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Aux États-Unis, en dépit de l’antisémitisme, le cinéma juif a le vent en poupe

Brutalist, A Real Pain et Un parfait inconnu sont parmi les dix meilleurs films de 2024 et devraient faire l'objet d'une attention particulière lors de la saison des Oscars

Certains des principaux films juifs de 2024 (dans le sens des aiguilles d'une montre, à partir d'en haut à gauche) sont "Between the Temples", "September 5", "A Complete Unknown", "The Brutalist" et "A Real Pain". (Crédit : Grace Yagel/70 Faces Media)
Certains des principaux films juifs de 2024 (dans le sens des aiguilles d'une montre, à partir d'en haut à gauche) sont "Between the Temples", "September 5", "A Complete Unknown", "The Brutalist" et "A Real Pain". (Crédit : Grace Yagel/70 Faces Media)

JTA – Hollywood a connu une véritable déchirure après la cérémonie des Oscars de cette année – suite au discours d’acceptation d’un réalisateur juif récompensé pour un film sur la Shoah, discours dans lequel il avait violemment critiqué Israël, plusieurs mois après le début de sa guerre contre le groupe terroriste palestinien du Hamas dans la bande de Gaza.

La polémique autour du film « La Zone d’intérêt » de Jonathan Glazer est finalement venue s’ajouter à la réaction juive aux nouvelles normes de diversité et d’inclusion de l’Académie des arts et des sciences du cinéma, qui avait négligé d’inclure les Juifs en tant que groupe sous-représenté à Hollywood. Pris dans leur ensemble, ces événements auraient pu laisser présager une année difficile pour les Juifs à Hollywood. Le monde du cinéma de prestige, dont le prix le plus convoité est décerné par une instance qui a récemment fait l’objet d’une controverse pour avoir minimisé le rôle des Juifs dans la création de l’industrie cinématographique, allait-il laisser tomber les Juifs au moment où ils en avaient besoin, comme l’ont fait tant d’autres organisations culturelles ?

Mais il y a eu une surprise au box-office cette année. Alors que l’antisémitisme a explosé, que les débats sur Israël ont envahi les espaces culturels et que l’anxiété liée à l’inclusion s’est intensifiée, les films juifs connaissent en réalité un moment fort.

Le film « The Brutalist », épopée historique sur un architecte juif hongrois qui tente de réussir dans l’Amérique de l’après-guerre, et « A Real Pain », comédie dramatique moderne sur deux cousins juifs qui font un voyage autour de la Shoah en Pologne, sont les deux grands favoris pour l’Oscar du meilleur film en langue étrangère après avoir remporté de grands prix lors de festivals. Le nouveau biopic sur Bob Dylan, « Un parfait inconnu » (A Complete Unknown) – qui comprend un bref aperçu d’un album photo montrant le garçon autrefois connu sous le nom de Robert Zimmerman en train de célébrer sa bar mitzvah – a reçu des éloges pour la performance de l’acteur principal juif Timothee Chalamet, et devrait rencontrer un bon succès auprès du grand public.

Les œuvres consacrées au culte juif et à la vie religieuse ont également connu un certain succès. Cet automne, « Carla et moi » (Between the Temples), une comédie névrotique à petit budget sur un chantre dépressif et son élève de bat mitzvah adulte, a été un succès au box-office indépendant. L’actrice juive Carol Kane est devenue une sérieuse prétendante aux récompenses après une victoire au New York Film Critics Circle.

Par ailleurs, la comédie romantique « Nobody Wants This », avec Adam Brody dans le rôle d’un rabbin sexy qui sort avec une femme non juive, a été l’une des plus populaires de l’année.

Adrien Brody dans « The Brutalist ». (Crédit : Lol Crowley/A24)

Le secret de la réussite

Selon les professionnels de l’industrie du divertissement, la raison de ces succès est simple : Ce sont de bons films que les gens – juifs ou non – veulent voir.

« Je ne pense pas que ce soit exclusivement parce qu’il s’agit d’histoires juives », déclare Eric Kohn, un critique de cinéma de longue date, lui-même Juif, qui travaille actuellement pour une société de production cinématographique et en tant que programmeur pour un centre cinématographique à Long Island.

