La famille du Palestinien Nizar Banat va porter plainte contre l’AP devant la CPI
Le dossier accuse sept responsables palestiniens d'avoir été à l'origine du meurtre de l'activiste qui était détenu par les forces de l'Autorité palestinienne
La famille du dissident palestinien Nizar Banat, mort en détention en juin 2021, soumettra jeudi à la Cour pénale internationale (CPI) un dossier accusant de hauts responsables palestiniens du « meurtre » de ce critique du président Mahmoud Abbas, a appris l’AFP.
Connu pour ses vidéos postées sur les réseaux sociaux critiquant l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, qu’il accusait de corruption, Nizar Banat, 43 ans, avait été arrêté en juin 2021 par les forces de sécurité palestiniennes puis retrouvé mort quelques heures plus tard.
Un examen post-mortem de sa dépouille avait établi qu’il avait été frappé à la tête, au torse, à la nuque, aux jambes et aux mains. Moins d’une heure s’était écoulée entre son arrestation et le moment de son décès.
« Nous réclamons que justice soit faite pour un homme qui ne faisait rien d’autre que dire la vérité », a expliqué l’avocat de la famille, Hakan Camuz.
« Nous allons soumettre des éléments de preuve secrets et des informations privilégiées destinées uniquement au procureur (de la CPI, Karim Khan, NDLR) et que nous ne pouvons pas dévoiler pour le moment car nous devons donner au bureau du procureur le temps de les examiner », a ajouté l’avocat.
Tout individu ou groupe peut porter plainte devant le tribunal de La Haye, mais la cour n’est pas dans l’obligation de se saisir des dossiers qui lui sont soumis.
Le dossier qui sera présenté devant la CPI accuse sept responsables palestiniens du « meurtre » de ce fervent critique de Mahmoud Abbas.
Le dossier présenté par la famille à la CPI n’accuse toutefois pas directement le chef de longue date de l’Autorité palestinienne.
Un tribunal local avait inculpé 14 membres des forces de sécurité palestiniennes qui ont été libérés sous caution à la mi-2022, ce qui a ulcéré la famille du militant, la déterminant à se présenter devant la Cour pénale internationale.
« Lorsque nous avons vu que ces 14 personnes ont été libérées sans que l’on ne sache trop pourquoi, nous avons compris que le régime de l’Autorité palestinienne, sa police, ses services de sécurité, avaient plus d’autorité que la cour, qu’ils étaient au dessus de la justice », affirme Ghassan Banat, le frère de Nizar, ajoutant que la famille est toujours sous le choc de sa mort.
« C’est pourquoi nous avons décidé de porter la cause dans l’arène internationale (…) et que nous demandons justice à la CPI », dit-il, précisant ne « pas avoir peur » des répercussions de cette démarche soutenue, selon lui, « par la population palestinienne ».
Des responsables palestiniens mis en cause
Il avait déclaré, peu après la mort de son frère, que « nous avons compris que l’Autorité palestinienne, la police et les agents de sécurité ont plus d’autorité que les tribunaux, qu’ils sont au-dessus des tribunaux ».
Dans l’affaire de Nizar Banat, il s’agit de la « première fois » qu’un Palestinien dépose plainte contre d’autres Palestiniens à la CPI, a expliqué Camuz, l’avocat de la famille.
Dans la foulée de la disparition du militant, de rares manifestations, sous les cris de « Abbas dégage » et « Justice pour Nizar », et parfois émaillées de heurts, s’étaient multipliées à Ramallah, siège de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie.
Selon un sondage réalisé l’an dernier par le Centre de recherche palestinien sur la politique et les sondages (PCPSR), principal sondeur dans les Territoires, 63% des Palestiniens interrogés estiment que la mort de Nizar Banat était une « mesure délibérée ordonnée par les branches politique et sécuritaire » de l’AP.
Le frère du dissident estime de son côté « qu’il a été tué alors qu’il défiait Mahmoud Abbas et qu’il disait la vérité sur la situation réelle de l’Autorité palestinienne ».
Abbas est au pouvoir depuis 2005 et il a annulé, l’année dernière, des élections maintes fois reportées.
Récemment, la chaîne Al Jazeera a aussi soumis un autre dossier au tribunal basé à La Haye, accusant l’armée israélienne d’avoir tué de façon délibérée sa journaliste Shireen Abu Akleh au mois de mai, dans le nord de la Cisjordanie.
Abu Akleh avait été tuée pendant des échanges de coups de feu entre les soldats israéliens et des hommes armés palestiniens, au cours d’un raid militaire lancé à Jénine, dans le cadre d’une offensive antiterroriste israélienne.
L’État juif n’est pas membre de la CPI, affirmant que le tribunal n’a aucune compétence dans ce dossier et il dément avoir intentionnellement donné la mort à Abu Akleh.
Plus largement, la procureure de la cour de La Haye avait fait savoir, l’année dernière, qu’elle avait lancé des investigations sur d’éventuels crimes de guerre commis par toutes les parties en lice pendant la guerre qui avait opposé Israël à Gaza, en 2014, et sur d’autres incidents, comme la mort de manifestants qui avaient été tués par les militaires israéliens pendant un mouvement de protestation dans l’enclave côtière.
Une annonce de la procureure Fatou Bansouda qui avait été saluée par les Palestiniens.