Shaked : « Je n’abandonnerai pas la droite à Netanyahu et à Ben Gvir »
Pour la cheffe du parti Esprit sioniste, son parti est une alternative pour les électeurs religieux et conservateurs opposés à l'ex-Premier ministre et à ses alliés extrémistes
Ayelet Shaked, à la tête du tout nouveau parti Esprit Sioniste, a indiqué samedi qu’elle n’abandonnerait pas la droite au chef de l’opposition Benjamin Netanyahu et à certains de ses partenaires politiques d’extrême-droite.
« Je ne laisserai pas les électeurs de droite » avec seulement ces choix, a-t-elle confié à la Douzième chaîne alors qu’elle cherche à se positionner dans un camp de droite surpeuplé en amont des élections de novembre prochain.
Sa faction Yamina a perdu beaucoup de ses soutiens, l’année dernière, après que son ancien leader, Naftali Bennett, a rejoint des partenaires politiques de gauche et arabes dans la coalition au pouvoir. Bennett a démissionné de son poste de Premier ministre, le mois dernier, après la chute du gouvernement, confiant les rênes du pays à Yair Lapid et celles de sa formation politique à Shaked.
Selon les sondages, Yamina pourrait ne pas réunir suffisamment d’électeurs pour intégrer la Knesset lors du prochain scrutin. Le parti s’est uni à la faction de droite Derech Eretz, cette semaine, une tentative d’améliorer ses chances. L’alliance se présentera sous le nom « Esprit sioniste ».
Shaked a lancé et présenté sa nouvelle formation aux électeurs dans une série d’interviews accordées aux journalistes des plus importantes émissions politiques, samedi, en disant qu’elle serait une alternative pour les électeurs de droite et religieux qui sont opposés à Netanyahu, à ses alliés au sein du Likud – comme Miri Regev, une députée provocatrice – et à certains de ses partenaires d’extrême droite, évoquant notamment le parti Sionisme religieux de Bezalel Smotrich qui comprend l’extrémiste incendiaire Itamar Ben Gvir.
« Il y a 80 députés qui disent être de droite lorsque la question leur est posée », a dit Shaked devant les caméras de la Douzième chaîne, se référant à la représentation de la droite au sein du parlement, fort de 120 sièges. « La droite israélienne, ce n’est pas seulement Miri Regev, Benjamin Netanyahu, Smotrich et Ben Gvir. »
« Il y a un sionisme religieux à droite qui est dégoûté par les propos tenus par Smotrich. Smotrich a déclaré, l’année dernière, que moi-même, Naftali Bennett et nos collègues ne devrions pas être autorisés à entrer dans une synagogue », a-t-elle dit.
Shaked a raconté qu’il lui avait été vivement recommandé de ne pas se présenter dans la course en raison des résultats médiocres de son parti dans les enquêtes d’opinion mais qu’elle avait refusé.
« Non », a-t-elle asséné, « je ne laisserai pas les électeurs de droite avec seulement deux choix – Netanyahu ou Ben Gvir et Smotrich ».
« Je ferai campagne jusqu’au bout et nous obtiendrons un bon résultat. Il y a une grande partie du public qui recherche cet Esprit sioniste, qui veut un gouvernement approprié et qui ne veut pas être prise en otage par la machine de haine de Smotrich ou par les caprices de Netanyahu. Il y a une place pour cela dans la société israélienne et nous la représentons », a-t-elle continué.
Elle n’a pas exclu la possibilité d’un partenariat avec Netanyahu au sein d’une coalition, malgré tout, disant qu’elle voulait établir un large gouvernement national comprenant le Likud – qui devrait devenir la formation la plus importante à la Knesset à l’issue du scrutin.
« Netanyahu est à la barre du parti du Likud. Je ne pense pas qu’on puisse disqualifier les votes de plus d’un million de personnes. Le Likud est un partenaire au sein d’un gouvernement d’unité et c’est Netanyahu qui en est le leader », a-t-elle déclaré, ajoutant qu’elle n’était pas favorable à un gouvernement de droite qui ne bénéficierait que d’une majorité étroite de 61 sièges, ce qui permettrait aux députés et aux petits partis le constituant d’avoir un pouvoir démesuré en menaçant sa majorité au sein du parlement.
