse une demande à laquelle il sait que l’autre camp ne pourra pas répondre. Mais la frustration éprouvée contre Netanyahu, si populaire dans les capitales occidentales, n’est pas suffisante pour expliquer la situation. Abbas a refusé de reconnaître Israël comme Etat nation juif bien avant que Netanyahu ne l’ait demandé, et c’est Abbas, et non Netanyahu, qui qualifie cela de principe « sacré ».

« Il y a trois mille ans »

Ce sentiment d’authenticité inégale est tout aussi fondamental, pour ne pas dire politiquement affaiblissant, à la partie israélienne. Lors de son discours à l’Assemblée Générale des Nations Unies de 2012 (et il l’a répété avant ou après, d’une manière ou d’une autre, dans d’innombrables discours à l’étranger), Netanyahu a ouvert son propos par ces mots : « Il y a trois mille ans, le Roi David régnait sur l’état juif dans notre capitale éternelle, Jérusalem. Je veux dire cela à tous ceux qui affirment que l’Etat juif n’a pas ses racines dans notre région, et qu’il disparaîtra bientôt ».

Pour la plupart des Juifs israéliens, le droit juif à cette terre semble justifié par une vénérable antiquité. Les Arabes vivent ici depuis longtemps, c’est vrai, mais pas dans un sens auto-conscient. Le sanctuaire d’Al-Aqsa est clairement une réécriture de la sanctification juive originelle du site millenium par les juifs, et ainsi c’est seulement une copie de la « vraie chose ». L’identité juive, et de manière plus importante l’attachement juif à cette terre, est donc plus ancienne et plus authentique que la copie palestinienne ne l’affirme.

Il est crucial de comprendre que ce point de vue n’est pas partagé par la plupart des Juifs de manière consciente. Beaucoup à gauche, qui pensent que l’identité nationale palestinienne est entièrement justifiée et moralement irréfutable, perçoivent une hiérarchie d’âge et de validité historique entre les deux identités. La notre est indiscutable ; la leur est assez bonne, assez vraie, et ils y croient assez pour qu’elle soit reconnue et validée pour le bien de la réconciliation et la paix.

Il y a, bien sûr des faits historiques pour soutenir ce récit juif (il y a des faits historique pour soutenir la plupart de ces récits) : il est vrai, et les intellectuels palestiniens le reconnaissent volontiers, une identité nationale « palestinienne » s’est développée progressivement au cours du 20ème siècle, principalement en réponse à la pression de l’immigration juive.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu devant la 71e Assemblée générale des Nations unies à New York, au siège de l'ONU, le 22 septembre 2016. (Crédit : Jewel Samad/AFP)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu devant la 71e Assemblée générale des Nations unies à New York, au siège de l’ONU, le 22 septembre 2016. (Crédit : Jewel Samad/AFP)

Mais cette preuve de la hiérarchie de l’authenticité juive sert aussi de « preuve » pour l’authenticité palestinienne qui lui fait concurrence. Pour les nationalistes palestiniens, le simple fermier ou citadin qui vit dans la terre de ses grands parents, parle arabe et prie Allah cinq fois par jour n’est pas moins chez lui parce qu’il manque des affectations ostentatoires de nationalisme de l’idéologie envahissante. Dans le récit palestinien, le fait que le nationalisme palestinien ne se soit pas transformé en une rhétorique du style européen et en activisme organisé jusqu’à l’afflux juif déjà présent sur cette terre démontre l’enracinement élémentaire et inconscient de la présence palestinienne ici. Que les Juifs aient hissé leur drapeau, relancé leur hébreu obsolète et construit pour eux-mêmes les édifices monumentaux d’institutions politiques, les éléments considérés par les Juifs israéliens comme les meilleures réussites de leur nation retrouvée, démontreraient par l’intensité même de leurs actions, qu’il y a quelque chose de fabriqué et forcé dans l’entreprise sioniste.

Patries

Pour tout aspirant pacificateur, la conséquence de ce conflit d’authenticité en concurrence est la suivante : ni Abbas ni Netanyahu, ni quiconque pouvant leur succéder lorsqu’ils quitteront le pouvoir, ne partage le sentiment d’urgence du reste du monde.

