Israël en guerre - Jour 538

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L’attentat meurtrier de la Nouvelle-Orléans, le signe d’un retour possible de l’État islamique ?

Le groupe terroriste a multiplié par deux le rythme de ses attaques à l'international en 2024 ; l'instabilité géopolitique semble avoir ouvert la voie à un regroupement

Un drapeau de l'État islamique sur le sol, enroulé derrière le pick-up que conduisait Shamsud-Din Jabbar, le projetant dans la foule sur Bourbon Street, à la Nouvelle-Orléans, le 1er janvier 2025. (Crédit : Gerald Herbert/AP)
Un drapeau de l'État islamique sur le sol, enroulé derrière le pick-up que conduisait Shamsud-Din Jabbar, le projetant dans la foule sur Bourbon Street, à la Nouvelle-Orléans, le 1er janvier 2025. (Crédit : Gerald Herbert/AP)

WASHINGTON – Un vétéran de l’armée américaine qui avait attaché un drapeau noir du groupe terroriste sunnite État islamique (EI) sur le pick-up qu’il devait projeter sur la foule qui s’était réunie pour saluer le passage à la nouvelle année, à la Nouvelle-Orléans : voici le tout dernier exemple illustrant la manière dont le groupe extrémiste conserve la capacité d’inspirer des violences, malgré les défaites essuyées, pendant des années, face à la coalition militaire qui était alors placée sous la direction des États-Unis.

À l’apogée de sa puissance – de 2014 à 2017 – le « califat » de l’EI avait semé la mort sur son passage, torturant les communautés qui vivaient sur de vastes territoires de l’Irak et de la Syrie, avec un groupe qui avait essaimé à travers tout tout le Moyen-Orient.

Son chef d’alors, Abu Bakr al-Baghdadi – qui avait été tué en 2019 par les forces spéciales américaines dans le nord-ouest de la Syrie – était sorti de l’ombre pour diriger cet impitoyable groupe, se proclamant « calife » de tous les musulmans.

Mais ce califat s’était effondré en 2017 en Irak – où il disposait d’une base située à 30 minutes de route de Bagdad. Il s’était écroulé en 2019 en Syrie, après une campagne militaire soutenue qui avait été menée par une coalition dirigée par les États-Unis.

L’État islamique s’était ensuite dispersé en cellules autonomes. Son leadership est dorénavant clandestin et il est difficile d’estimer aujourd’hui ce que représente réellement ce groupe. Selon les Nations unies, ce groupe terroriste serait constitué de 10 000 personnes dans ses zones de prédilection.

La coalition dirigée par les États-Unis – qui compte environ 4 000 soldats américains en Syrie et en Irak – a continué ses frappes aériennes contre les terroristes, menant également des raids qui, selon l’armée américaine, ont permis de tuer et de capturer des centaines d’hommes armés et de chefs du groupe terroriste.

Un combattant de l’EI tirant avec son arme lors d’affrontements avec les combattants des Forces démocratiques syriennes (FDS) soutenues par les États-Unis, à Baghouz, en Syrie, le 18 mars 2019. (Crédit : Aamaq News Agency via AP, File)

Pourtant, l’EI a réussi quelques grandes opérations tout en s’efforçant de se reconstruire et le groupe continue d’être une source d’inspiration pour certains loups solitaires – comme cela a été le cas de l’attaque de la Nouvelle-Orléans, qui a fait 14 morts.

Parmi ces attentats, celui qui avait été perpétré par des terroristes dans une salle de spectacle, en Russie, et qui avait eu lieu au mois de mars 2024 – elle avait fait au moins 143 morts. Ou les deux explosions qui avaient visé une cérémonie officielle qui était organisée dans la ville iranienne de Kerman en janvier 2024, une attaque qui avait tué près de 100 personnes.

Malgré les pressions exercées par les forces antiterroristes, l’EI est parvenu à se reconstituer, « à relancer ses opérations médiatiques et il a recommencé à ourdir de nouveaux complots », a averti au mois d’octobre Brett Holmgren, le directeur américain par intérim du Centre national de lutte contre le terrorisme.

Des facteurs géopolitiques l’ont aidé. La guerre d’Israël contre le groupe terroriste palestinien du Hamas à Gaza a provoqué une colère généralisée que les jihadistes utilisent pour recruter. Les risques encourus par les Kurdes syriens qui détiennent des milliers de prisonniers de l’EI pourraient également fournir une ouverture au groupe.

L’État islamique n’a pas revendiqué l’attentat de la Nouvelle-Orléans et il ne l’a pas salué sur ses réseaux sociaux – mais ses partisans l’ont fait, ont indiqué les services de police américains.

Un haut responsable de la Défense américaine, s’exprimant sous couvert d’anonymat, déclare que la perspective de voir l’EI intensifier ses initiatives de recrutement et resurgir en Syrie suscite des inquiétudes croissantes.

Des véhicules des services d’urgence à l’extérieur de la salle de concert Crocus City Hall en feu après la fusillade à Krasnogorsk, près de Moscou, le 22 mars 2024. (Crédit : Stringer/AFP)

Des inquiétudes qui se sont renforcées après la chute du dictateur syrien Bashar el-Assad au mois de décembre, avec la possibilité offerte au groupe terroriste de combler le vide.

