La “vie en suspens” d’Israéliens réfugiés en Grèce depuis les attaques du Hamas
Le nombre exact d'Israéliens arrivés en Grèce est difficile à évaluer mais ils peuvent aisément prolonger leur visa de 90 jours, selon le ministère grec des Affaires étrangères
« Nous sommes partis pour protéger nos enfants, pour qu’ils soient le moins traumatisés possible”. Après l’attaque sanglante du groupe terroriste islamiste palestinien du Hamas le 7 octobre, Michael a choisi de fuir Israël avec sa famille.
Et à l’instar d’autres Israéliens, c’est en Grèce, pays de l’Union européenne de culture méditerranéenne et à moins de deux heures de vol de Tel Aviv, qu’il a trouvé refuge.
La guerre a éclaté, le 7 octobre, après l’assaut meurtrier commis par le Hamas sur le sol israélien – une attaque qui a fait 1 200 morts, des civils en majorité. Les terroristes ont aussi kidnappé au moins 240 personnes qui sont actuellement retenues en captivité dans la bande de Gaza.
Israël a riposté par une campagne militaire dont l’objectif est de renverser le Hamas au pouvoir à Gaza et de libérer les otages, jusqu’à la trêve le 24 novembre.
Il n’a fallu que quelques heures à ce professeur de sciences sociales et à sa femme pour décider de quitter Tel Aviv avec leurs deux enfants, dont un nouveau-né.
“Ce n’est pas normal pour un enfant d’entendre des alarmes et d’aller se cacher dans un abri anti-missile toute une journée », murmure l’universitaire qui dispense désormais ses cours en visio-conférence.
Athènes ? Michael et son épouse n’y étaient jamais venus mais dans l’urgence de fuir, le seul vol disponible est à destination de la capitale grecque. De nombreuses compagnies aériennes européennes ont alors suspendu leurs liaisons avec Israël.
Actes antisémites
Comme la plupart des Israéliens rencontrés à Athènes, le quadragénaire a souhaité garder l’anonymat par peur d’éventuelles agressions alors que le Conseil central des communautés juives de Grèce a fait part de son « inquiétude » après plusieurs actes antisémites dont « des dégâts infligés au magasin d’un juif grec » et du vandalisme contre un mémorial de la Shoah.
Certains redoutent aussi d’être accusés d’avoir quitté le pays alors qu’il traverse l’une des plus terribles crises de son histoire.
Le nombre exact d’Israéliens arrivés en Grèce est difficile à évaluer mais ils peuvent aisément prolonger leur visa de 90 jours, selon le ministère grec des Affaires étrangères.
La Grèce est historiquement proche du monde arabe et sa population est largement acquise à la cause palestinienne. En 1990, elle fut le dernier pays de l’UE à officiellement reconnaître l’existence d’Israël.
Mais depuis les années 2010, Athènes s’est rapproché d’Israël et la Grèce, qui ne compte plus aujourd’hui qu’une communauté juive de 5 000 membres, attire un nombre croissant de touristes israéliens.
Avec 722 549 touristes l’an dernier, les Israéliens figurent dans le top 5 des nationalités ayant visité le pays, notamment Thessalonique, la grande cité du nord surnommée la « Jérusalem des Balkans » avant l’anéantissement de son importante communauté juive par les nazis.
Selon l’association israélienne “Mazi”, (“ensemble” en grec), « une centaine de familles ont demandé de l’aide » depuis le 7 octobre.
L’association a mis en place, avec la communauté juive, une ligne téléphonique d’urgence pour soutenir les nouveaux arrivants, notamment pour le logement.
« Athènes est une des villes européennes où les besoins sont les plus importants”, assure Roy Danino, qui coordonne un programme d’aide psychologique au sein de la communauté israélienne en Europe (ICE).
Car l’ambiance dans la communauté des « exilés » est morose.
Crises de panique
“Notre vie est désormais en suspens. Nous vivons au jour le jour sans savoir quand nous allons rentrer chez nous”, explique Tamar, une écrivaine trentenaire, d’abord hébergée par des amis.
“Certains Israéliens souffrent de problèmes d’anxiété et de crises de panique », renchérit Roy Danino qui évoque également des symptômes de stress post-traumatique.
Tamar rêvait d’ouvrir un journal à Tel Aviv. Mais l’atmosphère pesante dans sa ville, quadrillée par la police, l’a poussée à venir à Athènes où elle a proposé de créer une garderie pour les enfants israéliens.
Les images des massacres perpétrés par le Hamas continuent de hanter Talia B.A., à Athènes depuis plus d’un mois avec ses deux enfants. “Je me sens seule dans un pays étranger, où les autres ne peuvent pas comprendre ma tristesse », lâche cette femme de 47 ans.
« Nous ne sommes pas en vacances ici ! Mes enfants ont vu 30 roquettes au dessus de leur tête. Mon oncle a été assassiné le 7 octobre », poursuit-elle.
Cette art-thérapeute, qui peine à payer son Airbnb loué 1 500 euros par mois, garde espoir et pense que « le changement viendra des femmes ».
“Quand je rentrerai en Israël, je veux (…) parler aux Palestiniennes. Personne d’entre nous ne veut voir ses enfants tués. Nous devons leur apprendre à s’aimer les uns les autres ».
Paradoxalement, alors que certains quittaient le pays, un afflux d’Israéliens est rentré chez eux après le 7 octobre.
Le 25 octobre, la commission de contrôle de l’État de la Knesset a déclaré que plus de 200 000 Israéliens étaient rentrés en Israël depuis le début de la guerre.
Le rapport de la Knesset ne détaillait pas les raisons du retour des Israéliens ni s’ils avaient ensuite rejoint l’effort de guerre.