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Les Juifs orthodoxes de New York, entre crise du coronavirus et antisémitisme

Les communautés de New York sont durement touchées par le Covid-19, mais pour les dirigeants le message pour préserver la sécurité publique est désormais entendu

  • Un employé portant un équipement de protection individuelle lave un bus scolaire qui dessert une communauté juive ultra-orthodoxe dans le quartier de Brooklyn à New York, le 27 mars 2020. (AP Photo/John Minchillo)
    Un employé portant un équipement de protection individuelle lave un bus scolaire qui dessert une communauté juive ultra-orthodoxe dans le quartier de Brooklyn à New York, le 27 mars 2020. (AP Photo/John Minchillo)
  • Un homme portant un masque traverse le milieu de la 5e Avenue de New York, le 29 mars 2020. (AP Photo/Mary Altaffer)
    Un homme portant un masque traverse le milieu de la 5e Avenue de New York, le 29 mars 2020. (AP Photo/Mary Altaffer)
  • Sur cette photo du 19 mars 2020, Alice Rosenberg, survivante de la Shoah, parle à Freida Rothman, une bénévole qui livre des repas, depuis son balcon à Brooklyn, New York. (AP Photo/Jessie Wardarski)
    Sur cette photo du 19 mars 2020, Alice Rosenberg, survivante de la Shoah, parle à Freida Rothman, une bénévole qui livre des repas, depuis son balcon à Brooklyn, New York. (AP Photo/Jessie Wardarski)
  • Des Juifs orthodoxes appliquent la directive de "distanciation sociale" lors d'une prière aux abords du siège mondial du mouvement Habad Loubavitch à Brooklyn, à New York, le 20 mars 2020. (Crédit : AP Photo/Mark Lennihan)
    Des Juifs orthodoxes appliquent la directive de "distanciation sociale" lors d'une prière aux abords du siège mondial du mouvement Habad Loubavitch à Brooklyn, à New York, le 20 mars 2020. (Crédit : AP Photo/Mark Lennihan)

NEW YORK – Naviguant à travers les villes voisines de Spring Valley et Monsey, dans l’État de New York, Rivkie Feiner, avocate de la communauté ultra-orthodoxe, a raconté son expédition par téléphone au Times of Israel, en soulignant les rues vides de ces villes. Pour elle, c’est une preuve certaine que les citoyens pratiquent la distanciation sociale dans le comté très ultra-orthodoxe de Rockland.

« C’est une ville fantôme », a-t-elle rapporté au Times of Israel. « La synagogue a été fermée, l’école a été fermée. Les magasins, le magasin de chaussures, les épiceries. C’est comme si c’était Shabbat tout le temps. C’est très inquiétant, très effrayant. Tout devrait être animé et trépidant ».

Le comté de Rockland abrite environ 90 000 Juifs haredim – ou ultra-orthodoxes – dont beaucoup sont des Hassidim. Situé à environ une heure de route de la ville de New York, « le comté a la plus grande population juive par habitant de tous les comtés américains, avec 31,4 %… de Juifs », selon le site officiel de l’État de New York.

En conduisant, Mme Feiner a parlé de l’impact de la pandémie de coronavirus sur sa ville natale de Monsey et sur les communautés ultra-orthodoxes de tout l’État.

Avec plus de 66 000 cas et 1 342 décès signalés au moment où nous écrivons ces lignes, l’État de New York est désormais considéré comme l’épicentre du coronavirus aux États-Unis. Comme il se propage dans tout l’État, le virus a frappé particulièrement durement les communautés religieuses ; au 30 mars, le comté de Rockland avait fait état de plus de 2 500 cas.

Après l’apparition de plusieurs reportages sur de grands rassemblements ultra-orthodoxes malgré des directives strictes de distanciation sociale, ainsi que des rapports sur des concentrations de coronavirus dans des endroits tels que le quartier de Borough Park à Brooklyn, qui a signalé près de 300 cas la semaine dernière, les communautés ont fait l’objet d’une surveillance accrue et ont été accusées de propager le virus.

