Israël en guerre - Jour 344

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'Nous ne pouvons pas changer ce qui est arrivé, mais nous pouvons changer la façon dont nous le vivons.'

Une vidéo d’une survivante de la Shoah pardonnant à Mengele devient virale

Eva Mozes Kor, qui était l’un des “cobayes” du médecin nazi, a imaginé qu’il était dans la pièce, et a exercé son “pouvoir de pardonner”, ce qui lui “a fait du bien”

Une vidéo montrant une survivante de la Shoah pardonnant au tristement célèbre médecin nazi Josef Mengele pour avoir mené des expériences médicales sur elle et sa sœur jumelle à Auschwitz est devenue virale ces dernières semaines.

Elle a été vue plus de 120 millions de fois.

Le mois dernier, Eva Mozes Kor, 83 ans, a tourné cette vidéo intitulée « Le pouvoir de vivre et de pardonner», produite par Buzzfeed, dans laquelle elle décrit son parcours, de l’enfant de 10 ans servant de cobaye à l’ « Ange de la Mort » au pardon.

L’histoire de la force acquise par Kor pour pouvoir pardonner a été vue plus de 120 millions de fois sur Facebook depuis sa publication le 27 septembre, et plus de trois millions de fois sur YouTube, où elle a été publiée le 15 septembre.

Kor a décrit comment elle et sa sœur, Miriam, ont été déportées avec toute leur famille depuis la Roumanie à Auschwitz en mai 1944.

Eva Mozes Kor, jumelle de Mengele, devant sa photographie au musée du mémorial d'Auschwitz, en 2007. (Crédit : autorisation)
Eva Mozes Kor, jumelle de Mengele, devant sa photographie au musée du mémorial d’Auschwitz, en 2007. (Crédit : autorisation)

Alors qu’elles attendaient à l’entrée du camp de concentration, un nazi criait « jumeaux, jumeaux. » Il a demandé à la mère de Kor si ces deux filles de dix ans étaient jumelles. « Est-ce que c’est bien ? », a demandé la mère. « Oui, c’est bien », lui a répondu le nazi. La mère de Kor a alors indiqué que ses filles étaient jumelles.

C’est la dernière fois que Kor a vu sa mère, qui a été emmenée pour être exterminée quelques minutes après l’assassinat de son père et de son frère aîné, tout ça moins d’une demi-heure après être descendus du train à bestiaux dans lequel ils étaient arrivés.

« J’ai été utilisée pour deux types d’expériences, raconte Kor. Lundi, mercredi, vendredi, ils me déshabillaient dans une pièce avec ma sœur jumelle et beaucoup d’autres jumeaux, jusqu’à huit heures par jour. Ils mesuraient toutes les parties de mon corps, les comparaient à ma sœur jumelle puis comparaient leurs tableaux. »

« Les autres jours, mardi, jeudi, samedi, ils nous emmenaient au laboratoire. Ils attachaient mes deux bras pour restreindre le flux sanguin, prenaient beaucoup de sang de mon bras gauche et me faisaient au moins cinq injections dans le bras droit. Je ne savais pas ce qui était injecté, et je ne le sais toujours pas. »

« Après l’une de ces injections, j’ai été très malade, j’ai eu beaucoup de fièvre, raconte-t-elle. Mes jambes et mes bras étaient enflés et très douloureux. Je tremblais alors que le soleil d’août me brûlait la peau, et d’énormes points rouges couvraient mon corps. Pendant la visite suivante au laboratoire, ils ne m’ont pas attaché les bras. A la place, ils ont pris ma température. Et j’ai été immédiatement transportée à l’hôpital […]. Le lendemain, Mengele est venu avec quatre autres médecins. Il ne m’a jamais examinée. Il a regardé mes courbes de température, et a dit ‘dommage, elle est si jeune. Elle n’a que deux semaines à vivre.’ »

Le célèbre médecin nazi Josef Mengele, encore jeune docteur, et la "rampe" du camp de concentration d'Auschwitz-Birkenau en mai 1944, quand Mengele choisissait parfois des prisonniers pour la vie, la mort, ou l'expérimentation. (Crédit : domaine public)
Le célèbre médecin nazi Josef Mengele, encore jeune docteur, et la « rampe » du camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau en mai 1944, quand Mengele choisissait parfois des prisonniers pour la vie, la mort, ou l’expérimentation. (Crédit : domaine public)

Les deux semaines suivantes, Kor ne pouvait pas marcher et devait ramper dans le baraquement, mais elle était déterminée à survivre.

Elle et sa sœur ont été libérées le 12 janvier 2015 par l’armée russe, mais les deux sœurs n’ont pas pu parler des atrocités qu’elles ont subies à Auschwitz avant 1985.

