Conversion au judaïsme orthodoxe : Forte hausse des demandes, baisse du taux de réussite
Le long processus imposé par les autorités déplaît au demi-million d'Israéliens non reconnus comme juifs par le rabbinat

Le nombre de conversions achevées au judaïsme orthodoxe en Israël a diminué de 5 % l’an dernier, en dépit d’une augmentation des demandes.
Ces données, présentées dans le rapport annuel sur les conversions de l’ONG Itim, confirment la persistance de nombreux problèmes en matière de conversion orthodoxe, avec un impact direct sur la vie de centaines de milliers d’Israéliens, parmi lesquels nombre d’immigrants de l’ex-Union soviétique et leurs descendants.
2022 a enregistré un nombre record de demandes de conversion orthodoxe : 3 904 personnes ont déposé un dossier auprès de l’Autorité de conversion, service du Premier ministre chargé de leur instruction. Cela constitue une hausse de 45 % par rapport à la moyenne annuelle des neuf dernières années, selon le rapport d’Itim, qui aide les Juifs et les personnes désireuses de se convertir à s’y retrouver dans les arcanes de la bureaucratie religieuse d’Israël.
Toujours selon cette source, l’Autorité de conversion n’aurait délivré que 2 091 certificats de conversion l’an dernier, en baisse de 5 % par rapport à la moyenne des dernières années.
Le budget de l’Autorité de conversion, quant à lui, aurait augmenté de quelque 16 % par rapport à 2021 pour atteindre près de 116 millions de shekels en 2022, indique le rapport publié cette semaine.
Itim publie son rapport chaque année avant Shavouot, fête juive dont l’histoire est très liée au statut des convertis dans le judaïsme.
Une procédure de conversion alternative, proposée dans les rangs de Tsahal, a abouti à la conversion de 720 personnes par an, précise le rapport.

Le ministère israélien de l’Intérieur reconnaît plusieurs types de conversion, dont les conversions non orthodoxes, qui peuvent servir de base à la naturalisation en vertu de la loi du retour des Juifs d’Israël. Une institution fondée par Itim, appelée Giyur K’Halacha, effectue également des conversions orthodoxes reconnues par le ministère de l’Intérieur.
En revanche, le Rabbinat, organe public qui régit de nombreux aspects de la vie religieuse juive, ne reconnaît que les conversions ultra-orthodoxes effectuées par ses propres juges rabbiniques, principalement par l’entremise de l’Autorité de conversion. Bien que cette dernière ne fasse pas partie du rabbinat, ses juges rabbiniques sont tous approuvés par le rabbinat, qui, selon Itim, a une influence considérable sur les décisions prises par l’autorité.
Mardi, le quotidien Israël Hayom a fait savoir que le grand rabbin ashkénaze d’Israël, David Lau, avait décidé de permettre au chef de l’Autorité de conversion, le rabbin Yehuda Amichai, de finaliser les conversions autorisées par ses juges rabbiniques. Cette décision vise à remédier aux situations dans lesquelles des juges rabbiniques rigoristes s’opposent à la finalisation des conversions autorisées, par l’ajout d’exigences de dernière minute qui retardent le processus pendant des années.
Le rabbinat peut refuser des personnes reconnues comme juives par l’État d’Israël, mais que le rabbinat ne considère pas comme juives selon la halakha (loi juive).
A défaut de reconnaissance par le Rabbinat, les convertis font face à de grandes difficultés : ils ne peuvent par exemple pas se marier en Israël, où le mariage civil n’existe pas. Les mariages juifs ne peuvent être certifiés que par le Rabbinat, qui ne certifie les unions contractées par des hommes et des femmes juifs. Les mariages de musulmans et de chrétiens sont certifiés par leur clergé respectif.
Les non-Juifs et Juifs ayant un partenaire non juif peuvent contracter une union civile, qui leur donne les mêmes droits que les couples mariés, mais les enfants nés de cette union ne sont pas reconnus comme juifs, ce qui reporte la difficulté sur la nouvelle génération, avec la frustration et le sentiment d’exclusion de la société israélienne.

