Un traitement à base d’insuline pour les prématurés en voie d’approbation
Elgan Pharma utilise les propriétés de l'insuline pour aider le système gastro-intestinal des plus petits à mieux se développer - et plus rapidement - pour les ramener à la maison
Un bébé sur dix naît avant la fin de la 37e semaine de gestation, ce qui donne lieu à 15 millions de naissances prématurées chaque année. Les complications liées à ces naissances entraînent chaque année la mort d’un million de ces enfants avant l’âge de 5 ans.
Elgan Pharma, une société de biotechnologie basée à Nazareth, vise à sauver le plus grand nombre possible de ces enfants en mettant sur le marché un produit thérapeutique oral à base d’insuline qui aidera le système gastro-intestinal de ces « prématurés » à se développer plus rapidement et plus efficacement.
Cette thérapie pourrait réduire l’incidence de l’entérocolite nécrosante (ou entérocolite nécrosante néonatale – ENN), une maladie mortelle dont le taux de mortalité peut atteindre 42 % chez les plus petits bébés.
Au début de l’été, la société a reçu une subvention de 2,36 millions d’euros du Conseil européen de l’innovation pour soutenir l’étude d’enregistrement de phase III de la formulation orale, appelée ELGN-GI. L’étude clinique débutera d’ici la fin de l’année dans plus de 30 centres partenaires en Israël, en Europe et aux États-Unis. La Nouvelle-Zélande et l’Australie ont également manifesté leur intérêt.
L’essai de phase III portera sur des prématurés, tandis qu’un essai connexe de phase II concernera des micro-prématurés, c’est-à-dire des bébés extrêmement fragiles nés avant la 26e semaine de grossesse.
La fondatrice et PDG d’Elgan Pharma, Miki Olshansky, a déclaré au Times of Israel que sa société était en bonne voie pour surmonter les obstacles réglementaires américains et européens au cours des deux prochaines années.
« Si vous regardez la néonatologie, presque rien n’est approuvé. C’est très, très difficile (…). La dernière fois qu’un médicament a été développé spécifiquement pour les nouveau-nés, c’était il y a vingt ans. Les autorités sont très prudentes avec cette population », a déclaré Olshansky.
Si les recherches visant à développer l’ELGN-GI ont débuté il y a une dizaine d’années, l’idée initiale d’utiliser l’insuline pour favoriser le développement du tube digestif d’un bébé prématuré remonte à des études réalisées sur des rats il y a 20 ans par le professeur Naïm Shahadeh du Rambam Medical Center et le professeur Raanan Shamir du l’hôpital pour enfants Schneider.
« L’insuline gère l’ensemble du sucre dans l’organisme et fonctionne également comme ce que nous appelons un facteur de croissance. Elle soutient et augmente la croissance, en particulier la croissance des vaisseaux sanguins dans l’intestin et ailleurs. L’insuline agit ainsi parce qu’elle n’est pas absorbée. Elle reste dans l’intestin », a expliqué le professeur Eric Shinwell, directeur du service de néonatologie à l’hôpital Ziv de Safed.
Les poumons et le cœur constituent le principal problème de survie des prématurés, mais ils ont également besoin d’intestins fonctionnels pour grandir et être en bonne santé. Cependant, leurs intestins ne sont pas prêts à absorber toute la nourriture dont ils ont besoin et à évacuer ce qui n’est pas nécessaire.
Les prématurés sont généralement trop peu développés pour coordonner la succion, la déglutition et la respiration. Ils doivent donc être nourris à l’aide d’une sonde introduite par le nez ou la bouche pour atteindre leur tube digestif. Cela n’est généralement pas suffisant, car leur tube digestif prématuré entraîne une malabsorption des nutriments.
Par conséquent, un cathéter central (nutrition parentérale ou PN) est placé sur les bébés, à travers une veine dans leur poitrine ou leur ombilic afin que la nutrition puisse être délivrée directement dans la circulation sanguine. Cela peut entraîner toute une série de complications, notamment des infections potentiellement mortelles.
« L’ELGN-GI est conçue pour aider les prématurés à se débarrasser plus tôt de ces sondes d’alimentation. Si leur tube digestif se développe plus rapidement, ils pourront passer à une alimentation normale, grandir plus vite et quitter l’unité de soins intensifs néo-natals et l’hôpital un nombre considérable de jours plus tôt », a déclaré Olshansky.
Selon Shinwell, l’ELGN-GI, une poudre facilement dissoluble, présente l’avantage d’être fabriquée à partir d’insuline humaine recombinante, ce qui évite l’introduction d’une protéine étrangère.
Olshansky a déclaré qu’elle s’attendait à ce qu’il soit facile de recruter des parents pour l’étude finale à venir, puisque son entreprise a déjà démontré aux autorités de réglementation que sa formulation n’était pas nocive et qu’il n’y avait pas de problèmes de tolérance. L’essai principal nécessitera 400 nourrissons et l’essai pour les micro-prématurés en nécessitera 60 à 100 bébés.
« Il n’y aura pas d’examens sanguins cette fois-ci, si ce n’est pour les soins standard. Personne n’aime qu’on pique son enfant et qu’on lui prélève du sang sans raison valable. Cela signifie également que la charge de travail sera moindre pour le personnel et les chercheurs des centres d’essai », a-t-elle ajouté.
Notant l’équipe internationale de chercheurs avec laquelle Elgan Pharma travaille, Shinwell a félicité l’entreprise d’avoir tenté de passer à l’échelle supérieure et de commercialiser une idée qui, jusqu’à présent, n’a été explorée que dans le cadre d’études de petite envergure.
« Est-ce une révolution ? Non. S’agit-il d’un complément [aux compléments alimentaires actuels] qui pourrait bien atteindre le stade de l’utilité clinique ? Oui. Nous n’en sommes pas encore là. Mais c’est prometteur », a-t-il déclaré.
Par ailleurs, Elgan Pharma développe une autre thérapie à base d’insuline visant à prévenir la rétinopathie diabétique chez les prématurés. ELGN-EYE est un collyre spécialement formulé qui utilise l’insuline comme facteur de croissance pour empêcher les vaisseaux sanguins oculaires immatures d’être endommagés et de provoquer une déficience visuelle, voire la cécité.