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Un nouveau livre révèle la singularité des juges juifs de la Cour suprême américaine

Les 8 juges juifs qui ont changé la Cour suprême des États-Unis

Le nouveau livre de l'auteur David Dalin explore la vie de ces membres pionniers qui ont contribué à former la plus haute Cour du pays

Les huit juges juifs de la Cour suprême, dans le sens des aiguilles d'une montre, en partant d'en haut à gauche: Ruth Bader Ginsburg; Stephen Breyer; Abe Fortas; Louis Brandeis; Benjamin Cardozo; Felix Frankfurter; Arthur Goldberg; Elena Kagan. (Crédit : Photos de Ginsburg, Breyer et Kagan par Steve Petteway, les autres sont de Harris & Ewing / toutes sont issus de la Collection de la Cour suprême des États-Unis)
Les huit juges juifs de la Cour suprême, dans le sens des aiguilles d'une montre, en partant d'en haut à gauche: Ruth Bader Ginsburg; Stephen Breyer; Abe Fortas; Louis Brandeis; Benjamin Cardozo; Felix Frankfurter; Arthur Goldberg; Elena Kagan. (Crédit : Photos de Ginsburg, Breyer et Kagan par Steve Petteway, les autres sont de Harris & Ewing / toutes sont issus de la Collection de la Cour suprême des États-Unis)

Pour les 113 juges qui ont exercé au sein du plus haut tribunal des États-Unis, on peut réclamer aussi l’adhésion à un autre club – celui d’une tribu bien particulière. Aujourd’hui, un nouveau livre raconte leur histoire collective.

Dans « Juifs de la Cour suprême: De Brandeis à Kagan, Leurs vies et leurs héritages », David Dalin livre un portrait sans précédent de huit superstars de la loi. Ils sont, dans l’ordre chronologique : Louis Brandeis, Benjamin Cardozo, Felix Frankfurter, Arthur Goldberg, Abe Fortas, Ruth Bader Ginsburg, Stephen Breyer et Elena Kagan.

Certains sont bien connus : le pionnier Brandeis à travers son université homonyme. Cardozo avec son école de droit éponyme à l’Université de la Yeshiva. Et Ginsburg, connue pour avoir été la première femme juive juge du tribunal. Mais un livre sur les huit n’avait jamais été écrit. C’est une première.

« Il y a eu plusieurs biographies de Brandeis, Cardozo, Felix Frankfurter, même d’Abe Fortas », rapporte Dalin, rabbin et historien lui-même diplômé de Brandeis. « Mais il n’y a jamais eu un livre sur les trois juges juifs – Ruth Bader Ginsburg, Stephen Breyer et Elena Kagan – en place maintenant ».

Le livre de 350 pages, publié par Brandeis University Press, évoque la carrière de ces juges à la lumière de leur judaïsme.

« Il y a de très bonnes histoires dans le livre, qui humanisent les juges et leurs origines juives, et qui ne sont pas inclues dans la plupart des livres écrits à leur sujet », a déclaré Dalin.

Photographie de groupe avec les juges portant des robes. Assis à la première rangée, à gauche, Louis Dembitz Brandeis;.Debout, sur la derrière la rangée, tout à droite Benjamin Nathan Cardozo (Crédit : Harris & Ewing / Collections historiques et spéciales, Harvard Law School Library)
Photographie de groupe avec les juges portant des robes. Assis à la première rangée, à gauche, Louis Dembitz Brandeis;.Debout, sur la derrière la rangée, tout à droite Benjamin Nathan Cardozo (Crédit : Harris & Ewing / Collections historiques et spéciales, Harvard Law School Library)

Un précédent historique

L’histoire des Juifs de la Cour suprême commence en janvier 1916, lorsque le président démocrate Woodrow Wilson accorde la nomination historique de Brandeis. Mais les audiences de confirmation du Sénat durent quatre mois.

« C’était l’une des deux plus controversées (audiences de confirmation du Sénat) dans l’histoire américaine », a précisé Dalin.

Il a décrit une grande partie de l’opposition comme antisémite – y compris celle du président de Harvard, A. Lawrence Lowell, qui a ensuite encouragé des quotas pour les étudiants juifs. Cependant, il y en avait d’autres, dont l’hostilité n’était pas antisémite. Par exemple, l’ancien président et futur juge en chef, William Howard Taft, s’est opposé à Brandeis non par antisémitisme, mais parce qu’il considérait Brandeis comme socialiste, selon Dalin.