« Je pense que c’est parce qu’ils ont d’autres sources d’accès. »

Et tout écho de l’expérience juive après le 7 octobre 2023 est largement involontaire. À l’exception de « Un parfait inconnu », tous les grands films juifs de cette année – y compris « September 5 », un drame historique sur la prise d’otages des athlètes israéliens lors des Jeux olympiques de Munich en 1972 – avaient été tournés avant le pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre 2023 dans le sud d’Israël et la guerre qui s’en est suivie.

En outre, tous les cinéastes n’ont pas explicitement choisi de réaliser un projet traitant de l’identité juive. Si Jesse Eisenberg, auteur et réalisateur de « A Real Pain », et Nathan Silver, réalisateur de « Carla et moi », ont ouvertement fait part de leur intérêt pour le judaïsme en tant que sujet, Brady Corbet, réalisateur de « The Brutalist », et Tim Fehlbaum, réalisateur de « September 5 », ont déclaré que leurs films traitaient simplement de Juifs ou d’Israéliens, et que leurs intérêts thématiques principaux se situaient ailleurs.

Les films le confirment : Kohn note ainsi qu’ils ont d’autres attraits que leur judaïsme. « The Brutalist » est autant l’histoire d’un artiste intransigeant, et de l’expérience plus large des immigrants, que celle des survivants de la Shoah. Le film « A Real Pain », avec Eisenberg et Kieran Culkin, traite plus explicitement des traumatismes de la Shoah. Mais, note Kohn, « c’est aussi un film de copains avec le gars de ‘The Social Network’ et le gars de ‘Succession’ ».

Et un film sur Bob Dylan a une large résonance culturelle, d’autant plus que le personnage au centre du film n’embrasse pas publiquement son judaïsme autant qu’ont pu le faire beaucoup d’autres célébrités juives. Néanmoins, dans une année comme 2024, toute inclusion juive – aussi accessoire soit-elle – est accueillie favorablement par de nombreuses personnes.

Arthur Harari (à droite) dans le rôle de l’avocat Georges Kiejman dans « Le Procès Goldman ». (Crédit : Menemsha Films/Moonshaker)

« J’ai apprécié le fait qu’il s’agissait de films sur les Juifs américains », dit le critique de cinéma juif J. Hoberman, qui écrit souvent sur les Juifs et le cinéma, s’exprimant sur la plupart des films juifs de l’année.

« C’était comme une libération, dans un sens, de traiter de la Diaspora plutôt que d’Israël. »

Hoberman ajoute qu’il était également un grand admirateur du film « Le Procès Goldman », un drame judiciaire français basé sur le procès réel d’un radical juif des années 1970, mais qui a trouvé un public relativement plus restreint.

L’attrait au-delà du judaïsme relie également les grands films juifs de cette année aux films juifs les plus prisés de l’année dernière, à savoir « Oppenheimer », « La zone d’intérêt » et « Maestro », qui présentaient également un attrait non juif : biopics de personnages célèbres, spectacles à gros budget et cinéma d’art et d’essai cérébral et novateur.

Un autre élément crucial liant « The Brutalist », « A Real Pain » et « Carla et moi » est qu’il s’agit de productions indépendantes, financées et filmées en dehors des grands studios avant d’être acquises par des distributeurs de taille moyenne à grande après les premières projections dans les festivals. Le distributeur indépendant A24, le label Searchlight Pictures, propriété de Disney, et le mégastudio Sony ont fini par sortir ces films, dans cet ordre ; « September 5 » a également été financé de manière indépendante avant d’être acquis par Paramount. (En partie pour réduire les coûts, « The Brutalist » et « A Real Pain » ont été tournés respectivement en Hongrie et en Pologne – les pays où leurs personnages ont été confrontés aux horreurs de la Shoah).

