« The Bibi Files » : Extraits des enquêtes sur Netanyahu à l’écran en première au Canada
Les Israéliens réclament un moyen de voir le film contenant des séquences non autorisées du Premier ministre et de sa famille interrogés sur des soupçons de corruption
Un documentaire américain contenant des images inédites du Premier ministre Benjamin Netanyahu interrogé par la police sur des soupçons de corruption a été présenté en avant-première à Toronto ce lundi, bien que les cinéastes à l’origine du documentaire aient déclaré que l’œuvre reste inachevée et pourrait ne jamais être en mesure d’être légalement diffusée en Israël en raison de questions juridiques en suspens.
La projection de « The Bibi Files » (Les Dossiers Bibi), de la réalisatrice Alexis Bloom et du producteur Alex Gibney, dans le cadre du Festival international du film de Toronto, a eu lieu après qu’un tribunal israélien eut rejeté lundi une demande d’injonction concernant la distribution du film au Canada, bien que la loi israélienne interdise l’utilisation de la vidéo non autorisée.
« Ces images ne peuvent pas être montrées [en Israël] », a déclaré Gibney à l’issue de la projection. « Il s’agit d’une loi particulière à Israël, qui n’affecte pas le reste du monde. »
S’appuyant sur des entretiens avec d’anciens hauts responsables israéliens, dont l’ancien Premier ministre condamné Ehud Olmert, et d’un survivant du pogrom du 7 octobre perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas au kibboutz Beeri, entre autres, le documentaire vise à dresser le portrait de Netanyahu en tant que dirigeant confronté à de multiples condamnations pénales, notamment pour corruption, et à montrer comment ses actions depuis son inculpation ont affecté sa prise de décision, notamment autour de l’assaut du Hamas il y a près d’un an.
L’inclusion dans le film de séquences d’interrogatoire a suscité un vif intérêt en Israël, des milliers de personnes ayant rejoint des groupes en ligne qui proposaient un moyen de visionner le film de manière occulte. Un certain nombre de journalistes israéliens étaient présents au cinéma Lightbox de Toronto, où le film a fait salle comble.
Gibney a déclaré qu’il espérait que le documentaire parviendrait finalement en Israël sous une forme ou une autre, a rapporté le site d’information Ynet.
Selon le producteur, certains des éléments évoqués dans les séquences divulguées ont déjà été diffusés dans la presse israélienne.
Selon le magazine Variety, les enregistrements de l’enquête pour corruption ont été divulgués au célèbre réalisateur Alex Gibney l’année dernière et comportent des entretiens avec Netanyahu, son épouse Sara et son fils Yaïr, ainsi que des amis, des associés et des membres de son personnel domestique.
Le film est considéré comme un travail en cours, selon Bloom, qui a déclaré que des problèmes juridiques avaient également contraint la production à faire appel à un acteur pour représenter l’une des personnes du documentaire.
« La réalisation d’un tel film implique de nombreuses questions juridiques, dont certaines que nous ne pouvons pas spécifier ici concernant la personne qui a dû être représentée par un acteur », a-t-elle déclaré.
Elle a toutefois ajouté qu’elle espérait toujours que l’acteur soit retiré et remplacé par la véritable personne.
Lundi, le tribunal de Jérusalem a débouté la demande de Netanyahu visant à bloquer la projection. Les avocats du Premier ministre avaient demandé une injonction contre le journaliste israélien Raviv Drucker, l’un des producteurs du film, pour avoir diffusé des extraits d’un interrogatoire sans l’autorisation de la Cour – un délit passible d’un an de prison.
« Drucker fait, depuis des années, une utilisation cynique et
instrumentale » de l’interrogatoire de Netanyahu relatif aux accusations de corruption pour lui nuire politiquement, allègue la plainte, décrivant le journaliste comme un « opposant politique » autoproclamé du Premier ministre.
La plainte ajoute que le fait que la projection ait eu lieu à l’étranger « ne fait aucune différence dans cette affaire ».
Le juge Oded Shaham a rejeté la demande, mais a ordonné à Drucker de répondre avant mercredi.
Le critique canadien Radheyan Simonpillai, qui a assisté à la projection lundi, a qualifié le documentaire sur le réseau social X « d’accablant, révoltant, nécessaire ».
The Bibi Files: As expected. Damning. Infuriating. Necessary. But also so incredibly made. #tiff24
— Radheyan Simonpillai (@JustSayRad) September 10, 2024
À l’extérieur du cinéma, un petit groupe composé principalement d’expatriés israéliens a organisé une manifestation contre Netanyahu, l’appelant à conclure un accord de « trêve contre libération d’otages ».
Netanyahu est jugé pour fraude et abus de confiance dans trois affaires distinctes soumises en 2019, l’une d’entre elles étant également assortie d’une accusation de corruption. Les procédures sont en cours et il faudra probablement des années pour qu’elles aboutissent, notamment en raison des retards survenus après la suspension du premier procès et de toutes les autres affaires non urgentes en raison du pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre et de la guerre qui s’en est suivie à Gaza.
Netanyahu dément tout acte répréhensible dans les affaires le concernant et affirme que les accusations ont été fabriquées de toutes pièces dans le cadre d’une chasse aux sorcières menée par la police et le ministère public, et facilitée par la faiblesse de la procureure générale.
Gibney avait déjà indiqué à Variety que le « caractère vénal et corrompu de Netanyahu ressort très fortement des enregistrements ».
Bien que le binôme ait commencé à travailler sur le documentaire avant l’éclatement de la guerre à Gaza, Gibney avait déclaré lundi dernier qu’il estimait maintenant qu’il était encore plus important de faire connaître cette histoire, étant donné que le procès de Netanyahu a été relégué au second plan en raison du conflit contre le Hamas et d’autres groupes terroristes soutenus par l’Iran dans la région.
« Il y a une certaine urgence en termes de prise en compte de ce matériel et de prise en compte du tempérament de Netanyahu à un moment où l’on nous dit que ‘de telles discussions sont à remettre à plus tard parce que Netanyahu est au milieu d’une guerre’ », aurait-il confié à Variety.
« Nous avons estimé qu’il était important, et franchement, qu’il était de notre devoir en tant que citoyens du monde de faire connaître notre histoire le plus tôt possible, car des gens meurent tous les jours. »
Gibney et Bloom ont déjà collaboré sur « Divide and Conquer : The Story of Roger Ailes », un documentaire américain de 2018 qui retrace l’ascension et la chute de Roger Ailes, le magnat de Fox News aujourd’hui décédé.
Le film sera projeté une deuxième fois, dans le cadre du Festival international du film de Toronto, mardi.