Des magistrats français en séminaire au camp de déportation des Milles
Lieu de mémoire de la Shoah en France, où 1 800 juifs furent déportés, le lieu est devenu un centre de réflexion sur la montée du racisme, de l'antisémitisme et de l'extrémisme

Comment exercer son rôle face à la montée des extrémismes, en tant que citoyen mais surtout de représentant de l’institution judiciaire ? Une vingtaine de hauts magistrats ont abordé la question mercredi, au camp de déportation des Milles, à Aix-en-Provence.
Lieu de mémoire de la Shoah en France durant la seconde Guerre mondiale, le camp des Milles, d’où quelque 1 800 juifs furent déportés en 1942, est devenu un centre de réflexion sur la montée des risques contre la démocratie – racisme, antisémitisme ou extrémisme. C’est à ce titre qu’il a accueilli mercredi 23 représentants du parquet ou présidents d’institutions judiciaires du ressort de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, en séminaire.
« En tant que garants des libertés individuelles et que gardiens du système démocratique, une journée comme celle-ci nous ramène aux fondamentaux », explique Renaud Le Breton de Vannoise, premier président de la cour d’appel d’Aix, à l’AFP, après une visite guidée du site : « Nous traitons des milliers de dossiers chaque année, et la routine peut menacer ».
« Derrière des termes comme ‘Je suis Daesh’, derrière une insulte, une injure, il peut y avoir quelque chose de lourd et de grave », développe Mohamed Mahouachi, coordinateur régional des formations pour l’ENM (Ecole nationale des magistrats) : « Il ne faut pas banaliser les infractions, mais pour cela, il faut connaître son histoire et son passé ».

Car pour Alain Chouraqui, président de la Fondation du camp des Milles, la démocratie française est actuellement « sur une ligne de
crête » : « Nous devons réfléchir sur ces mécanismes qui peuvent mener au pire et qui sont encore à l’œuvre », estime ce chercheur au CNRS, en estimant que la société française est actuellement au milieu de la phase 2 sur les trois étapes pouvant conduire une démocratie vers un régime autoritaire et mener du racisme à des crimes de masse.
« Pertes de repères, rejet des élites, pouvoirs impuissants, radicalisations, haines » : tous ces paramètres sont présents dans la société française, regrette la Fondation, qui a bâti un « indice d’analyse et d’alerte républicaine et démocratique » (AARD). Selon cet outil, les risques pour la démocratie se seraient multipliés par cinq depuis 1990 en France.
« Si un régime autoritaire advenait, il faudrait se poser la question de la place de la justice », explique Marie-Suzanne Le Queau, procureure générale près la cour d’appel d’Aix, en-Provence, en citant les pressions exercées sur l’institution judiciaire en Hongrie, en Pologne ou en Turquie. Et la représentante du ministère public de « rendre hommage aux magistrats qui ont démissionné de leurs fonctions sous le régime de Vichy ».