L'ancien juge de la Cour suprême, Louis Brandeis (Crédit : Domaine public)
L’ancien juge de la Cour suprême, Louis Brandeis (Crédit : Domaine public)

Brandeis a finalement été nommé, inaugurant le premier « siège juif » de la Cour, signe que les Juifs pouvaient surmonter l’antisémitisme qui, selon Dalin, a constitué un obstacle à la profession juridique pendant une grande partie du 20e siècle.

Brandeis – un réformateur progressiste surnommé « Le procureur du peuple » – créa un précédent, et d’autres juges juifs suivirent.

« Les huit juges étaient essentiellement des libéraux, selon notre point de vue contemporain », rapporte Dalin. « Très démocrates libéraux à gauche ou au moins libéraux. Sept des huit ont été nommés par des présidents démocrates. »

L’exception était Cardozo, qui a rejoint Brandeis comme deuxième juge juif de la Cour après avoir été nommé par le républicain Herbert Hoover, en 1932.

« La présidence de Hoover ne fut pas l’une des plus grandes, mais la plupart des historiens et des biographes disent qu’il ne s’est pas trompé en nommant Benjamin Cardozo », a déclaré Dalin.

La même année, Hoover s’incline face au démocrate Franklin Delano Roosevelt, passant à côté de sa réelection. Après Cardozo décédé en 1938, FDR nomma Frankfurter en 1939. Frankfurter et Brandeis ont pu se réunir brièvement avant que ce dernier ne se retire.

« Felix Frankfurter était perçu comme un démocrate très libéral de gauche », précise Dalin. « Il a été un champion de toutes les causes libérales. » Mais, reprend l’auteur, « il est progressivement devenu de plus en plus conservateur durant ses 23 ans de service. Quand il a pris sa retraite en 1962, il était le membre le plus conservateur de la Cour Suprême. »

Felix Frankfurter avec le juge de la Cour suprême Earl Warren, qui a participé à la conférence sur le « Gouvernement sous la loi » qui a eu lieu au Harvard Law School à l'occasion du bicentenaire de la naissance de John Marshall en septembre 1955 (Crédit : Collections historiques et spéciales, Harvard Law School Library)
Felix Frankfurter avec le juge de la Cour suprême Earl Warren, qui a participé à la conférence sur le « Gouvernement sous la loi » ayant eu lieu au Harvard Law School à l’occasion du bicentenaire de la naissance de John Marshall en septembre 1955 (Crédit : Collections historiques et spéciales, Harvard Law School Library)

Les successeurs juifs de Frankfurter ont généralement suivi des voies plus libérales. Dalin écrit que Goldberg a ouvert la voie à la décision du tribunal de 1972 de juger la peine de mort inconstitutionnelle, tandis que Fortas a contribué au développement des droits Miranda.

Et en 2009, en tant que solliciteur général, Kagan soutient le mémoire de l’administration Obama pour le « Citizens United ». La Commission électorale fédérale demandait alors au tribunal de s’opposer à ce que les sociétés consacrent des fonds illimités aux campagnes politiques. Bien qu’elle ait perdu l’affaire, les futurs collègues Ginsburg et Breyer avaient soutenu sa position.

Un trio imposant

« Le juge Brandeis, le juge Cardozo et le juge Frankfurter étaient sans doute les trois plus importants des huit juges juifs qui aient servi à ce jour », a déclaré John Vile, professeur de science politique à l’Université de l’Etat du Tennessee, dans un courriel.

Les juges Oliver Wendell Holmes, Jr., à gauche, et Louis Brandeis marchant bras dessous bras, vers 1928 (Crédit : L.C. Handy Studios / Historical & Collections spéciales, Harvard Law School Library)
Les juges Oliver Wendell Holmes, Jr., à gauche, et Louis Brandeis marchant bras dessous bras, vers 1928 (Crédit : L.C. Handy Studios / Historical & Collections spéciales, Harvard Law School Library)

« [Brandeis] était connu avant même d’être nommé devant le tribunal, pour avoir développé le « Brandeis Brief », qui a rassemblé des données sociales et économiques pour examen par le tribunal. Le juge Cardozo était l’un des plus grands écrivains du tribunal et a été soutenu par les républicains et les démocrates. En dépit de sa réputation antérieure en tant que libéral, Frankfurter était l’un des partisans les plus fervents de la retenue judiciaire », écrit Vile.