Pour Abbas, le temps joue en faveur des Palestiniens, peu importe la vitesse à laquelle les implantations se développent et l’ampleur de l’effondrement de l’économie palestinienne. Et le taux de natalité palestinien plus important ne constitue qu’une partie de l’équation. La vie entière d’Abbas a été définie par une hypothèse fondamentale qui guide sa politique et lui donne son sang-froid : que les Palestiniens sont un peuple authentique et enraciné sur une terre, confronté à un mouvement idéologique inauthentique déguisé sous l’apparence d’un peuple. Ce point de vue est si basique qu’il n’est pas nécessaire de l’exprimer. C’est même soutenu par la religion. Comme toutes les religions monothéistes, la promesse centrale de l’islam est que l’histoire tend, en fin de compte, vers la justice. Il y aura beaucoup de souffrances pendant le voyage des Palestiniens vers la justice, beaucoup de batailles encore à mener, mais il n’y a pas de raison de douter du triomphe final de la justice.

Cette théorie sous-jacente, non formulée, sur l’authenticité et du sens de l’histoire signifie qu’Abbas n’est pas pressé de signer un accord. C’est aussi pourquoi il voit la question de la citoyenneté des Arabes israéliens comme « sacrée ». Israël ne peut jamais perdre ses citoyens arabes, même dans un échange de terre qui créerait une Palestine indépendante plus grande et plus riche, parce que séparer avec des distinctions ethniques signifie la concession finale et de principe de la partie israélienne de la Palestine occupée non seulement sous contrôle juif, mais de la revendication juive d’un droit à ce contrôle.

Netanyahu partage ce calme, et pour des raisons similaires. La présence juive sur cette terre est trop ancienne, trop fondamentale, trop centrale à l’histoire intellectuelle et culturelle d’une partie très importante de l’humanité pour être réellement menacée par les demandes ou par la démographie palestinienne.

Les Juifs, comme le pense Netanyahu, ont trouvé de la force et un objectif commun dans leur réunification de leur ancienne patrie promise. Netanyahu, même s’il est moins pieux que Abbas, est au fond de lui-même un monothéiste, convaincu de la direction de l’histoire vers la justice. Les nations ne peuvent pas être délogées de leurs véritables patries, tout comme un peuple authentique ne peut pas, même après 2 000 ans de séparation, rester à jamais éparpillé et divisé sur la terre de quelqu’un d’autre.

Réfugiés juifs à bord du paquebot allemand St. Louis, le 29 juin 1939. (Crédit : Planet News Archive/SSPL/Getty Images via JTA)
Réfugiés juifs à bord du paquebot allemand St. Louis, le 29 juin 1939. (Crédit : Planet News Archive/SSPL/Getty Images via JTA)

Netanyahu est fier de son MBA américain, de sa vision très moderne de la gouvernance et de sa gestion consciencieuse de l’économie israélienne au cours des longues années de ses quatre mandats en tant que Premier ministre. Il reconnaît la valeur stratégique de la séparation avec les Palestiniens, et est peut-être prêt à agir sur ce sujet. Pourtant, et c’est crucial pour les aspirants pacificateurs, il n’a pas peur de cela. Un sentiment similaire d’un fossé d’authenticité insurmontable lui confère une tranquillité similaire, devant la frustration constante de ses critiques.

Paix

Les leçons pour les aspirants pacificateurs ne sont pas très claires. Il n’est pas évident de savoir ce que l’on peut faire après avoir compris qu’une fois que les étrangers bien intentionnés quittent la pièce, le nœud de la guerre devient une question d’identité exclusive, pas la terre.

Mais peut-être une leçon serait à chercher dans le fait que tout espoir de paix entre des légitimités en compétition, entre des théories qui s’affrontent sur la signification du récit de l’autre camp, soutenu dans les deux cas par la mémoire persistante de souffrances, des peurs et des exils endurés pendant des générations, se situe dans une première reconnaissance de l’ampleur de la division. Le monde a essayé de faire pression sur Israël, pensant que sans le problème des implantations, la politique palestinienne serait plus ouverte et aspirerait à la paix. On a aussi tenté d’acheter des factions politiques palestiniennes avec de l’argent et des titres honorifiques, croyant que cela pourrait libérer ces factions de l’emprise de la guerre plus profonde, ou convaincre les Israéliens que quelque chose de fondamental avait changé. Au final, c’est le conflit plus profond qui doit être résolu. Les peurs qu’il génère dans les deux camps, les manœuvres pour la légitimité et la reconnaissance, les revendications en compétition d’une terre sacralisée par d’anciennes coutumes et aspirations, sont aussi assourdissantes aujourd’hui que dans le passé.

