France : Un député accusé de réhabiliter l’auteur antisémite Maurice Barrès
Jean-Louis Thiériot, élu de Seine-et-Marne et historien de formation, a exalté "la place de Maurice Barrès dans l’édification de notre imaginaire national" dans une tribune
Le député Les Républicains (LR) Jean-Louis Thiériot, élu de Seine-et-Marne et historien de formation, a publié cette semaine une tribune dans le Figaro Magazine intitulée « Maurice Barrès, le héraut de l’union sacrée ».
Dans celle-ci, il exalte « la place de Maurice Barrès dans l’édification de notre imaginaire national », sans trop revenir sur son antisémitisme et son antidreyfusisme.
Il regrette aussi que, « exilé dans l’enfer des bibliothèques pour son antidreyfusisme, on ne lit plus guère cet écrivain ‘patriote’ ».
Maurice Barrès, écrivain et député anti-dreyfusard et férocement antisémite, membre de l’Académie française et président de la « Ligue des patriotes », mort il y a un siècle, est une figure de proue du nationalisme et de l’extrême droite française.
« Dreyfus est un traître, je le déduis de sa race », avait-il notamment déclaré, avant de revenir sur ces propos que Jean-Louis Thiériot définit comme « inqualifiables ».
Face à la défense d’Émile Zola apportée à Dreyfus, il écrit : « Qu’est-ce que M. Émile Zola ? Je le regarde à ses racines : cet homme n’est pas un Français […]. Il se prétend bon Français ; je ne fais pas le procès de ses prétentions, ni même de ses intentions. Je reconnais que son dreyfusisme est le produit de sa sincérité. Mais je dis à cette sincérité : il y a une frontière entre vous et moi. Quelle frontière ? Les Alpes. […] Parce que son père et la série de ses ancêtres sont des Vénitiens, Émile Zola pense naturellement comme un Vénitien déraciné. »
« ‘À bas les Juifs !’ sera‑t‑il le titre d’un chapitre particulier de notre histoire intérieure ? La foule eut toujours besoin d’un mot de guerre pour se rallier, elle veut quelque cri de passion », a-t-il aussi écrit.
Certains internautes et élus ont réagi à la publication du texte, le voyant comme une tentative de réhabilitation insupportable.
« Sans aucun problème Le Figaro fait l’éloge d’un antisémite notoire », a dénoncé le député insoumis Thomas Portes, élu de Seine-Saint-Denis, sur X (Twitter). Matthias Tavel, député LFI de Loire-Atlantique a lui évoqué une entreprise « abjecte ».
« Le Figaro fait donc l’apologie d’un antisémite et raciste acharné, antidreyfusard donc traître à la patrie républicaine. Il n’est pas ’exilé’ mais justement condamné par tous les partisans des droits de l’homme », a lui dénoncé Hadrien Clouet, député LFI de Haute-Garonne.
Selon lui, « résumer » la « pensée » de Maurice Barrès en « enracinement, libertés locales, quête d’unité », comme semble le faire Jean-Louis Thiériot, « c’est soit de l’euphémisme inacceptable, soit du révisionnisme antirépublicain ».
« Maurice Barrès était surtout le héraut de l’antisémitisme et du racisme », a dénoncé le maire d’une commune de Bretagne, soulignant le silence de l’état-major du parti d’Éric Ciotti.
https://twitter.com/RonanLoas/status/1690973227932139520
Malgré la polémique, Jean-Louis Thiériot reconnaissait dans son texte que Maurice Barrès avait « largement contribué » à la « mosaïque de haines » du début du 20e siècle, « quand il s’est jeté dans l’arène, pour le pire lors de l’affaire Dreyfus, pour le meilleur quand il parviendra à faire adopter une loi imposant l’entretien des églises de France, malgré la loi de séparation ».
Barrès a été l’un des écrivains les plus influents dans la France de la Belle Époque, et l’un des maîtres à penser de la droite nationaliste durant l’entre-deux-guerres. Il a notamment écrit les trois volumes formant son Roman de l’énergie nationale : Les Déracinés (1897), L’Appel au soldat (1900) et Leurs figures (1902)
Jean-Louis Thiériot, 54 ans, est devenu député mi-juillet 2018. Avocat de profession, il est titulaire d’un diplôme d’études approfondies (DEA) en histoire. Il ferait partie, selon Le Figaro, d’un groupe informel de députés LR œuvrant à un rapprochement avec Emmanuel Macron.