Dans le New Jersey, un pompier du comté d’Ocean a publié sur les réseaux sociaux des messages qualifiant les Juifs de « déchets » et de « sales » et souhaité que la ville ultra-orthodoxe de Lakewood soit transformée en « un trou dans le sol ». Un concessionnaire Toyota du comté de Rockland a accusé un Juif visiblement orthodoxe de propager le virus et a refusé de le servir. Dans un autre incident distinct, un homme de Lakewood a été arrêté pour avoir proféré des menaces terroristes à l’encontre de résidents juifs.

Rivkie Feiner (à droite), une militante du comté de Rockland, New York, avec la députée Amy Paulin lors d’une mission Agudath Israel of America en Albanie en février 2020. (Autorisation)

Mais les histoires et les vidéos de grands rassemblements ultra-orthodoxes ne révèlent pas tout, ont précisé plusieurs membres et chefs de communautés religieuses. Ils ont affirmé que les informations sur la pandémie sont correctement diffusées et que la majorité des gens suivent les directives.

« Au début, il y avait beaucoup de confusion sur ce qu’il fallait faire, mais les gens ont compris le message. Il y a plus de gens qui ont WhatsApp et Twitter que vous ne le pensez », indique Mme Feiner, faisant référence au fait que l’utilisation d’Internet est souvent surveillée ou évitée dans les communautés pieuses.

« Il y a aussi des appels automatisés et des gens qui envoient des textos », révèle Mme Feiner. Parmi les canaux médiatiques vers lesquels la communauté se tourne, on trouve Agudath Israel et Yeshiva World News, a-t-elle indiqué.

« Et, c’est triste à dire, mais le nombre de décès a également fait passer le message », ajoute-t-elle. « Tout le monde connaît quelqu’un qui est malade ».

Des Juifs orthodoxes appliquent la directive de « distanciation sociale » lors d’une prière aux abords du siège mondial du mouvement Habad Loubavitch à Brooklyn, à New York, le 20 mars 2020. (Crédit : AP Photo/Mark Lennihan)

Messages en continu

Les rues étant vides, il semble que le message appelant à rester chez soi ait fait son effet – pour la plupart. Il y a encore des incidents où les gens ne respectent pas la distanciation sociale.

Le 30 mars, Josef Neumann, décédé des suites de ses blessures lors d’une attaque antisémite à l’arme blanche perpétrée à Monsey en décembre dernier, a été enterré au cimetière Viznitz, à Spring Valley. Alors que de nombreux endeuillés se tenaient éloignés et pratiquaient la distanciation sociale, des dizaines d’hommes ont été filmés debout, épaule contre épaule, près de son cercueil.

La communauté hassidique Satmar résidant à Kiryas Joel, située à 90 km au nord de la ville de New York, a également été lente à mettre en œuvre les directives de l’État en matière de distanciation sociale. Ce n’est que la semaine dernière que ses dirigeants ont fermé toutes les écoles, les synagogues et les mikvés, ou bains rituels.

Des organisations telles qu’Agudath Israel of America, une organisation de tutelle juive orthodoxe qui défend les droits religieux et civils, continuent à répéter que les gens doivent adopter des règles sanitaires, a déclaré Leah Zagelbaum, vice-présidente d’Agudath Israel pour les affaires médiatiques.

https://twitter.com/LeahZagelbaum/status/1241012376700424194?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1241012376700424194&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.timesofisrael.com%2Fin-the-eye-of-nys-coronavirus-storm-ultra-orthodox-face-rising-anti-semitism%2F

L’organisation a amplifié les messages d’intérêt public sur les réseaux sociaux, notamment ceux du chef d’Agudath Israel, le rabbin Yaakov Perlow, également connu sous le nom de Novominsker Rebbe, ainsi que de Simcha Eichenstein, membre de l’Assemblée de l’État de New York, qui a envoyé un message à ses électeurs de Borough Park et de certaines parties de Midwood pour qu’ils restent chez eux et sauvent des vies.

En outre, un large éventail d’organisations ont signé une déclaration commune le 20 mars, rédigée par Agudath Israël, et composée notamment de la Orthodox Union, du mouvement Young Israel et du Rabbinical Council of America – parmi les plus grands groupes orthodoxes du pays.