Un exemple évident : comment les Juifs pourraient céder le mont du Temple, le lien au cœur de leur retour miraculeux, de leur réveil, de leur unification d’un exil vulnérable, leur salut, en d’autres termes, leur expérience de vie leur dit que cela n’aurait pas pu se produire ailleurs que dans cette ancienne patrie sacrée et enracinée dans cette montagne sacrée ? Et comment les Palestiniens pourraient abandonner un sanctuaire de 14 siècles au cœur de leur identité longtemps bafouée, et sur laquelle dépend leur place d’honneur dans tous les vastes royaumes de l’islam ? Ces préoccupations sont trop puissantes et trop réelles pour les Juifs et les Palestiniens véritablement impliqués dans ce conflit pour être oubliés par les remontrances diplomatiques du monde des John Kerry ou Madeleine Albrights.

Pour dire les choses simplement, voici la leçon : aucune paix ne peut être obtenue uniquement sur papier. Il doit y avoir une reconnaissance. Sans une confiance profondément ancrée, aucun retrait de Tsahal ou démantèlement de la gouvernance militaire israélienne en Cisjordanie n’assurera ni la paix ni la véritable indépendance pour les Palestiniens. Sans la validation des angoisses et le sentiment d’existence de l’autre camp, aucun travail politique subtil aucun accord diplomatique ou sécuritaire ne survivra à son premier contact avec le premier patriote pieux à qui l’on demandera d’abandonner son récit sacré pour faire de la place à celui fabriqué par l’imposteur.

Un agent de la police des frontières à une entrée du mont du Temple dans la Vieille Ville de Jérusalem le 8 juin 2009 (Crédit : Yossi Zamir / Flash90)
Un agent de la police des frontières à une entrée du mont du Temple dans la Vieille Ville de Jérusalem le 8 juin 2009 (Crédit : Yossi Zamir / Flash90)

Contrairement à l’Egypte ou la Jordanie, où une politique de paix froide était suffisante parce qu’aucune des deux parties n’avait beaucoup besoin de l’autre, un état palestinien ne peut pas s’extirper d’Israël. La géographie est trop encastrée ici, et aucun accord viable de défense, même un accord qui serait obtenu avec les meilleures intentions de deux parties, pourrait fonctionner sans placer un futur état palestinien dans la ligne de défense de Tsahal contre les ennemis et les tensions de la région. Jérusalem Ouest n’est pas réellement défendable contre Jérusalem Est, ni Netanya contre Qalqilya, ou vice versa, à moins qu’elles soient toutes unies dans une vision sécuritaire partagée qui peut uniquement venir de la conviction des Palestiniens et des Israéliens qu’ils sont dans le même camp.

L’important n’est pas d’appeler ici à une telle réconciliation, ou même de défendre l’idée qu’elle soit possible. C’est simplement de faire que les racines animant ce conflit ne soient pas masquées par le vernis creux actuellement appliqué par les acteurs extérieurs.

Faire pression sur Israël sans un effort concurrent vers la réconciliation ne ferait que consolider le jeu d’attente palestinien. Soutenir Israël « à l’intérieur de la Ligne Verte » mais en refusant de la sorte aux Juifs israéliens le cœur sacré de Jérusalem conduirait la plupart des Israéliens à soutenir le jeu d’attente israélien. Aucun dirigeant d’aucun camp, après tout, ne partage le sentiment d’urgence qui anime les diplomates étrangers.

Au final, même avec un état totalement indépendant en Cisjordanie et à Gaza, aucune séparation complète n’est possible entre deux peuples qui partagent autant de références géographiques, religieuses et culturelles. Quand une séparation froide n’est pas disponible, les seules autres options disponibles sont la haine ou l’amitié. La haine est un choix raisonnable quand le coût de la réconciliation est si élevé, mais après un siècle de ce conflit, et cinquante ans d’occupation, il devient de plus en plus clair qu’il ne s’agit peut-être pas d’une stratégie gagnante et ce pour aucune des parties à long-terme.

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