Ritchie Torres critiqué aux US pour son soutien à Israël, où il est reçu comme une star
Le député progressiste du Bronx s'est attiré les foudres de ses adversaires pour son soutien à l'État juif, mais en Terre sainte, il signe des autographes
New York Jewish Week – Une vidéo diffusée en ligne la semaine dernière a suscité de vives réactions de la part des partisans et des opposants de Ritchie Torres.
Dans ce clip de deux minutes, publié le 4 avril, le député du Bronx répond aux accusations d’activistes propalestiniens selon lesquelles il soutiendrait la famine des enfants pendant que se déroule un « génocide » dans la bande de Gaza. Il y répond en niant qu’Israël commette un génocide et en imputant la crise humanitaire à Gaza au groupe terroriste palestinien du Hamas, qui vole l’aide destinée aux civils. Deux arguments qui reflètent fidèlement le discours du gouvernement israélien.
Un militant pro-israélien a parlé de Torres comme d’un « roi » pour sa réponse aux militants. Un opposant a écrit : « Torres ment, des gens meurent ! »
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Torres y a vu un revirement par rapport à l’accueil reçu deux jours plus tôt, à l’issue de sa visite de trois jours en Israël. Il a confié au New York Jewish Week qu’il avait été traité comme une célébrité.
« Il est rare que des gens me demandent un autographe sans se tromper, sans me prendre pour quelqu’un d’autre que moi », a-t-il expliqué. Dans le passé, il a été pris pour Trevor Noah, l’ancien animateur du « Daily Show ».
« Je suis allé en Israël en pensant n’avoir aucune notoriété », a-t-il déclaré. « Mais j’en avais un peu plus que je ne le pensais. »
Cette positivité est à la mesure de la position de moins en moins populaire que Torres a adoptée au cours des six mois qui se sont écoulés depuis le 7 octobre. Dans les semaines qui ont suivi l’invasion du Hamas, au cours de laquelle près de 1 200 personnes ont été sauvagement assassinées dans le sud d’Israël et 253 autres ont été enlevées dans la bande de Gaza, presque tous les responsables du Capitole ont exprimé leur soutien à Israël. Or, aujourd’hui, les critiques à l’égard de l’effort de guerre israélien se multiplient parmi les démocrates, en raison du nombre croissant de victimes palestiniennes. Torres fait partie du nombre de plus en plus restreint de législateurs du parti qui continuent à soutenir sans réserve les actions d’Israël et, bien souvent, les discours de son gouvernement.
Le soutien de Ritchie Torres à Israël a fait de lui l’un des principaux bénéficiaires des fonds de l’AIPAC et d’autres groupes pro-israéliens. Mais il a également indiqué que cette position lui valait une hostilité quasi-permanente. À Noël, des activistes ont lui ont mis une poupée ensanglantée devant son bureau. Elle était censée représenter un Jésus palestinien.
« L’augmentation des intimidations et des discours de haine à l’encontre des membres du Congrès prend une tournure dangereuse », a-t-il écrit en réponse sur X. « Pour ma part, je ne me laisserai pas intimider. »
Les tensions vont jusque dans les sphères de sa vie privée. Il a confié qu’il ne « parlait plus » avec un proche qu’il a demandé au New York Jewish Week de ne pas identifier, en raison de ses positions sur Israël.
Son humeur, du moins à en juger par les photos envoyées par son bureau, était différente en Israël, où il avait l’air détendu et heureux. À son retour de voyage, il a fait l’éloge des Israéliens, qu’il a qualifiés de « résilients », et du pays, qu’il a trouvé « inspirant ». Il a déclaré que le monde souffrait désormais « d’amnésie » en ce qui concerne l’attaque terroriste du Hamas contre Israël le 7 octobre.
« Imaginez-vous que vous connaissez personnellement près de la moitié des plus de 200 otages enlevés le 7 octobre – une échelle de traumatisme que la plupart d’entre nous ne peuvent pas mesurer », a-t-il écrit sur X le lendemain de son retour du voyage, parrainé par l’UJA-Federation of New York. « Ce ne sont que quelques-unes des histoires que j’ai entendues depuis le 7 octobre, alors que je découvrais Israël pour la première fois. #NeverForget ».
