Avec ses boycotts et ses appels à ‘devenir adulte’, la Knesset révèle à quel point elle ne l’est pas
Quant à Netanyahu, il confirme - enfin - qu’il n’a pas l’intention d’ouvrir une nouvelle station de diffusion publique – et là, commencent les querelles internes
Ce n’est qu’au milieu de son discours prononcé lundi à l’occasion de l’ouverture de la session d’hiver de la Knesset qu’un leader de l’opposition furieux est parvenu à capter l’attention d’une plénière remuante et agitée. Levant soudainement la voix, Herzog s’est lancé dans un « J’accuse » métaphorique, plein de colère à l’égard du Premier ministre Benjamin Netanyahu — dénonçant ses efforts ostensibles qui visent à faire sonner le glas de la nouvelle station de radiodiffusion publique avant même qu’elle n’ait commencé à émettre.
Netanyahu tente de réduire les médias au silence, de museler toutes les critiques et, dans un “jeu de zig-zag incroyable”, cherche à fermer cette entreprise que son propre prédécesseur au ministère des Communications, Gilad Erdan, parlementaire issu du Likud, avait créée via une législation gouvernementale, a accusé Herzog.
(Tandis que le gouvernement maintient qu’il cherche à faire disparaître le nouvel organisme de radiodiffusion pour réduire les coûts, les voix critiques affirment que la raison réelle est la crainte de Netanyahu de l’indépendance politique de l’entreprise. Cette allégation est alimentée par les déclarations émanant de Netanyahu exprimant sa peur qu’elle ne s’aligne à gauche).
“Vos principes et vos objectifs sont identiques à un coup d’état militaire classique – contrôle, purification, oppression, et briser les fiefs de la démocratie, qui avec votre sens de la persécution sont des nids de la résistance et une menace pour votre règne : les médias, la loi, les critiques, les officiers de l’armée, les agents de la police, les forces de sécurité, les services diplomatiques et les leaders d’opinion, la culture », a ajouté Herzog.
“Alors grandissez encore !” a-t-il hurlé à travers la salle en direction du Premier ministre, assis au premier rang en chemise bleue et cravate rouge, le bras jeté nonchalamment sur le fauteuil à côté de lui. Netanyahu est apparu détendu, presque amusé. Mais d’autres membres de la Knesset ont très certainement dressé l’oreille en entendant ces propos.
Ce n’est pas la première fois à l’occasion de cette session d’ouverture – supposée festive – de la séance plénière, qui dure une heure et demi, qu’un leader israélien se voit réclamer davantage de maturité politique. En fait, Herzog est le quatrième, après le président de la Knesset Yuli Edelstein, qui avait dénoncé une rhétorique de haine entre les politiciens, le président Reuven Rivlin et Netanyahu lui-même.
Peu de temps auparavant, Netanyahu s’était interrompu lors de sa propre allocution pour s’adresser à Yoel Hasson, membre de la Knesset issu de l’Union Sioniste.
“Devenez adulte, calmez-vous, écoutez”, avait lâché Netanyahu à l’attention du législateur de l’opposition. Facebook est un meilleur lieu pour chahuter, avait-il ajouté.
Boycotts et diffuseurs
Le stylo à la main, Netanyahu, portant ses lunettes, n’a pas cessé de faire des annotations, ne tressaillant pas une seconde lorsque Rivlin a touché le point sensible de son discours, le second de la soirée.
“Ceux qui sont favorables à une autorité de radiodiffusion publique ne peuvent pas la transformer en trompettes de ses propres commissaires et ceux qui s’y opposent doivent venir nous donner une opinion claire”, a expliqué le président.
Face au visage sombre du président, Netanyahu était accompagné du ministre des Transports Yisrael Katz, dont le potentiel pour le remplacer au poste de chef de gouvernement aurait attisé certaines tensions entre les deux hommes.
A travers la séance plénière, les législateurs se sont regroupés et ont murmuré sporadiquement durant les discours. Mais Katz et Netanyahu n’ont échangé aucune parole pendant la première heure, même s’ils ont partagé un bref éclat de rire ensemble plus tard.