Pour les juges juifs contemporains, Vile précise : « la juge Ginsburg n’est, bien sûr, que la deuxième femme à avoir servi devant la cour. (La première était Sandra Day O’Connor, qui a servi avec Ginsburg jusqu’à ce qu’O’Connor se retire en 2006.) Le juge Breyer a tracé une voie relativement indépendante à la cour, et la juge Kagan était bien connue pour ses plaidoyers avant d’être nommée. »

Le livre de Dalin traite des aspects controversés de certains des juges. Goldberg a démissionné sans doute en 1965 pour devenir l’ambassadeur du président Lyndon Johnson à l’ONU (il a aidé à négocier la fin de la guerre des Six jours). Johnson a nommé son confident Fortas au siège et l’a nommé pour être président de la Cour en 1968. Il aurait été le premier Juif dans cette position.

Mais la quête de revenus supplémentaires de Fortas au-delà de son salaire de juge, y compris ses liens avec le financier condamné Louis Wolfson, a terni sa nomination et, en 1969, a conduit à sa démission du tribunal, après 53 ans passés au sein de la Cour. Il faudra attendre 1993, avec la nomination de Ginsburg, pour voir un nouveau juge juif entrer à la Cour.

De même que Dalin relate le mandat de chaque juge, il analyse également leur relation avec le judaïsme.

Arthur Goldberg en train de prêter serment pour devenir ambassadeur des États-Unis aux Nations unies en 1965 (Crédit : Domaine public)
Arthur Goldberg en train de prêter serment pour devenir ambassadeur des États-Unis aux Nations unies en 1965 (Crédit : Domaine public)

Parfois, cette relation était complexe. Brandeis, que FDR a appelé « Vieux Isaïe », était connaisseur des jambons de son Kentucky natal et était celui qui avait « un fond juif » moindre comparé aux autres, a déclaré Dalin.

D’autres étaient plus traditionnels : ainsi, la recette familiale de Goldberg pour la harroset, un aliment de base de la Pâque juive, était écrite sur l’en-tête de la Cour suprême dans l’une des 38 photos du livre. D’autres encore ont trouvé de nouvelles façons de pratiquer leur religion, y compris Kagan, qui a insisté pour être la première jeune fille bat-mitsva orthodoxe à la Synagogue de Lincoln Square de New York – lors d’un service donné par l’actuel rabbin d’Efrat, Shlomo Riskin.

Dalin a abordé d’autres questions concernant Brandeis et Frankfurter.

« Brandeis a contribué à persuader Woodrow Wilson et l’administration de soutenir la Déclaration de Balfour », a déclaré Dalin. « Brandeis, à plusieurs reprises, envisage sérieusement sa démission de la Cour pour se consacrer aux activités sionistes ».

Au lieu de cela, Dalin précise : « il a beaucoup œuvré dans l’ombre pour le mouvement sioniste », y compris en envoyant son ami Frankfurter, alors professeur à Harvard, à la conférence de paix de Versailles en tant que conseiller juridique de la délégation sioniste.

Une génération plus tard, Frankfurter ne réussira pas à encourager l’administration Roosevelt à intervenir contre les nazis et la Shoah.

L’oncle aimé (de Frankfurter) octogénaire a été arrêté en Autriche par les nazis », note Dalin. « Il n’a pas insisté auprès de Roosevelt au nom de son oncle ». (Bien qu’il ait fait pression sur la sympathisante nazie Lady Nancy Astor, qui est intervenue avec succès, précise Dalin dans le livre.)

Portrait informel de Felix Frankfurter portant un costume et une cravate, dans sa chambre au Harvard Law School (Crédit : Collections historiques et spéciales, Harvard Law School Library)
Portrait informel de Felix Frankfurter portant un costume et une cravate, dans sa chambre au Harvard Law School (Crédit : Collections historiques et spéciales, Harvard Law School Library)

De plus, Frankfurter n’a pas demandé à son ami et voisin, le secrétaire-adjoint de la guerre John McCloy, de soutenir une proposition de 1944 visant à bombarder le camp de la mort d’Auschwitz ou les chemins de fer menant au camp. Dalin a déclaré que la proposition – McCloy y avait opposé son veto – aurait sauvé les Juifs hongrois qui avaient été envoyés à Auschwitz à partir du printemps de cette même année.