Miriam a finalement révélé que pendant les deux semaines où Mengele laissait Eva mourir, elle était surveillée par un médecin nazi 24 heures par jour. Après cela, elle a été ramenée au laboratoire et plus de médicaments lui ont été injectés.

En 1963, quand Miriam était enceinte de son deuxième enfant en Israël, les médecins ont découvert les dommages causés par ces injections à ses reins. Même si elle a reçu un rein donné par sa sœur, elle a fini par mourir, probablement en raison des expériences subies à Auschwitz.

En août 1993, Kor avait rendu visite à l’un des médecins nazis d’Auschwitz, le Dr Hans Munch, chez lui.

Eva Mozes Kor, survivante de la Shoah, qui a trouvé la force de pardonner à Josef Mengele, en septembre 2017. (Crédit : capture d'écran YouTube/Buzzfeed)
Eva Mozes Kor, survivante de la Shoah, qui a trouvé la force de pardonner à Josef Mengele, en septembre 2017. (Crédit : capture d’écran YouTube/Buzzfeed)

Munch n’écrivait qu’un seul certificat de décès après la mort de chaque groupe. Il était cependant connu comme « l’homme bien d’Auschwitz » car il aurait refusé de participer aux meurtres. Il a été la seule personne acquittée de crimes de guerre aux procès d’Auschwitz de 1947 à Cracovie, où des prisonniers ont témoigné en sa faveur.

Kor avait invité Munch à venir avec elle à Auschwitz en 1995, au 50e anniversaire de la libération, et à signer un document attestant de l’existence des chambres à gaz et du meurtre des Juifs. Il avait accepté. Le document, une « déclaration d’amnistie », devait servir de preuve contre les négationnistes.

Après l’avoir rencontré, Kor voulait remercier Munch. Après plusieurs mois d’hésitation, elle avait décidé de le remercier avec une lettre de pardon.

« Je voulais remercier ce médecin nazi. Je ne savais pas comment remercier un nazi, raconte-t-elle dans la vidéo. Après 10 mois, un matin, je me suis réveillée. Et cette idée toute simple m’a frappée. Pourquoi pas une lettre de pardon pour le Dr Munch ? J’ai su tout de suite qu’il aimerait cela et que ce serait un cadeau plein de sens […]. Mais ce que j’ai découvert a changé ma vie. J’ai découvert que j’avais le pouvoir de pardonner. Personne ne pouvait me donner ce pouvoir, et personne ne pouvait me l’enlever. Il n’appartenait qu’à moi de l’utiliser comme je le souhaitais. »

La découverte de ce pouvoir de pardonner a changé sa vie, explique Kor. Après 50 ans à être une victime, elle a soudainement réalisé qu’elle avait ce pouvoir exceptionnel que personne ne pouvait lui enlever.

Eva Mozes Kor, jumelle de Mengele, lisant sa lettre de pardon au docteur nazi Hans Munch, à Auschwitz; le 27 janvier 1995. (Crédit : capture d'écran Youtube)
Eva Mozes Kor, jumelle de Mengele, lisant sa lettre de pardon au docteur nazi Hans Munch, à Auschwitz; le 27 janvier 1995. (Crédit : capture d’écran Youtube)

Il lui a fallu quatre mois pour écrire la lettre. Une fois terminée, quelqu’un lui a suggéré de pardonner aussi à Mengele.

« J’ai imaginé que Mengele était dans la pièce avec moi, raconte-t-elle. J’ai pris un dictionnaire et écrit 20 vilains mots que j’ai lus à voix haute pour faire comme si Mengele était dans la pièce. Et à la fin, j’ai dit, ‘malgré tout cela, je vous pardonne.’ Ça m’a fait du bien. »

« Moi, le cobaye depuis 50 ans, souligne-t-elle, j’avais même le pouvoir sur l’Ange de la Mort d’Auschwitz. »

Mengele est mort en 1979, en se noyant au large de Sao Paulo, et a été enterré sous un faux nom. Sa tombe a été découverte en 1985, et ses os ont ensuite été identifiés par l’ADN et le témoignage de son fils Rolf Mengele. Il était en fuite depuis des années, se cachant pendant qu’il était poursuivi pour avoir réalisé des expériences sur des prisonniers et avoir envoyé des milliers d’entre eux dans les chambres à gaz pendant la Seconde Guerre mondiale.

Même si d’autres survivants des expériences de Mengele n’ont pas apprécié son pardon, Kor explique que « c’est un acte d’auto-guérison, d’auto-libération. »

« Nous ne pouvons pas changer ce qui est arrivé, mais nous pouvons changer la façon dont nous le vivons. »

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