Les films s’appuient sur des thèmes universels plutôt que juifs

Alors que les sélections sur le thème de la Shoah se multiplient dans le cadre de la campagne des Oscars, leurs distributeurs semblent privilégier les thèmes universels des films plutôt que leurs thèmes juifs. Ce qui constitue un changement par rapport aux nombreuses campagnes réussies pour les Oscars des films sur la Shoah de ces dernières décennies, comme « La liste de Schindler » ou « Le Pianiste », qui plaçaient souvent les horreurs de la Shoah au centre de leur discours à l’attention des votants des Oscars, en tant qu’élément important du témoignage.

« Les films dont nous parlons dans le cadre de la discussion sur le meilleur film ne présentent rien qui soit lié à l’identité juive, ce qui serait susceptible de mettre mal à l’aise un public non juif », dit Kohn.

Les portraits des victimes apparaissant à la fin d’une cérémonie marquant le 50e anniversaire de l’attaque des Jeux olympiques de Munich en 1972, sur la base aérienne de Fuerstenfeldbruck, dans le sud de l’Allemagne, le 5 septembre 2022. (Crédit : Thomas Kienzle/AFP)

En outre, peu de ces films abordent directement le sujet d’Israël (« The Brutalist » comporte quelques discussions sur le sionisme à la fin du film, mais ce n’est pas son sujet principal). Même « September 5 », qui met en scène la prise d’otages de Munich au cours de laquelle onze athlètes et entraîneurs israéliens ont été assassinés par des terroristes palestiniens, n’est pas centré sur le point de vue juif ou israélien, mais sur les journalistes sportifs de la télévision chargés de couvrir la tragédie – bien que les parallèles historiques avec la prise d’otages d’aujourd’hui et la guerre qui a suivi à Gaza soient toujours d’actualité.

Le film ne sera pas distribué à grande échelle avant janvier, mais il n’a pas encore percé dans le paysage culturel autant que l’espérait la Paramount. Le studio le présentait comme un candidat potentiel au titre de meilleur film aux Oscars, peut-être inspiré par le drame « Munich » de Steven Spielberg en 2005, qui traitait du même sujet et qui avait reçu cinq nominations aux Oscars, dont la plus importante. Mais le film n’a pas réussi à susciter beaucoup d’intérêt lors de sa sortie limitée, ce qui a nui à ses chances, et des faiseurs d’Oscars comme Variety et Vulture ont fait chuter ses chances ; Kohn qualifie le film de « fiasco total au box-office », même s’il a reçu une seule nomination aux Golden Globes dans la catégorie du meilleur film dramatique.

Il est difficile de savoir si cela est dû à l’accent mis sur Israël ou à un désintérêt général dans un marché du film très encombré. Sur le compte Letterboxd, un compte de critiques de film sur les réseaux sociaux, certains des avis les plus plus populaires donnés au sujet de « September 5 » estiment que le film s’apparente à « de la propagande israélienne ».

La guerre a certainement affecté au moins un film juif cette année : le documentaire « No Other Land », réalisé par un collectif de cinéastes israéliens et palestiniens, qui relate les efforts déployés par l’armée israélienne pour démolir le village palestinien de Masafer Yatta, en Cisjordanie. Comme les autres films mentionnés dans cet article, il a été réalisé avant le 7 octobre, avec une petite coda qui se déroule après. Mais les partisans du film citent souvent la guerre en cours – et la montée de la violence des résidents d’implantations en Cisjordanie qui l’accompagne – pour plaider en faveur d’une plus grande diffusion.

Bien qu’il ait été largement salué par la critique et récompensé, notamment en étant récemment sélectionné pour le prix du meilleur documentaire aux Oscars, « No Other Land » n’a pas encore trouvé de distributeur officiel aux États-Unis. Il bénéficiera d’une sortie limitée à New York en janvier. Les réalisateurs ont refusé une interview avec la JTA, déclarant qu’ils attendraient janvier pour faire davantage de promotion.

Un autre documentaire controversé sur Israël, « The Bibi Files », a également été sélectionné pour les Oscars et il sera bientôt distribué dans le cadre d’un modèle non traditionnel de nouveaux médias ; il est soutenu par le groupe activiste israélien UnXeptable, qui proteste contre le Premier ministre Benjamin Netanyahu et son gouvernement, et il bénéficie d’une forte présence aux États-Unis.