Cette question affecte la vie de nombreux Israéliens définis comme « sans religion », issus de l’ex-Union soviétique, en vertu de la Loi du retour d’Israël. Le rabbinat ne reconnaît comme juives que les personnes dont les mères sont juives, alors que la loi permet, elle, la naturalisation des conjoints, enfants et petits-enfants de juifs.
Les personnes naturalisées mais non converties constituent la majeure partie des quelque 510 000 Israéliens définis par le ministère de l’Intérieur comme « sans religion ». Nombre d’entre eux sont nés en Israël et se considèrent comme des Juifs israéliens, scolarisés au sein du système éducatif israélien et en règle avec leurs obligations militaires.
La plupart d’entre eux ne souhaitent pas se convertir, en raison de ce qu’Itim et d’autres observateurs estiment être une attitude trop stricte de l’Autorité de conversion ou du Rabbinat.
Les données du rapport suggèrent une stagnation du désir de conversion, processus susceptible de prendre des mois, sinon des années, et qui suppose l’étude approfondie de la halakha, de nombreux questionnaires et la circoncision des hommes non circoncis.
Le nombre d’Israéliens « sans religion » a augmenté de plus de 100 000 depuis 2019 – du fait de l’émigration massive de Russie et d’Ukraine liée à la guerre et de la croissance naturelle de la population en Israël –, mais 0,75 % seulement de ces personnes ont demandé une conversion en 2022.
Ce chiffre est sensiblement identique à la moyenne annuelle des années précédentes, explique Itim.
« Plutôt que de trouver une solution au problème de ce demi-million de citoyens qui se sentent juifs et vivent en Juifs mais ne sont pas reconnus comme tels par la halakha, le rabbinat continue de se draper dans une attitude extrêmement stricte qui fait fuir les convertis potentiels », explique le fondateur d’Itim, le rabbin Shaul Farber, dans un communiqué. « Au lieu d’adopter des attitudes halakhiques en phase avec l’intérêt national, le Rabbinat agit de telle manière que moins de 4 000 personnes demandent la conversion chaque année et que la moitié seulement l’obtiennent », ajoute-t-il.
Toujours selon le même rapport, le nombre mensuel de conversions pour 2022 témoigne d’une répartition inégale qui, selon Itim, pourrait être liée à des manoeuvres pour retarder les conversions.
Au cours des 10 premiers mois de l’année, l’Autorité de conversion n’a en effet autorisé que 881 conversions. Les 1 210 conversions restantes ont été autorisées en novembre et décembre 2022.
La coalition actuelle, dirigée par le Premier ministre Benjamin Netanyahu et cinq factions d’extrême droite de la Knesset aux opinions très conservatrices, a remporté les élections le 1er novembre.
En janvier, Netanyahu a nommé le rabbin Yehuda Amichai, juge rabbinique chevronné, à la tête de l’Autorité de conversion. Il a succédé au rabbin Benayahu Brunner, nommé par l’ex-ministre des services religieux, Matan Kahana.
Kahana a été ministre au sein d’une coalition dirigée par l’ex-Premier ministre Naftali Bennet, qui n’était pas exempt de politiques bellicistes mais est entré dans l’histoire, en 2021, en formant un gouvernement composé de tous les partis du spectre politique, parti arabe compris (le premier de l’histoire).
Les partenaires de la coalition ultra-orthodoxe de Netanyahu se sont opposés à la prorogation du mandat de Brunner.
Contacté par le Times of Israel, le porte-parole de l’Autorité de conversion a écrit que l’organisme gouvernemental « s’efforce de servir le public et d’effectuer des conversions dans les tribunaux rabbiniques, quel que soit le chef de l’Autorité. Il convient de noter qu’un certificat de conversion ne peut être délivré qu’après l’autorisation du grand rabbin ou de son représentant.
« Pour des raisons halakhiques, le grand rabbin examine et autorise chaque dossier de conversion, ce qui a un impact sur la délivrance des certificats de conversion. Personne au sein de l’Autorité, son chef y compris, ne retarde les travaux, effectués conformément à des procédures contraignantes », a ajouté le porte-parole.