Les membres de la Liste arabe unie, assis derrière Netanyahu, sont sortis de la salle lorsque le Premier ministre a pris la parole. C’était le boycott du boycott d’un boycott : la coalition avait déclaré qu’elle snoberait les législateurs arabes qui avaient refusé de se rendre aux funérailles de l’ancien président Shimon Peres. Ces derniers, en riposte, avaient annoncé qu’ils boycotteraient le discours prononcé par le Premier ministre.
A la tribune, Netanyahu n’a pas immédiatement évoqué les efforts qu’il aurait livrés pour faire fermer la station de radiodiffusion publique. Mais son animosité envers le média s’est faite ressentir de manière aussi instantanée que passionnée.
Il a commencé en citant les prédictions faites par les commentateurs sur les 10 dernières années. ‘The Economist’ sur la stabilité tunisienne, ‘Newsweek’ sur l’avenir prometteur réservé à la Syrie, ‘Haaretz’ sur Assad en 2011, et ‘Yedioth Ahronot’, la même année, qui avait appelé le gouvernement à faire la paix avec la Syrie.
“Il faut le lire pour y croire”, a-t-il déclaré, avant de tourner en dérision les “experts auto-proclamés”.
Israël, a-t-il tonné, est une “île de stabilité” et de prospérité dans un Moyen-Orient déchiré par la guerre.
Sur la presse, il a réservé ses éloges à un journaliste saoudien et à plusieurs autres dans le monde arabe qui ont appelé à une approche adoucie à l’égard de l’état juif.
Cela lui a pris 20 minutes avant d’arriver au sujet de la nouvelle station de radiodiffusion publique, dont le démantèlement sera voté ou rejeté par le cabinet dimanche prochain. Il savait que l’auditoire attendait qu’il aborde la question, et l’a dit, provoquant des murmures d’approbation dans la salle.
“Nous réhabiliterons l’Autorité de radiodiffusion d’Israël (IBA) et nous le ferons sous notre responsabilité financière”, a-t-il expliqué dans son premier commentaire public sur le sujet. L’IBA a été terriblement réduite avec l’installation du nouveau diffuseur, appelé Kan, et cela a été la première confirmation du fait que le Premier ministre était désireux de s’assurer que Kan n’émettrait jamais.
Plus tard, le Premier ministre a indiqué” : “Nous voulons voir nos amis arabes intégrés au sein de la société”.
« Nous ne voulons laisser personne derrière nous », a-t-il déclaré à l’attention des chaises vides abandonnées de façon manifeste par les membres de la Liste arabe unie.
Les cris et le silence
Lorsque le parlementaire Abu Taleb Arar est monté à la tribune, les membres de la coalition sont sortis de la salle, à l’exception de certains d’entre eux, dont le président de la Knesset Edelstein.
Une poussée de cris est venue compléter le chahut antérieur. Les législateurs arabes ont demandé un moment de silence en mémoire des victimes du massacre de Kafr Kassem en 1956. Alors qu’ils protestaient contre le refus de certains de se lever, le ministre du Tourisme Yariv Levin (Likud) est intervenu et a été, en réponse, accusé d’être un meurtrier. Le parlementaire issu du Meretz, Issawi Frij, a été pour sa part éjecté de la séance.
Mais de tous les boycotts et mouvements de protestation, ce sont les plus calmes, ceux qui ont touché le plus le Premier ministre, qui ont été les plus parlants. Le ministre des Finances Moshe Kahlon, qui, quelques heures avant avait déclaré qu’il opposerait son veto à toute tentative visant à fermer la nouvelle station de radioffusion publique, était ostensiblement absent.
Au cours de l’allocution de Netanyahu, à quelques sièges du fauteuil central vacant du Premier ministre, le ministre de l’Intérieur Aryeh Deri tweetait : « C’est important qu’il y ait une station de radiodiffusion publique professionnelle qui représente le public entier. Et donc, dimanche, au cabinet, les ministres du parti Shas voteront non à la fermeture de ce nouveau diffuseur”.
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