Il est intéressant de noter que la liste des finalistes de l’Oscar du meilleur film international a inclus la proposition palestinienne – « From Ground Zero », un panorama de courts métrages tournés à Gaza après le 7 octobre – mais pas la proposition israélienne, un drame sur le deuil d’une fratrie intitulé « Come Closer », qui n’aborde pas la question de la guerre.

« J’ai pensé que c’était plus qu’un film », explique à la JTA Hoberman, qui désigne « No Other Land » comme étant le meilleur film de l’année.

Affiche de lancement du prix du documentaire de la Berlinale lors du Festival du film de Berlin remporté par « No Other Land » le 24 février 2024. (Crédit : Autorisation)

« J’étais vraiment heureux d’avoir un film qui s’exprime aussi ouvertement sur ce que je perçois comme une terrible injustice. Et en même temps, le fait qu’il ait pu être réalisé était en soi porteur d’espoir, ne serait-ce qu’en théorie. »

Sa liste des meilleurs projets a été publiée dans le magazine Artforum, qui a lui-même connu une crise provoquée par le 7 octobre, peu après le terrible assaut du Hamas.

L’échec de la distribution de « No Other Land » en dit peut-être plus long sur l’état d’esprit d’Hollywood après le 7 octobre que le succès d’autres films à thème juif : les films abordant le conflit sont encore considérés comme trop risqués pour les résultats financiers.

« Aucune entreprise n’a le sentiment de pouvoir prendre le risque du bagage que ce film pourrait porter, qu’elle soit d’accord ou non avec le point de vue qu’il exprime », selon Kohn.

Certains Juifs contrariés par la représentation

Tous les Juifs ne sont pas satisfaits de la façon dont les films juifs de cette année dépeignent la vie juive réelle. Allison Josephs, qui milite en faveur de la représentation des Juifs à l’écran, qui dirige le blog Jew in the City et qui a récemment entrepris une enquête sur les personnages juifs de la télévision en collaboration avec le Norman Lear Center de l’Université de Californie du Sud, indique à la JTA qu’elle pense que les sélections « suivent les schémas des films juifs problématiques que nous avons déjà vus », à la fois dans leur casting et dans leur sujet.

« Nous voulons que les Juifs soient choisis pour jouer des Juifs, que les Juifs soient choisis en fonction de leur apparence, car beaucoup d’entre nous ne sont pas blancs. Nous voulons voir des Juifs prendre plaisir à leur héritage, être fiers de leur identité », a écrit Josephs.

« Nous voulons voir des histoires qui vont au-delà de la Shoah. »

La réalisatrice de « Bibi Files » Alexis Bloom (au centre) et le producteur Alex Gibney (à droite) avec Thom Powers, programmateur de documentaires du Festival international du film de Toronto, le 9 septembre 2024. (Crédit : Robert Sarner/Times of Israel)

Pour Josephs, qui s’est également opposée à l’exclusion des Juifs des nouvelles règles de diversité de l’Académie cette année, le sentiment des réalisateurs de films juifs à l’égard d’Israël est également un facteur important pour juger de leur succès.

« Je cherche sur Google les stars de ces films et je ne vois aucun soutien public à Israël », a-t-elle écrit.

« Et cela ne fait qu’ajouter l’insulte à l’injure. »

Guy Pearce, qui joue le rôle d’un bienfaiteur subtilement antisémite face à l’architecte juif incarné par Adrien Brody dans « The Brutalist », est un militant anti-Israël qui a récemment déclaré à Vanity Fair : « Quelqu’un m’a dit : ‘N’oublions pas de quoi Hollywood est composé. Soyez prudents.’ »

En fin de compte, selon Kohn, les films juifs restent une niche à Hollywood. Mais c’est un créneau qui peut amener des spectateurs – et un en particulier – au cinéma.

« Mes parents sont des sionistes libéraux qui sont allés voir ‘Carla et moi ‘. Et je n’ai rien à voir avec cela », dit-il.

« Lorsqu’ils entendent parler d’un film qui aborde des thèmes juifs, ils vont le voir. »

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