Pour ceux qui évitent complètement les réseaux sociaux, il existe des lignes téléphoniques d’information ainsi que des véhicules qui circulent dans les quartiers équipés de haut-parleurs, rapporte Mme Zagelbaum.

« Dans l’ensemble, ça marche », affirme-t-elle. « Je suis au courant de quelques minyanim [quorums de prière] qui ont eu lieu la semaine dernière, et de quelques groupes improvisés qui ont organisé des offices très espacés physiquement dans les rues ou les cours, mais cela semble diminuer progressivement ».

Penser mondialement, agir localement

Avant l’épidémie de coronavirus, les mariages attiraient souvent 400 à 500 personnes. Aujourd’hui, ils ont lieu dans des cours et des parkings, et la famille élargie y participe via Zoom. Dans un autre quartier, une invitation a été lancée pour un shalom zachar, c’est-à-dire un rassemblement pour accueillir un petit garçon. C’est traditionnellement célébré le vendredi soir avec de la bière et des pois chiches. Ce n’est que maintenant, avec la distanciation sociale, que le nouveau père envoie de la bière et des pois chiches en paquets individuels pour que sa famille et ses amis puissent marquer l’occasion chez eux.

Dans certains quartiers, les gens prient maintenant seuls sur leur porche, mais du fait que tout le monde est sur son porche en même temps, il y a un sentiment d’unité, commente Abby Stein, qui est née et a grandi dans la communauté hassidique de Williamsburg.

Abby Stein est assise dans une synagogue pour une interview sur Internet. (Capture d’écran de YouTube)

Elle assure qu’à l’heure actuelle, « même les personnes les plus sceptiques croient » à la nécessité d’une distanciation sociale. « Il y a des marginaux qui défient les règles, comme dans n’importe quel groupe de personnes, mais la plupart des gens de la communauté hassidique écoutent les règles ».

Bien qu’Aby Stein, auteure de « Becoming Eve : My Journey from ultra-Orthodox Rabbi to Transgender Woman », a quitté la communauté il y a plusieurs années, elle reste en contact avec certains membres de sa famille. Lors de récentes conversations, ils lui ont dit que les gens qui, au départ, ignoraient les directives de distanciation sociale, en particulier pendant les vacances de Pourim, les respectent dorénavant.

Le rabbin Aaron Raskin de la congrégation B’nai Avraham à Brooklyn Heights. (Autorisation)

Le rabbin Aaron Raskin de la congrégation B’nai Avraham a déclaré au Times of Israel que sa communauté Habad sur les hauteurs de Brooklyn a trouvé des moyens nouveaux et innovants pour rester connectée même lorsqu’elle est séparée. Certains utilisent Zoom pour les cours de Torah, d’autres pour des occasions plus tristes comme les appels de condoléances.

En première ligne de l’antisémitisme

Alors que les communautés religieuses naviguent dans le tissu social changeant de la vie quotidienne, elles sont également confrontées à la montée de l’antisémitisme directement lié à l’épidémie de coronavirus.

« Cette période de malheureuse obscurité peut nous donner l’occasion de faire abstraction de nos problèmes individuels et de regarder le monde à l’échelle internationale, afin que nous puissions nous unir pour un plus grand bénéfice », a déclaré M. Raskin.

Dans le quartier de Crown Heights à Brooklyn, cela signifie que le centre de soins d’urgence Kamin Health Urgent Care reste ouvert malgré un personnel réduit, indique Yosef, son directeur régional.

Il a ajouté que la Hevra Kadisha, ou société funéraire religieuse, s’efforce d’accueillir chaque famille malgré une pénurie imminente d’équipements de protection individuelle. Et, selon M. Hershkop, la société Gedaliah, un réseau d’hommes et de femmes Habad du domaine de la santé, continue à publier des notifications exhortant la communauté à rester vigilante et à continuer à observer une distanciation sociale.

« Je suis très fier de ma communauté. Je dirais que 98 à 99 % des gens écoutent », se réjouit M. Hershkop.

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