Selon l’AP, Tsahal aurait délibérément tiré sur Abu Akleh alors qu’elle s’enfuyait
Les conclusions de l'AP affirment que la journaliste a été tuée alors qu'elle fuyait une soudaine rafale de tirs israéliens ; Gantz dément catégoriquement ce "mensonge flagrant"

Les enquêteurs palestiniens ont déterminé qu’une balle tirée par les troupes israéliennes avait tué la journaliste d’Al Jazeera Shireen Abu Akleh, a rapporté jeudi le procureur général de Ramallah, accusant les soldats de l’avoir intentionnellement abattue alors qu’elle couvrait un échange de coups de feu entre les forces israéliennes et des hommes armés palestiniens à Jénine.
Selon Akram Khatib, de l’Autorité palestinienne, les preuves médico-légales indiquent qu’Abu Akleh a été mortellement touchée par derrière alors qu’elle tentait de fuir de soudaines rafales de tirs israéliens.
« Elle fuyait vers l’avant… comme on peut le voir par la trajectoire de la balle », a-t-il déclaré aux journalistes lors d’une conférence de presse à Ramallah, ajoutant qu’elle était tournée dans la direction opposée à celle des tirs.
Israël a immédiatement rejeté ces conclusions. « Toute affirmation selon laquelle Tsahal vise intentionnellement des journalistes ou des personnes non impliquées [dans le terrorisme] est un mensonge flagrant et grossier », a déclaré le ministre de la Défense, Benny Gantz, dans un communiqué.
Gantz a ajouté qu’Israël regrettait la mort d’Abu Akleh, et a noté que l’armée menait sa propre enquête sur la question. Il a également réitéré la demande d’Israël que l’AP lui remette la balle pour une analyse balistique afin qu’une détermination définitive puisse être faite sur l’auteur du tir.
« On peut affirmer avec certitude qu’aucun soldat n’a délibérément tiré sur elle », a déclaré plus tard jeudi le chef d’état-major de Tsahal, Aviv Kohavi.
Abu Akleh a été tuée le 11 mai alors qu’elle couvrait une fusillade qui avait éclaté lors d’un raid israélien à Jénine. Quelques heures seulement après sa mort, l’AP et la chaîne qatarie Al Jazeera ont accusé Israël d’avoir délibérément tué Abu Akleh, ce qu’Israël s’est empressé de fermement démentir.
L’armée a déclaré qu’elle devait avoir accès à la balle, actuellement en possession de l’AP, afin de déterminer si Abu Akleh avait été touchée par une balle tirée par un soldat israélien ou par des tireurs palestiniens. Les Palestiniens ont refusé de coopérer dans l’enquête avec Israël, invoquant la méfiance, dans un contexte de large condamnation internationale de la mort de cette journaliste populaire.

Des analyses indépendantes ont également conclu que les soldats israéliens étaient probablement responsables de sa mort et ont soulevé des questions sur les tirs dans une zone où, selon ces analyses, aucun combattant palestinien ne semblait être présent.
Selon Khatib, les enquêteurs de l’AP pensent qu’Abu Akleh a été abattue intentionnellement par les soldats israéliens, et non par accident lors de tirs croisés.
Selon Khatib, la balle qui a tuée Abu Akleh était une balle de 5,56 mm qui, selon lui, a été tirée par un fusil de sniper semi-automatique Ruger, une arme qui n’est pourtant pas utilisée par les soldats israéliens. Khatib a déclaré que la balle avait été tirée à une distance de 170-180 mètres par un tireur d’élite ayant une bonne visibilité.
« Les soldats israéliens ont commencé à tirer, sans aucun avertissement », a déclaré Khatib.

Il a affirmé que les soldats avaient clairement vu Abu Akleh et que rien ne leur obstruait la vue.
Israël a publiquement demandé une enquête conjointe avec l’AP sur la mort d’Abu Akleh, avec l’aide des États-Unis. L’armée mène sa propre enquête sur l’incident et a demandé à l’AP de lui accorder l’accès à la balle.
Dans sa déclaration, Gantz a noté que Tsahal s’attaquait à une vague de terrorisme « qui, ces dernières semaines, a coûté la vie à 20 personnes » et que « beaucoup des terroristes qui ont mené ces attaques venaient de la région de Jénine », où Abu Akleh a été tuée. Affirmant que « Tsahal est une armée morale », il a poursuivi : « Nous agissons toujours avec précision, en ciblant les terroristes et en prenant des mesures pour éviter de blesser les civils. »
« Toute personne qui mène des opérations antiterroristes en évitant de nuire aux civils voudrait connaître la vérité et envisagerait ce qui peut être fait pour sauver des vies humaines. » Mais, a-t-il poursuivi, « les enquêtes et les briefings ne sont pas menés lors de conférences de presse, mais plutôt dans des salles à huis clos, tout en transmettant des informations », a ajouté Gantz.
L’AP a rejeté l’aide israélienne, américaine et internationale et a insisté pour mener sa propre enquête.
« Nous sommes fiers de n’avoir inclus personne d’autre dans l’enquête », a déclaré le porte-parole présidentiel de l’AP, Nabil Abu Rudeinah.
Il a également critiqué « l’aide américaine et le silence mondial » sur les actions israéliennes.
Abu Akleh, ressortissante américano-palestinienne et journaliste pour Al-Jazeera depuis 25 ans, était un visage familier du monde arabe, connue pour son travail sur le conflit israélo-palestinien et pour ses reportages sur le quotidien des Palestiniens.

Dans un discours prononcé à Ramallah le lendemain de son assassinat, le dirigeant de l’AP, Mahmoud Abbas, s’est engagé à porter l’affaire Abu Akleh devant la Cour pénale internationale. Le ministre des Affaires étrangères de l’AP a déclaré en début de semaine que l’affaire avait été transmise à la CPI, une décision qui, selon le ministre de la Défense Benny Gantz, nuirait aux liens entre Jérusalem et Ramallah.
Un haut responsable de l’AP, Hussein al-Sheikh, a déclaré jeudi soir que Ramallah avait envoyé une copie des conclusions de l’enquête à des responsables américains, à la famille d’Abu Akleh et à Al Jazeera. La chaîne basée au Qatar a déclaré qu’elle préparait également un dossier à soumettre à la Cour pénale internationale.
Un responsable militaire qui s’est entretenu avec les journalistes la semaine dernière a déclaré que l’armée avait identifié le fusil qui pourrait avoir servi pour tuer Abu Akleh. Il a néanmoins noté que l’armée avait encore besoin de la balle qui se trouve toujours entre les mains de l’Autorité palestinienne pour pouvoir le confirmer.
L’analyse balistique pourrait éventuellement associer la balle à une arme à feu bien spécifique, mais pour ce faire il est absolument nécessaire d’avoir accès aux deux. Il est peu probable qu’Israël et l’AP acceptent leurs conclusions respectives.