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Dans le monde arabe, des collectifs mobilisés contre la pandémie d’infox

Sur les réseaux sociaux en arabe, les fausses informations concernant la maladie Covid-19 prolifèrent

Une équipe médicale contrôle les voyageurs au poste-frontière de Shalamjah, à environ 15 kilomètres de la ville irakienne de Basra à leur retour depuis l'Iran, le 21 février 2020 (Crédit : Hussein Faleh/AFP)
Une équipe médicale contrôle les voyageurs au poste-frontière de Shalamjah, à environ 15 kilomètres de la ville irakienne de Basra à leur retour depuis l'Iran, le 21 février 2020 (Crédit : Hussein Faleh/AFP)

Le coronavirus ? Un « complot américain » ! Comment s’en débarrasser ? « L’été tue les virus ! » Sur les réseaux sociaux en arabe, les fausses informations concernant la maladie Covid-19 prolifèrent au grand dam de collectifs qui tentent de rétablir des vérités essentielles.

« En corrigeant des informations, nous sauvons des vies », affirme à l’AFP Baher Jassem, membre du collectif Tech 4 Peace qui traque la désinformation depuis quatre ans en Irak.

Plusieurs fois par jour, cette escouade de militants du Net partage à son quelque million d’abonnés sur Facebook, Twitter et Instagram des correctifs de fausses informations.

Le modèle est toujours le même : qu’ils corrigent l’annonce d’un remède soi-disant miraculeux ou la mort annoncée à tort d’une célébrité, la fausse information apparaît en capture d’écran, barrée d’un tampon rouge « Attention, infox ! » et est accompagnée d’explications détaillées et sourcées.

« L’idée, ce n’est pas seulement de débusquer les mensonges. C’est aussi de donner les bonnes infos sur la maladie, les façons de s’en protéger, d’éviter les faux remèdes », explique M. Jassem.

Ce « fact-checking » (vérification de faits, NDLR) arrive au moment où de nombreux pays du monde arabe entrent dans leur phase la plus critique de la pandémie.

Longtemps préservé, l’Irak enregistre désormais près de 3 000 nouveaux cas par jour. Oman, l’Algérie et le Liban ont atteint des pics de contamination à la mi-juillet, juste après l’Arabie saoudite et la Jordanie.

Des travailleurs portent un équipement de protection individuelle avant de stériliser une mosquée à Amman, la capitale de la Jordanie, le 3 juin 2020, avant sa réouverture. (Crédit : Khalil MAZRAAWI / AFP)

Médecins inquiets

Alors que les autorités sanitaires recommandent la plus grande prudence, les fausses informations en ligne poussent certaines personnes à ne pas porter de masque ou à ne pas respecter les consignes de distanciation physique, assurent à l’AFP de nombreux médecins.

En Irak, ils disent avoir tout entendu : « le nouveau coronavirus est un complot américain », selon certains patients. « En réalité, les morts du Covid-19 ont été victimes d’une attaque à un gaz secret », affirment d’autres. « Les grandes chaleurs de l’été tuent tous les virus », répètent un bon nombre d’Irakiens.

La désinformation n’est pas l’exclusivité du monde arabe, mais elle y est d’autant plus dangereuse que les autorités locales ont renforcé leur contrôle sur les médias concernant la pandémie, selon l’ONG Reporters sans frontières.

Pour les militants anti-infox, ce contrôle rend les gens plus méfiants à l’encontre des médias établis et plus enclins à croire ce qu’ils lisent sur internet.

« Il n’y a pas d’éducation aux médias. Les Irakiens vont sur Facebook et Twitter mais ils ne sont pas équipés pour faire le tri entre les faits et la fiction », assure à l’AFP Faisal al-Moutar.

Cet Irakien expatrié aux Etats-Unis a fondé Ideas Beyond Borders (IBB), un réseau qui a déjà traduit en arabe, en partenariat avec Wikipedia, plus de 250 pages d’information sur le virus.

Assurer la traduction pour l’ensemble du monde arabe est un casse-tête quotidien, assure Issam Fawwaz, un membre d’IBB à Tripoli, au Liban.

« Les termes scientifiques ne sont pas unifiés : un mot utilisé en Syrie, au Liban ou en Jordanie est complètement différent en Egypte ou au Maroc », explique-t-il à l’AFP.

Des travailleurs expatriés de retour d’Egypte, de Syrie et du Liban arrivent au ministère de la Santé, dans la zone de confinement et de contrôle en pleine pandémie du COVID-19, à Koweït City, le 15 mars 2020. (Crédit : YASSER AL-ZAYYAT / AFP)

« Une affaire personnelle »

Peu importe les difficultés, explique ce traducteur de 33 ans, « pour moi, c’est une affaire personnelle: j’ai longtemps cru aux infox, heureusement que des gens m’ont poussé à utiliser mon cerveau ».

« Il suffit d’une seule personne convaincue par une infox pour provoquer une catastrophe dans toute sa communauté. »

L’AFP elle-même, au travers de son service de fact-checking en arabe, a déjà vérifié et déconstruit des dizaines de fausses informations, partagées des milliers voire des millions de fois. Certaines affirmaient par exemple que porter un masque était dangereux car cela réduisait la quantité d’oxygène respirable, ou que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) avait cessé de s’occuper de la pandémie.

Pour être visibles, les Jordaniens du groupe « Fatabayyano » (« Vérifiez ! » en arabe) ont décidé de passer par les mêmes canaux que les fausses informations qu’ils corrigent.

Depuis 2014, ils envoient leurs correctifs à des milliers d’abonnés via des chaînes WhatsApp.

Cette messagerie est l’un des principaux pourvoyeurs d’infox dans la région. Avec 75 % d’utilisateurs parmi les internautes arabes, la plateforme est devenue un lieu de partage massif d’informations dont l’authenticité est impossible à vérifier.

Contrairement à Facebook ou Twitter, les messages WhatsApp sont cryptés et ne peuvent donc pas être lus et signalés par la plateforme.

« Les infox se répandent plus vite que les vraies infos » sur WhatsApp, assure à l’AFP Motaz al-Thaher, membre de Fatabayyano.

Alors, le groupe essaye d’être présent partout : sur son site avec de longs articles en arabe, sur Instagram avec des graphiques et sur Facebook avec des vidéos pour ses 800 000 abonnés.

Avec un seul slogan : « Les rumeurs sont aussi des virus ! »

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