À l’ONU, l’émir du Qatar n’a pas un mot sur le 7 octobre et parle de « prisonniers », pas d’otages
Al-Thani a aussi dénoncé l'escalade des opérations israéliennes contre le Hezbollah sans mentionner les attaques terroristes transfrontalières menées depuis près d'un an par le groupe pro-Iran

La guerre dans la bande de Gaza est un « crime de génocide », a estimé mardi 24 septembre l’émir du Qatar, Cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, à la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU à New York, tout en mettant en avant le rôle de son pays en tant que médiateur entre Israël et le Hamas.
Dans un discours incendiaire à l’égard d’Israël, l’émir a décrit les actions de l’armée israélienne à Gaza en parlant d’un « crime brutal, continu et prémédité, qui fait des enfants, des femmes et des personnes âgées des victimes ».
« Après un an de guerre, et avec tout ce qui a été et est encore perpétré dans ce conflit, il n’est plus possible de parler du droit d’Israël à se défendre dans ce contexte sans être complice de la justification du crime », a-t-il déclaré, dans une attaque apparente contre les États-Unis et d’autres pays occidentaux. Al-Thani ne dira pas un mot de ce contre quoi Israël invoque son droit à se défendre, à savoir le Hamas et d’autres groupes terroristes qui lui sont alliés et qui sont responsable du pire pogrom de l’histoire d’Israël, perpétré le 7 octobre dernier.
L’émir n’a d’ailleurs fait aucune mention du 7 octobre, qui pourtant est l’élément déclencheur de la guerre en cours, alors qu’une horde de milliers de terroristes armés du Hamas ont pénétré le territoire souverain d’Israël pour mener une attaque brutale au cours de laquelle plus de 1 200 personnes, pour la plupart des civils, ont été assassinées.
En revanche, il assure que « l’agression flagrante du peuple palestinien dans la bande de Gaza aujourd’hui est l’agression la plus barbare, abominable, étendue, violant les valeurs humaines et les conventions et droits internationaux. Ce n’est pas une guerre respectant le concept de la guerre, mais plutôt un crime de génocide ».
Cette guerre est « un crime de génocide perpétré au moyen des armes les plus sophistiquées contre des personnes assiégées dans un camp de détention où il n’y a pas d’échappatoire au barrage des bombardements aériens », a poursuivi l’émir qatari.
Depuis le début de la guerre à Gaza, l’armée israélienne a régulièrement indiqué qu’elle prenait de nombreuses mesures pour limiter les victimes civiles lorsqu’elle mène des frappes aériennes. Le Hamas est accusé de se servir de la population civile de Gaza comme bouclier humain, notamment en stockant ses armes dans des infrastructures publiques comme des écoles et des hôpitaux.
Reprenant des accusations utilisées par les militants anti-Israël sur les campus universitaires occidentaux, Al-Thani a déclaré que les Palestiniens sont un « peuple autochtone sur sa propre terre… qui est soumis à une occupation coloniale, [qui] a pris la forme d’un système d’apartheid au 21e siècle ».

L’émir qatari dénonce également les efforts du gouvernement israélien actuel « pour étendre les colonies [implantations], annexer la Cisjordanie et judaïser Jérusalem ».
Une rhétorique similaire sur le Liban
Al-Thani a également abordé le conflit avec les terroristes chiites pro-Iran du Hezbollah au Liban, et a reproché à Israël d’avoir « commis un crime majeur en fabriquant des dispositifs de communication sans fil et en les faisant exploser simultanément sur des milliers de personnes, au mépris total de leur identité ou de leur localisation ».
Israël n’a pas revendiqué l’explosion inédite des bipeurs et des talkies-walkies. Par ailleurs, les explosions n’ont ciblé littéralement que des membres actifs du Hezbollah qui se trouvaient en possession de moyens de communication utilisés par le groupe terroriste.
« C’est ce contre quoi nous avons mis en garde à plusieurs reprises si la guerre brutale contre Gaza ne s’arrête pas », a-t-il poursuivi.
Al-Thani a également dénoncé l’escalade des opérations israéliennes contre le Hezbollah sans pourtant prendre le temps de mentionner les attaques terroristes transfrontalières menées depuis près d’un an par le groupe soutenu par l’Iran. Le Hezbollah a, en effet, revendiqué des tirs de roquettes quasi quotidiens depuis le 8 octobre 2023, qu’il justifie comme étant menés en soutien au Hamas à Gaza.
« Ils savent que cela n’apportera ni la sécurité ni la paix dans le nord d’Israël et au Liban », a-t-il estimé en parlant des responsables israéliens.
Au sujet du rôle de médiateur que son pays, le Qatar, joue depuis le début de la guerre aux côtés de l’Égypte et des États-Unis, l’émir a accusé Israël d’être responsable de l’échec des négociations pour la conclusion d’un accord de cessez-le-feu et de libération des otages.
Il a affirmé que le processus de médiation qatari a été entravé à plusieurs reprises, notamment par l’assassinat en juillet du chef du Hamas, Ismail Haniyeh, attribué à Israël.

Lors de son discours, Al-Thani a par ailleurs tenu à rappeler le rôle du Qatar dans la trêve de novembre 2023, qui a permis la libération d’une centaine d’otages israéliens. Les terroristes du Hamas avaient pris en otage 251 personnes, pour la plupart des civils, et les avaient emmenées à Gaza. 105 ont pu être libérés durant une trêve d’une semaine en novembre.
L’émir s’est engagé à « continuer à déployer tous les efforts possibles avec nos partenaires jusqu’à ce que nous parvenions à un cessez-le-feu permanent, que nous obtenions la libération des prisonniers et des détenus » et que nous fassions progresser la solution à deux États. Il n’a pas prononcé une fois le mot « otages », qui a pourtant une définition et des implications spécifiques dans le droit international, mais plutôt « prisonniers ».
De manière générale, Al-Thani semble considérer que le Hamas, que le Qatar finance par ailleurs massivement, est un acteur légitime qui mènerait un conflit conventionnel avec l’État d’Israël. Il n’en parle en tout cas pas en tant que groupe terroriste.
Enfin, l’émir a mis en cause ceux qui parlent de la gestion de la bande de Gaza après la guerre à travers un prisme qui ne prend en compte que la sécurité des Israéliens, plutôt que celle des Palestiniens. « C’est cette approche qui veut adapter l’ensemble de la région à Israël tout en cherchant des solutions pour éviter de mettre fin à l’occupation ».
Al-Thani a exprimé son soutien à la candidature palestinienne à un statut de membre à part entière des Nations unies, qui a été bloquée par les États-Unis au motif qu’elle nuirait aux efforts de paix.
« Parler d’une telle mesure qui nuirait au processus de paix n’est que de la poudre aux yeux, car il n’y a pas de partenaire israélien pour la paix pendant le mandat de l’actuel gouvernement », a-t-il affirmé sans rappeler qu’aucune cohésion existe entre les Palestiniens de Ramallah et ceux de Gaza.