Netanyahu dit qu’il était « politiquement mort » lorsqu’il s’est rapproché de Milchan
Durant le contre-interrogatoire, le Premier ministre a insisté sur le fait que le magnat hollywoodien n'attendait aucune contrepartie en échange des cadeaux offerts début 2000

Lors du deuxième jour de son contre-interrogatoire dans le cadre de son procès pénal en cours mercredi, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a reconnu avoir reçu de nombreux cadeaux et marques de luxe de la part du magnat hollywoodien Arnon Milchan au début des années 2000, mais a nié toute malversation, affirmant qu’il était alors « politiquement mort ».
Comme mardi, le contre-interrogatoire de mercredi s’est concentré sur l’Affaire 1 000, dans laquelle Netanyahu est accusé de fraude et d’abus de confiance pour avoir accepté, de la part de Milchan et du milliardaire australien James Packer, des cadeaux de luxe d’une valeur de plusieurs centaines de milliers de shekels. L’acte d’accusation allègue que Netanyahu a rendu divers services et fourni une aide particulière à Milchan en échange.
Lors du premier jour d’interrogatoire, le procureur Yehonatan Tadmor, du bureau de la procureure générale, avait cherché à établir que Milchan avait sollicité les faveurs de Netanyahu afin d’obtenir son aide à l’avenir, et que leur relation n’était pas amicale, contrairement à ce que Netanyahu a toujours affirmé en réponse aux allégations selon lesquelles les cadeaux qu’il avait reçus du magnat hollywoodien avaient été rendus en échange de faveurs.
Cette série de questions s’est poursuivie mercredi, parallèlement à un examen approfondi des ambitions politiques de Netanyahu tout au long de sa relation amicale avec Milchan au début des années 2000.
« Il savait que j’appréciais les cigares, alors il m’en apportait », a déclaré Netanyahu à propos de Milchan, affirmant que ces cadeaux lui avaient été offerts sans contrepartie.
« Entre 1999 et 2000, il m’a apporté des cigares et du champagne pour Sara [sa femme]. »

Le Premier ministre a expliqué que lors de leur première rencontre, Milchan « avait remarqué que j’aimais les cigares et m’apportait des boîtes de cigares. Lorsque nous nous rencontrions en Israël, il m’en apportait une, parfois deux. C’est ainsi que les choses se sont passées ».
Il a décrit Milchan comme une personne généreuse, affirmant que les deux hommes se rencontraient dans la demeure parisienne du milliardaire et que les cadeaux n’étaient pas offerts en échange de quoi que ce soit. Selon lui, Milchan avait compris que c’était un « cadavre politique » dont la carrière avait pris fin avec sa défaite électorale face à Ehud Olmert en 2006.
« Je n’avais aucune intention de revenir en politique. Il le savait », a ajouté Netanyahu.
Il a déclaré que les deux hommes s’étaient rencontrés plusieurs fois à Paris, à l’invitation de Milchan, qui lui avait « réservé un accueil très chaleureux à chaque fois ».
« Même lors de ces rencontres, il apportait des cigares et du champagne. Il m’a payé mes billets d’avion à maintes reprises », a poursuivi Netanyahu.
« Mais pas quand j’étais en politique, car cela est interdit. »
Tadmor a contesté l’affirmation de Netanyahu selon laquelle Milchan n’avait aucune idée qu’il finirait par revenir en politique, tant après sa défaite électorale en 1999 qu’après celle de 2006.
Après ses deux défaites électorales, Netanyahu a déclaré avoir confié à Milchan que sa carrière politique était terminée.
Il a décrit cette amitié comme réconfortante, vers laquelle il s’est particulièrement tourné après sa défaite face à Olmert lors des élections législatives de 2006.
Tadmor a souligné qu’en 2000, les alliés de Netanyahu avaient tenté de faire adopter une loi, connue sous le nom de « loi Netanyahu », qui lui aurait permis de se présenter aux élections contre Ehud Barak, alors Premier ministre, bien qu’il ne fût pas membre de la Knesset. Il s’est interrogé sur la façon dont l’opinion publique pourrait percevoir l’adoption de cette loi, compte tenu des intentions de Netanyahu de revenir en politique.
« J’ai compris que certaines personnes avaient soumis ce projet de loi et souhaitaient que je me présente », a reconnu Netanyahu.
« Je savais que je ne voulais pas me présenter. J’ai dit à mon bon ami Arnon Milchan que je n’avais aucune intention de revenir. »
« J’ai dit à Milchan que je n’avais pas l’intention de revenir », a-t-il répété.
« Quand ils ont adopté la loi Netanyahu, j’ai dit que je ne reviendrais pas. Je n’avais pas l’intention de revenir et je ne suis pas revenu. »
Tadmor a ensuite interrogé Netanyahu sur sa perception de lui-même en tant que « cadavre politique » à cette époque, et lui a demandé s’il se considérait toujours comme tel après avoir perdu les primaires du Likud face à Ariel Sharon en 2002, puis lorsqu’il a été nommé ministre des Finances dans le gouvernement Sharon un an plus tard.
Il a suggéré que Netanyahu était, en réalité, une personnalité publique et qu’il ne pouvait donc pas être considéré comme un homme dont la carrière politique était terminée.