Des « aubes apparemment prometteuses »

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a prévenu que l’État islamique tenterait de profiter de cette période d’incertitude pour rétablir ses capacités en Syrie, mais il a noté que les États-Unis étaient bien déterminés à ne pas laisser cela se produire.

« L’Histoire montre à quel point des aubes apparemment prometteuses peuvent rapidement dégénérer en conflits, en violences », a-t-il affirmé.

Une équipe des Nations unies, chargée de surveiller les activités de l’EI, a signalé au Conseil de sécurité de l’ONU, au mois de juillet, un « risque de résurgence » du groupe au Moyen-Orient et des préoccupations accrues s’agissant des capacités de sa branche afghane, l’État islamique au Khorassan, à organiser des attaques en dehors du pays.

Les gouvernements européens considèrent l’EI au Khorassan comme « la plus grande menace terroriste extérieure pour l’Europe ».

« En plus des attentats exécutés, le nombre de complots déjoués ou suivis à travers la République islamique d’Iran, le Levant, l’Asie, l’Europe et potentiellement jusqu’à l’Amérique du Nord est frappant », a déclaré l’équipe de l’ONU.

Jim Jeffrey, ancien ambassadeur des États-Unis en Irak et en Turquie et envoyé spécial auprès de la Coalition mondiale de lutte contre l’EI, a noté que le groupe terroriste cherchait depuis longtemps à inspirer des attaques comme celle de la Nouvelle-Orléans, qui sont le fait de loups solitaires.

La menace reste toutefois essentiellement celle posée par l’EI au Khorassan – qui veut commettre des attentats de grande envergure, susceptibles d’entraîner de nombreuses victimes, comme ceux qui avaient eu lieu à Moscou et en Iran, ainsi qu’en Europe en 2015 et 2016, a-t-il ajouté.

L’EI a également continué à se focaliser sur l’Afrique.

Cette semaine, 12 terroristes de l’État islamique qui ont utilisé des véhicules piégés ont, semble-t-il, attaqué une base militaire dans la région du Puntland, dans le nord-est de la Somalie, mardi. 22 soldats ont été tués lors de cet attentat qui a également fait des dizaines de blessés.

Une attaque qui a été qualifiée de « coup de l’année » et un attentat complexe, le premier en son genre.

Selon les analystes de la sécurité, l’EI en Somalie s’est renforcé grâce à l’arrivée de combattants étrangers et grâce à l’augmentation des revenus tirés de l’argent soutiré de force aux entreprises locales – ce qui lui a permis de devenir le « centre névralgique » du groupe en Afrique.

La voie de la radicalisation

Shamsud-Din Jabbar, 42 ans, originaire du Texas et vétéran de l’armée américaine qui avait servi en Afghanistan, a agi seul lors de l’attaque de la Nouvelle-Orléans, a déclaré le FBI jeudi.

Cette photo d’identité non datée fournie par le FBI le mercredi 1er janvier 2025 montre Shamsud-Din Bahar Jabbar, mort après avoir tué 14 personnes qui célébraient le Nouvel An sur Bourbon Street, à la Nouvelle-Orléans. (Crédit : FBI via AP)

Jabbar semble avoir fait des enregistrements où il condamne la musique, les drogues et l’alcool – faisant écho au programme de l’EI.

Les enquêteurs se sont penchés sur le « parcours de radicalisation » de Jabbar, incertains de la façon dont l’homme est passé d’un statut de vétéran militaire, ancien agent immobilier et ancien employé de la grande société de conseil et de fiscalité Deloitte à celui d’un extrémiste « inspiré à 100 % par l’EI ».

Ces derniers mois, les responsables américains du renseignement et de la sécurité intérieure avaient mis en garde les forces de l’ordre locales contre la possibilité que des groupes extrémistes étrangers, tels que l’EI, prennent pour cible de grands rassemblements publics, notamment en se livrant à des attaques à la voiture-bélier, selon des bulletins de renseignement examinés par Reuters.

Le Commandement central des États-Unis (CENTCOM) avait déclaré publiquement, au mois de juin, que que l’EI tentait de « se reconstituer après plusieurs années de diminution de ses capacités ».

Le CENTCOM avait indiqué qu’il avait basé son évaluation sur les affirmations de que l’EI concernant l’organisation de 153 attaques en Irak et en Syrie au cours du premier semestre 2024 – un taux qui rendait le groupe « en mesure de multiplier par deux, voire plus, le nombre d’attentats » qui avaient été revendiqués l’année précédente.

H.A Hellyer, expert en études sur le Moyen-Orient et chercheur au sein du Royal United Services Institute for Defence and Security, a estimé, de son côté, qu’il était peu probable que l’EI gagne à nouveau des territoires considérables.

Selon lui, l’EI et d’autres acteurs non-étatiques continuent de représenter un danger – mais davantage en raison de leur capacité à déclencher des « actes de violence aléatoires » qu’en tant qu’entité territoriale.

« Pas en Syrie ou en Irak, mais il y a d’autres endroits en Afrique où un contrôle territorial limité pourrait être possible pendant un certain temps », a expliqué Hellyer, « mais je ne vois pas cela comme probable, je ne considère pas cela comme annonçant un retour réel ».

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