Après le discours de Levin contre la Haute-cour, Herzog appelle « à la retenue »
Le président dit que son bureau livre "des efforts infinis" en faveur du consensus sur la réforme judiciaire mais qu'un tel objectif nécessite "la modération" des parties prenantes

Le président Isaac Herzog a semblé critiquer le ministre de la Justice Yariv Levin, dimanche, suite aux propos cinglants tenus par ce dernier contre la Cour suprême – des paroles prononcées lors d’un rassemblement massif organisé par la droite de l’échiquier politique à Jérusalem, la semaine dernière.
S’exprimant lors d’un événement consacré à l’étude de la bible qui était organisé à la résidence du président de Jérusalem, Herzog a indiqué que son bureau – qui chapeaute actuellement d’intenses négociations entre l’opposition et la coalition sur le projet de refonte du système de la justice qui est actuellement avancé par le gouvernement – « livre actuellement des efforts sisyphéens, des efforts sans relâche, pour promouvoir un large dialogue, avec un accord le plus large possible ».
De tels efforts, a ajouté Herzog, nécessitent « que toutes les parties se comportent avec modération ; ils nécessitent que nous fassions preuve de retenue dans nos propos et dans notre conduite, que nous agissions de manière responsable – et c’est le cas en particulier des responsables publics ».
Herzog a indiqué que les clivages croissants sur la question de la réforme du système de la justice était dangereuse pour le pays, répétant que « si nous pouvons être en désaccord sur les politiques, sur les décisions, dans nos visions du monde », de tels différends devaient être appréhendés avec courtoisie et dans le respect de l’autre.
Selon de nombreux observateurs, les paroles du président semblent s’être adressées directement à Levin – le principal artisan du plan de refonte radical du système de la justice en Israël – qui avait déclaré, jeudi, qu’il ferait « tout ce qui est en [son] pouvoir » pour faire aboutir son projet de refonte.
Attaquant la Cour suprême, Levin avait proclamé que l’État avait besoin « d’une Haute-cour qui ne donne pas de droits aux familles des terroristes et qui n’autorise pas de faux services de commémoration en présence de partisans du terrorisme ». Il avait ajouté qu’Israël devait avoir des juges « qui punissent les violeurs et qui ne cherchent pas à les protéger ; une Cour qui protège les soldats de l’armée israélienne, pas les voisins des terroristes ».

Tandis que le ministre de la Justice avait déclaré soutenir les pourparlers en cours à la résidence du président, il avait accusé l’opposition « de dire non à toutes les propositions ».
Netanyahu avait ordonné la mise en pause de l’avancée législative du projet de réforme judiciaire, fin mars, pour permettre à Herzog de prendre la tête de négociations visant à trouver un accord le plus large possible entre opposants et partisans du plan, mais l’ouverture de la nouvelle session de la Knesset, dimanche, a ravivé chez un grand nombre de membres de l’opposition la crainte de ce que la coalition puisse relancer le processus au plus vite.
Un projet de loi déterminant qui placerait les nominations de tous les juges du pays sous le contrôle des politiques a déjà franchi presque toutes les étapes législatives nécessaires et il pourrait être adopté d’ici quelques jours si la coalition devait en émettre le désir. Toutefois, les analystes et les commentateurs pensent que la coalition ne fera avancer aucun projet de loi avant l’adoption du budget de l’État – un budget qui devra impérativement être approuvé d’ici le 29 mai. Si ce n’est pas le cas, il y aura une nouvelle dissolution de la Knesset qui sera suivie de l’organisation d’élections anticipées.
Au début de sa réunion du cabinet, dimanche, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a indiqué qu’il soutenait pleinement les pourparlers en cours et qu’il pensait qu’un accord pouvait être trouvé.
« Il y a un débat fondamental entre nous concernant le projet de réforme judiciaire mais nous faisons l’effort de tenter de trouver une solution dans ce débat à travers le dialogue » avec l’opposition, a dit Netanyahu. « Si les deux parties font preuve de bonne volonté, je suis convaincu qu’un accord peut être trouvé – ce que je soutiens pleinement ».
Après le discours de Levin, Benny Gantz, chef du parti HaMahane HaMamlahti, a déclaré vendredi que les propos tenus par le ministre de la Justice remettaient en question l’engagement de la coalition dans les négociations.

Gantz a critiqué le ministre de la Justice et d’autres personnalités de premier plan de la coalition pour « leurs incitations et leurs mensonges » pendant la manifestation de droite, à Jérusalem, notant que leurs propos « font naître des pensées difficiles et des doutes en ce qui concerne nos réelles capacités à trouver des accords dans les pourparlers en cours à la résidence du président, des accords qui sont pourtant nécessaires pour la population israélienne à ce stade ».
Le responsable de Yesh Atid, Yair Lapid, a pour sa part émis un communiqué dénonçant « les discours d’incitations » du ministre de la Justice et d’autres membres de la coalition. De son côté, le député Gideon Saar, du parti de Gantz, a évoqué l’allocution faite par Levin en déplorant « l’un des discours d’incitations les plus graves à ce jour contre le système judiciaire dont il est pourtant à la tête ».
Après le rassemblement pro-réforme de jeudi soir, ce sont des centaines de milliers d’Israéliens qui ont manifesté dans tout le pays, samedi dans la soirée, dans le cadre du mouvement de protestation en cours contre le projet de réforme judiciaire controversé.
Les critiques affirment que ce plan radical, qui placera une grande partie de l’autorité du système judiciaire entre les mains du gouvernement, videra la démocratie de son sens dans le pays, protégeant ses dirigeants et leur permettant d’échapper à leurs responsabilités tout en laissant, de l’autre côté, les droits des minorités sans bouclier, assujettis aux caprices du gouvernement de la ligne dure de Netanyahu. Les partisans du projet estiment pour leur part que ces changements sont nécessaires pour brider un système de la justice qu’ils considèrent comme excessivement activiste.