Des néo-nazis dans l’armée française, selon Mediapart
Plusieurs militaires ont posté sur les réseaux sociaux des photos d'eux dans lesquelles ils affichent publiquement leur idéologie néo-nazie - aucun d’entre eux n’a été licencié
Coller « une bonne balle dans la nuque » des migrants : telle est l’idée présentée en 2018 sur Facebook par un dénommé « Alan V. », militaire du 27e bataillon de chasseurs alpins, a rapporté le site français d’investigation Mediapart dans son enquête « Des néonazis font carrière dans l’armée française ».
Alors qu’une photo sur Instagram le présente à Menton, en fonction dans le cadre de la mission Sentinelle, une autre révèle son tatouage « Meine Ehre heißt Treue [Mon honneur s’appelle fidélité] » : la devise sur la boucle de ceinture des SS, référence à leur fidélité à Adolf Hitler.
Un autre, Yann G. du 1er régiment de hussards parachutistes, se montre dans plusieurs photos avec des vêtements du mouvement « Blood & Honour », dissous en France à l’été 2019, qui tire son nom de la devise des Jeunesses hitlériennes, « Blut und Ehre ».
Rurik, sous-officier au 2e régiment d’infanterie de marine, exhibe lui ses tatouages sur Instagram, dont une croix celtique accompagnée du mot « White » sur son torse, et la devise de la SS, inscrite en russe sur son avant-bras.
Un autre individu du 13e bataillon de chasseurs alpins peut lui être vu effectuant un salut nazi sur une photo peu avant de rejoindre l’armée. Il aurait par ailleurs écopé d’un rappel à la loi après avoir participé à l’agression de militants anarchistes.
L’enquête du site présente ainsi le cas d’une douzaine de militaires qui ont posté des photos du genre, affichant publiquement en ligne leur idéologie néo-nazie. Aucun d’entre eux n’a depuis été démis de ses fonctions – seuls deux l’ont quitté volontairement – alors que le Code de la défense avance qu’un contrat doit être résilié si le comportement d’un militaire est « devenu incompatible avec l’exercice de ses fonctions eu égard à la menace grave qu’il fait peser sur la sécurité
publique ».
Interrogé, le Centre national des habilitations de défense explique que « par construction, nous n’avons pas les moyens de suivre les publications de nos
140 000 personnels lorsqu’ils s’expriment sur internet. Tous ne font pas état de leur qualité de militaire dans leurs publications ou s’expriment sous une autre identité. […] Une minorité de soldats s’expriment via leurs comptes personnels sur les réseaux sociaux ou sur des sites extrémistes sans que l’armée de Terre puisse le détecter. »
« L’armée de terre lutte contre tous les types de radicalismes », assure néanmoins le ministère. « Elle conduit des actions de sensibilisation dès l’incorporation puis reste attentive à tout comportement déviant. Tout cas démontré fait l’objet d’une procédure disciplinaire débouchant sur une sanction immédiate et forte. »
En juin 2019, la Commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur la lutte contre les groupuscules d’extrême droite en France avait placé au premier rang de ses 32 recommandations le « suivi des membres ou anciens membres des forces armées ou de sécurité intérieure impliqués dans des groupes d’ultra-droite », rappelle Mediapart.
Les mouvements d’extrême droite cherche en effet à recruter au sein de l’armée et des forces de sécurité. En mai dernier, un ancien militaire de 36 ans et ancien gilet jaune soupçonné d’un projet d’attaque contre la communauté juive avait été arrêté à Limoges par la DGSI.
En 2017, la sous-direction antiterroriste (SDAT) et la DGSI avaient démantelé une cellule qui projetait des actions terroristes à laquelle appartenait un élève de l’école de formation des sous-officiers de l’armée de l’air.
Si les autorités françaises ne révèlent pas de chiffres à ce sujet, en Allemagne, 592 soldats ont été identifiés comme étant d’extrême droite en 2019, et la Bundeswehr n’hésite pas à faire le tri. La deuxième compagnie des KSK, considérée comme celle dans laquelle les dérapages d’extrême droite ont été les plus importants, a ainsi été récemment dissoute.