Son partenaire politique, Hendel, a indiqué pour sa part être opposé à tout partenariat avec Netanyahu. L’ex-Premier ministre est une personnalité clivante, actuellement poursuivie en justice pour corruption.
Ainsi, vendredi, Hendel a déclaré devant les caméras de la Douzième chaîne que « Netanyahu est le problème – il n’est pas la solution. Si cela ne tenait qu’à moi, Netanyahu serait à la retraite en train de boire un cocktail à Hawaii. »
Shaked a admis cette différence de point de vue avec son partenaire, samedi.
« Nous avons une base de valeurs idéologiques. Nous sommes tous les deux de droite. Puis il y a la question de Netanyahu… Alors, sur les questions idéologiques, nous sommes parfaitement alignés. Sur la question de Netanyahu, nous ne l’avons jamais été très exactement », a-t-elle commenté.
Shaked et Hendel ont été tous les deux des députés de droite au sein de la coalition la plus diversifiée de toute l’Histoire d’Israël – Shaked servant au poste de ministre de l’Intérieur et Hendel à celui de ministre des Communications. Avant son effondrement, le mois dernier, le gouvernement avait réussi à unir huit partis de droite, de la gauche et du centre, et un partenaire arabe sur la promesse d’écarter du pouvoir Benjamin Netanyahu, Premier ministre de longue date. La coalition s’est finalement effondrée face aux divisions idéologiques sur des dossiers sécuritaires et nationalistes.
Derech Eretz faisait partie, dans le passé, de Tikva Hadasha, la faction de droite de Gideon Saar. Zvi Hauser, qui avait fondé la formation Derech Eretz avec Hendel, va aussi rejoindre l’alliance avec Shaked, même s’il n’a pas été lui-même placé sous le feu des projecteurs.
Annonçant leur fusion, Shaked et Hendel ont fait savoir, mercredi soir, aux électeurs que le nouveau parti s’était fixé pour objectif de mettre un terme aux « clivages » et aux coalitions s’appuyant « sur les extrémistes » en mettant en place un large gouvernement sioniste incluant à la fois le Likud et le centre-gauche.
Hendel et Hauser ont été laissés en dehors d’une fusion entre Tikva Hadasha et Kakhol lavan. Shaked, pour sa part, a hérité d’un parti abîmé par un an de querelles internes dont le paroxysme a été le départ de Bennett de la vie politique. Aucune des deux factions n’a une base claire et Esprit sioniste pourrait avoir à se battre pour se différencier parmi les nombreux partis de droite qui se présentent aux élections.
Un sondage, publié jeudi soir par la Douzième chaîne, a montré que la formation remporterait quatre sièges – même si les enquêtes d’opinion réalisées après un événement ou après une annonce majeure peuvent souvent être faussées. Selon le sondage, Esprit sioniste gagnerait quatre sièges et, si l’alliance devait rejoindre le bloc de Netanyahu, elle lui permettrait d’obtenir une majorité de 61 fauteuils à la Knesset qui en compte 120.
Tandis que Yamina avait remporté sept sièges lors du scrutin du mois de mai 2021, le soutien pour le parti s’est dispersé – et ce sont le Likud, le parti Sionisme religieux et Kakhol lavan qui devraient récupérer la majorité de ses anciens électeurs.
Si Esprit sioniste devait s’exprimer en faveur ou en défaveur de Netanyahu de manière claire, il pourrait perdre un soutien déterminant des électeurs sur la base de la probabilité – ou non – d’une coopération avec le Likud.
La solution apportée – et que Hendel a annoncé mercredi – a été de laisser entendre de manière générale qu’Esprit sioniste était prêt à conclure une alliance avec tout le monde, déplaçant ainsi les responsabilités concernant la formation d’une coalition improbable sur le Likud et sur les formations du centre-gauche.