« Felix Frankfurter n’a jamais fait pression ou parlé à McCloy ou (au secrétaire de guerre Henry Stimson) un de ses mentors », a déclaré Dalin. « Cette position a été certainement critiquée ».

Dalin a également noté que bien que Brandeis ait initié l’embauche régulière de greffiers juifs, Frankfurter a refusé de créer un autre précédent.

La juge Elena Kagan de la Cour suprême des États-Unis (Crédit : Capture d'écran Youtube)
La juge Elena Kagan de la Cour suprême des États-Unis (Crédit : Capture d’écran Youtube)

À la fin des années 1950, précise Dalin, « Les employés juridiques de Frankfurter lui étaient recommandés par Albert Sacks, un professeur de droit juif à Harvard, qui devint plus tard le premier doyen juif de la Harvard Law School. Celui-ci a recommandé une brillante étudiante, l’une de ses élèves les plus douées, à Frankfurter : il s’agissait de Ruth Bader Ginsburg. Frankfurter a refusé de la rencontrer et de s’entretenir avec elle. Il campait sur ses positions et ne pouvait pas imaginer une femme occuper la fonction de greffier.

« Il avait nommé tant de greffiers juifs. Il a franchi une étape lorsqu’il a nommé le premier greffier afro-américain. Il ne nommerait pas cependant une femme comme commis de loi », poursuit Dalin.

Une part dans le progrès national

Les temps sont différents aujourd’hui.

« Les juges juifs ont certainement été très influents à la Cour, et le tribunal actuel compte plus de juges juifs que toutes les précédentes instances », précise Vile.

Il reprend : « Il est intéressant de noter que deux des quatre femmes nommées à la Cour suprême des États-Unis sont juives ».

Il a mis en garde contre un panel trop large de membres issus d’un même groupe.

« Je n’affirme certainement pas que l’auteur l’ait fait, mais je suis toujours un peu inquiet de voir les juges considérés selon qu’ils soient catholiques, juifs, femmes, Latino, démocrates, républicains, etc. » a-t-il noté, précisant qu’il existait des «nombreuses variétés» de Juifs tout comme des personnes issues d’autres communautés, et ajoutant que les membres d’un même groupe pouvaient différer, comme des femmes de loi telles qu’ O’Connor et Ginsburg.

Ce qui est devenu clair, cependant, c’est que la Cour est devenue accueillante pour tous.

« Heureusement, nous avons passé ces jours où le public pouvait s’opposer à la nomination d’un juge en raison de son origine religieuse ou ethnique ou quand un juge (James McReynolds) pouvait décliner une invitation à une cérémonie à cause de la présence d’un Juif (Justice Brandeis), écrit Vile.

La juge de la Cour suprême des États-Unis Ruth Bader Ginsburg (à gauche) sur scène au National Opera de Washington jouant la pièce « The Daughter of the Regiment », le 12 novembre 2016 (Crédit : Capture d'écran YouTube)
La juge de la Cour suprême des États-Unis Ruth Bader Ginsburg (à gauche) sur scène au National Opera de Washington jouant la pièce « The Daughter of the Regiment », le 12 novembre 2016 (Crédit : Capture d’écran YouTube)

Brandeis a finalement fait la paix avec son ancien adversaire Taft. Et Dalin a commenté l’amitié plus récente de Ginsburg avec le défunt conservateur, le juge Antonin Scalia. Une amitié illustrée à travers un duo d’amour à l’opéra, ou la juge va même jusqu’à porter une perruque poudrée et un vêtement du XVIIIe siècle pour apparaître dans une scène de la pièce de Strauss.

Le livre aurait peut-être nécessité une actualisation si le candidat favori du président Barack Obama, Merrick Garland, avait été nommé.

Dans ses pages, Dalin spécule sur ce qui pourrait arriver si Ginsburg et Breyer se retiraient. (« The Notorious RBG » – dont le régime de condition physique fait l’objet d’un autre nouveau livre, « The RBG Workout », porté à l’écran prochainement avec l’actrice juive Natalie Portman – est sur la bonne voie pour détrôner le record de Brandeis du plus long mandat assuré par un juge juif.)

Bien que l’avenir soit incertain, les réalisations passées et présentes des juges juifs ont contribué à assurer le climat de tolérance actuel à la Cour suprême.

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