« Ce n’est pas vrai », a répondu Netanyahu.
« J’ai quitté la scène politique entre 1999 et 2002. Lorsque j’ai décidé de revenir… personne ne s’est dit : ‘Voilà le chemin qui le mènera au poste de Premier ministre.’ Vous faites des suppositions erronées. Je n’avais pas l’intention, je ne pouvais pas et je ne voulais pas revenir à ce moment-là. »
Tadmor a alors demandé : « Lorsque vous n’êtes pas Premier ministre, êtes-vous un cadavre politique ? N’êtes-vous pas un serviteur de l’État ? »
Suite au désaccord sur l’expression « cadavre politique » et sur la question de savoir si l’on peut qualifier ainsi une personne qui poursuit une carrière politique mais n’a plus d’ambitions ministérielles, les questions ont porté sur les habitudes de Milchan en matière de distribution de cadeaux.
« Pendant les années où je n’étais pas Premier ministre, Milchan m’apportait des cigares et du champagne pour Sara », a-t-il déclaré.
« Arnon est quelqu’un de chaleureux… C’était son genre, et cela n’avait rien d’inhabituel. »
Netanyahu est jugé dans le cadre de trois affaires de corruption. Il est accusé de fraude et d’abus de confiance dans les Affaires 1 000 et 2 000 et de corruption, de fraude et d’abus de confiance dans l’Affaire 4 000.
Dans l’Affaire 2 000, le Premier ministre est jugé pour fraude et abus de confiance. Il aurait tenté de conclure un accord avec Arnon (Noni) Mozes, propriétaire du journal Yedioth Aharonoth, Arnon (Noni) Mozes, dans lequel le journal s’engageait à couvrir de manière positive l’actualité liée à Netanyahu et à sa famille. En échange, le chef du gouvernement aurait fait avancer une réglementation qui aurait affaibli le principal rival du quotidien, le journal gratuit Israel Hayom.
L’Affaire 4 000, qui est également connue sous le nom d’Affaire Bezeq-Walla, est la plus grave des dossiers touchant le Premier ministre. Ce dernier y est en effet accusé d’avoir autorisé des réglementations qui avaient bénéficié financièrement à Shaul Elovitch, actionnaire principal du géant des télécommunications Bezeq, qui avait ainsi engrangé des centaines de millions de shekels. En retour, Netanyahu aurait profité d’une couverture favorable sur le site d’information Walla, dont Elovitch était également propriétaire.
Netanyahu ne cesse de clamer son innocence, affirmant que ces accusations ont été créées de toutes pièces dans le cadre d’un coup d’État politique mené par la police et des responsables judiciaires israéliens.