Élisabeth Borne reproche à Dominique De Villepin sa posture sur le conflit à Gaza
Les deux anciens Premiers ministres ont haussé le ton samedi soir sur France 2, alors qu'Élisabeth Borne reproche à l'ancien Premier ministre devenu ardent critique d'Israël de ne proposer que des « solutions magiques » déconnectées de la réalité
Deux anciens Premiers ministres français ont eu l’occasion de confronter leurs points de vue sur la guerre en cours entre Israël et le Hamas à Gaza, suscitant des tensions propres à un sujet particulièrement sensible.
Samedi soir, sur le plateau de « Quelle époque », Dominique De Villepin, Premier ministre de Jacques Chirac de 2005 à 2007, était invité pour parler d’une tribune qu’il a signé pour demander un cessez-le-feu à Gaza.
Était également présente sur le plateau à ce moment-là Élisabeth Borne, ancienne Première ministre d’Emmanuel Macron, qui ne partage pas la vision de son prédécesseur, devenu récemment un ardent critique de la façon dont Israël mène la guerre à Gaza.
Dominique De Villepin a commencé par parler d’un « silence assourdissant » d’une « invisibilité de ce qu’il se passe à Gaza » parce que « les journalistes sont ciblés et assassinés ».
« La particularité de Gaza, c’est qu’elle est assiégée. Et nous devons, à un moment donné, forcer les portes », a-t-il déclaré, appelant à une action plus forte de la part de la diplomatie française pour s’opposer à la guerre à Gaza.
Au sujet des mandats d’arrêts émis par la Cour pénale internationale contre Netanyahu et son ancien ministre de la défense Yoav Gallant, De Villepin estime « qu’on ne peut pas aujourd’hui se défausser de sa responsabilité quand on est Premier ministre d’une démocratie comme Israël »
« Quand on utilise des bombes de 500 kg, de 1 000 kg, sur des habitations, sur des campements, on imagine que ce sont des corps en morceaux qu’on va retrouver, dans lequel il y aura peut-être un demi-terroriste, mais il y aura beaucoup d’enfants et beaucoup de femmes ».
L’ancien Premier ministre déplore par ailleurs la réduction de l’aide humanitaire qui entre à Gaza, dont il reconnaît cependant qu’elle est parfois pillée par le Hamas.
« Oui, le Hamas existe encore. Mais est-ce que le Hamas a encore la capacité de porter atteinte à la sécurité d’Israël ? », a-t-il lancé. « Il ne faut pas se contenter de belles paroles […], de voter des résolutions à l’ONU ».
Il a par ailleurs déclaré : « Je dis à Emmanuel Macron : reconnaissez l’État palestinien avec l’Union européenne ».
« Est-ce que Israël respecte le droit international ? Non. Est-ce que Benjamin Netanyahu respecte le droit humanitaire international ? Non. », a estimé l’ancien Premier ministre avant d’ajouter : « Israël doit comprendre que la justice doit s’appliquer et qu’il faut donc offrir aux Palestiniens une perspective, sans quoi ce conflit deviendra de plus en plus un conflit religieux, […] un conflit entre deux mondes ».
Élisabeth Borne a, quant à elle, tenu à rappeler « l’attaque terroriste et barbare du Hamas du 7 octobre ». C’est cette attaque qui est à l’origine de la guerre en cours à Gaza, puisqu’après que 1 200 personnes ont été tuées et 251 otages ont été pris par les terroristes palestiniens dans le sud d’Israël, l’État hébreu a lancé une offensive contre le Hamas à Gaza.
« On est sur un sujet qui crée des fractures dans notre pays, donc c’est important de donner acte du fait qu’il y a un Etat démocratique qui a été attaqué, et qu’il y a par ailleurs un drame humanitaire effroyable dans la bande de Gaza ».
« La position [française] est de demander un cessez-le-feu, mais de là à dire qu’il y a plus de problème, que le Hamas n’est plus une menace… », a estimé Mme Borne avant d’être interrompue par Dominique De Villepin qui a déclaré : « C’est pas moi qui le dit […] la plupart des chefs militaires et du renseignement [israéliens] ne sont pas sur la ligne de Benjamin Netanyahu ».
« Le Hamas a tendu un piège à Israël et à la communauté internationale. C’est un piège formidable parce qu’il a conduit à l’escalade que nous connaissons », a-t-il poursuivi. « La guerre contre le terrorisme ne règle pas les problèmes d’insécurité et ne conduit pas à la paix ».
« Je comprends qu’Israël garantisse sa sécurité, c’est son droit le plus absolu », a-t-il martelé, insistant cependant sur le fait que « les Palestiniens ce n’est pas le Hamas, le terrorisme du Hamas ce n’est pas un Palestinien terroriste ».
Élisabeth Borne a accusé De Villepin de tomber dans la « politique politicienne ». « Dire que la France n’a pas affirmé très fortement, dès le départ, qu’Israël a le droit de se défendre dans le respect du droit international… », a-t-elle commencé à expliquer avant d’être une nouvelle fois interrompue par De Villepin qui lui a lancé « Arrêtez-vous là. Est-ce qu’il le fait dans le respect du droit international ? ».
Le ton est ensuite monté d’un cran entre les deux responsables politiques, Mme Borne interpellant De Villepin en lui demandant « quelle est votre solution magique ? ».
« Moi, je ne les accepte pas les massacres dans la bande de Gaza, et après ? », a-t-elle affirmé. « Proposons une nouvelle résolution [pour demander un cessez-le-feu au Conseil de sécurité de l’ONU] », a répondu Dominique De Villepin.
Présent également sur le plateau, le réalisateur juif Michel Hazanavicius a réagi aux propos de De Villepin en déclarant : « Je suis très étonné quand je vous entends dire ‘On sait ce qu’il faut faire, c’est très simple’. Je me méfie énormément des gens qui ‘ont la solution’, ce que vous semblez
dire ».
« En France, quand vous dites ‘soupçons de génocide’, il y a quand même le mot ‘génocide’ dedans », a-t-il dit par ailleurs, pour rebondir sur les propos de l’ancien Premier ministre qui faisait écho à la plainte déposée par l’Afrique du Sud contre Israël auprès de la Cour internationale de justice.
« Il est pas innocent ce mot aujourd’hui […] Malgré tout, il implique un signe égal entre des gens qui ont été exterminés de manière programmatique et des gens qui vivent une autre situation, qui est toute aussi émotionnellement forte, mais qui n’est pas la même chose. »
« Ce qui est vrai, c’est que la question de la destruction d’un groupe palestinien pour ce qu’il est […], ça c’est la réalité quotidienne de Gaza », a répondu De Villepin. « Je ne prétends pas avoir la solution, je dis que nous avons des outils et la diplomatie c’est d’arriver à mobiliser sur chaque sujet […] d’apporter des réponses ».