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Quand Vincent Peillon ‘explique’ l’origine du port de l’étoile jaune en France

Les primaires de gauche approchent, et les candidats de la Belle Alliance Populaire tentent de marquer les esprits, avec plus ou moins de bonheur

Vincent Peillon, alors ministre français de l'Education nationale, à Lastrene, près de Bordeaux, le 20 janvier 2014. (Crédit : Patrick Bernard/AFP)
Vincent Peillon, alors ministre français de l'Education nationale, à Lastrene, près de Bordeaux, le 20 janvier 2014. (Crédit : Patrick Bernard/AFP)

Dans une confusion générale de concepts, comme seuls savent en réserver les discours politiques en direct, Vincent Peillon, en campagne pour les primaires de gauche, a imputé le port de l’étoile jaune en France à une instrumentalisation de la… laïcité.

Mardi 3 janvier, reçu sur le plateau du 20h de France 2, l’ancien ministre de l’Education Vincent Peillon a voulu réaffirmer son combat contre le Front national (FN) en choisissant des termes qui ont aussitôt mis le feu sur les réseaux sociaux, et déclenchant une foule de réactions officielles.

« Certains veulent utiliser la laïcité – ça a déjà été fait dans le passé – contre certaines catégories de population, c’était, il y a 40 ans, les juifs à qui on mettait des étoiles jaunes. C’est aujourd’hui un certain nombre de nos compatriotes musulmans qu’on amalgame souvent avec les islamistes radicaux. C’est intolérable, » a déclaré le candidat Peillon.

Passons sur la confusion entre les années 1940, et « il y a 40 ans ». Reste le problème de l’étoile jaune rendue obligatoire, dans la bouche de Vincent Peillon, par une certaine utilisation de la « laïcité ».

Dans un communiqué publié mercredi, le CRIF a accusé Peillon de « déclarations [qui] ne servent que ceux qui cherchent à réécrire l’Histoire. »

Vincent Peillon, candidat à la primaire française de la gauche, sur France 2, le 3 janvier 2017. (Crédit : capture d'écran France 2)
Vincent Peillon, candidat à la primaire française de la gauche, sur France 2, le 3 janvier 2017. (Crédit : capture d’écran France 2)

Peillon n’a pas retiré sa déclaration, et ne s’est pas non plus excusé dans un communiqué publié mercredi sur son site internet, mais a déclaré qu’il souhaitait préciser son propos suite à la controverse provoquée, et « préciser ma pensée et ma conviction qu’une contraction de phrases a pu déformer. »

Peillon a écrit qu’il n’a « évidemment pas voulu dire que c’était la laïcité qui était à l’origine de l’antisémitisme de la France de Vichy. » Il a ajouté que « ce qu’ont vécu les juifs sous Vichy ne saurait être banalisé d’aucune façon », avant de rappeler ses combats contre le racisme et l’antisémitisme.

« J’ai voulu dénoncer la stratégie de l’extrême-droite qui a toujours été d’utiliser les mots de la République ou les thèmes sociaux pour les détourner et les utiliser contre la population. Elle le fait aujourd’hui avec la laïcité contre les musulmans », a ajouté Peillon.

Le CRIF a néanmoins rappelé dans son communiqué que l’histoire de la déportation de plus de 75 000 juifs de France vers les camps de concentration et d’extermination, et la spoliation de leurs biens, ainsi que « des lois discriminatoires comme le port de l’étoile jaune ne sauraient être dévoyées et instrumentalisées au nom d’un soi-disant équilibre des souffrances. »

Le CRIF a demandé « une clarification et un correctif immédiat » de la part de Vincent Peillon.

Un rapide retour sur les faits nous rappelle que l’étoile jaune a été imposée par l’occupant nazi en France en 1942, comme dans toutes les zones occupées, après avoir été instaurée en Allemagne. Voir dans ce reliquat de la rouelle moyen-âgeuse un lien quelconque avec la laïcité débridée, même instrumentalisée par le FN, paraît difficile à concevoir.

Établir un lien entre la situation des juifs en 1942, et celle des musulmans en 2016 aussi, sans que cela dédouane le Front national d’abus dans leur stigmatisation des musulmans.

Benoit Hamon, en août 2016. (Crédit : Marion Germa/CC BY-SA 4.0/WikiCommons)
Benoit Hamon, en août 2016. (Crédit : Marion Germa/CC BY-SA 4.0/WikiCommons)

Ce qui est plus facile à concevoir par contre, c’est une stratégie électorale déjà éventée, et usée par son concurrent Benoît Hamon. Celle de se servir des musulmans comme marqueur politique de gauche, espérant également capter les voix de la minorité la plus importante de France.

Dans une formule, révélée par le Canard Enchaîné, Benoît Hamon avait résumé cette théorie. Le 19 novembre, soit quelques jours avant le vote en France pour la reconnaissance de la Palestine aux Nations unies, le Canard Enchaîné révélait la stratégie de la frange du PS représentée par Benoit Hamon autour de cette résolution.

Ce dernier la considérait « tout à fait opportune sur le plan électoral (…). [Car il s’agissait] du meilleur moyen pour récupérer notre électorat de banlieue et des quartiers, qui n’a pas compris la prise de position pro-israélienne de Hollande, et qui nous a quittés au moment de la guerre à Gaza. »

Pendant les primaires de la gauche, Peillon et Hamon affronteront Manuel Valls, fortement soutenu par la communauté juive. La mère de Peillon, Françoise Blum, est juive.

Peillon, qui parle rarement de son judaïsme en public, a signé une pétition de l’association de gauche JCall, équivalent européen de J Street, pour soutenir la mise en place d’un état palestinien.

JTA a contribué à cet article.

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