Le point le plus marquant du voyage de Torres a été sa visite au kibboutz Nir Oz, qui est encore en grande partie en ruines suite à l’assassinat et la prise d’otages de dizaines de ses résidents le 7 octobre dernier. Les compagnons de Torres ont expliqué que, tout au long de son voyage, il avait connu les horreurs et les honneurs : il ne pouvait pas se promener en fin de soirée sans être reconnu.
Bini Krauss, directeur de l’Académie orthodoxe SAR de Riverdale, a décrit comment, lors de sa visite au mur Occidental le dernier soir, à l’occasion d’une cérémonie à la mémoire de l’ancien sénateur américain Joe Lieberman, qui venait de mourir, il a été assailli par des soldats israéliens et d’autres personnes priant au mur qui avaient reconnu Torres et voulaient lui parler.
« Il ne fait aucun doute que, pour la communauté israélienne et la communauté juive, c’est un héros », a affirmé Krauss, qui a accueilli Torres dans son école depuis le 7 octobre.
En dehors d’Israël, Torres est considéré comme un progressiste, bien que les tensions liées à la guerre de Gaza l’aient amené à quitter le Congressional Progressive Caucus au début de l’année. Il a refusé de commenter ce changement, tout en précisant que nombre de ses collègues progressistes étaient d’accord avec lui, à des degrés divers, sur la question d’Israël. Le soutien de base à Israël au sein du Congrès, du moins à en juger par les résultats des votes, semble assez élevé. En novembre, la Chambre des représentants a adopté une motion réaffirmant le droit à l’existence du pays par 412 voix contre 1.
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Depuis lors, les critiques de la campagne israélienne à Gaza n’ont cessé de se multiplier, alors que le nombre de morts dans l’enclave dépassait les 34 000, et ce même de certains des plus fervents partisans d’Israël aux États-Unis. Torres a par ailleurs souligné que l’état du discours public sur Israël, où il ne rencontre « rien d’autre que des critiques, une diabolisation hyperbolique et hystérique d’Israël, sur les réseaux sociaux et dans les médias grand public », a réduit au silence ses collègues progressistes.
« Il n’y a pas de sujet qui m’attire plus de haine, de harcèlement et de menaces de mort que la question d’Israël », a-t-il déclaré. « Mon bureau a été inondé d’appels de haine. Il y a un effort concerté pour intimider les élus comme moi et les empêcher de soutenir Israël. Et il y a des élus qui se laissent intimider et sont réduits au silence et à la soumission ».
Arthur Richardson, à la tête d’un cercle démocrate dans le Bronx, a indiqué qu’il admirait la façon dont Torres faisait face aux critiques concernant sa position sur Israël. Torres, selon Richardson, « tient le coup, malgré toutes les critiques qu’il a reçues, et il en a reçu beaucoup ».
Depuis son élection en 2013 au conseil municipal de New York, Torres s’est forgé une réputation pour ses prises de distance par rapport à la politique du parti, a expliqué Mark Treyger, directeur exécutif du Conseil des relations de la communauté juive de New York, qui a participé à la visite.
« Il n’est pas là pour se faire des amis », a expliqué Treyger, qui a siégé aux côtés de Torres au sein du conseil municipal. Il a rappelé les efforts inlassables de Torres pour fournir une aide indispensable aux habitants durement touchés par la tempête Sandy, des efforts qui ont été couronnés de succès. « L’une des choses que je pourrais vous dire à propos des audiences auxquelles nous avons participé sur le logement public, c’est combien d’ennemis il s’est fait dans l’administration [de Bill de Blasio]. »
Jusqu’à récemment, Torres était plus ou moins aligné sur le président américain Joe Biden, qui a soutenu Israël après le 7 octobre. Plus récemment, il a émis des critiques à l’encontre du président pour avoir permis l’adoption d’une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies (ONU) appelant à un cessez-le-feu et pour ses propos critiques sur Israël après la mort, la semaine dernière, de sept travailleurs humanitaires.
« Globalement, le président a toujours soutenu Israël », a-t-il déclaré. « Cela dit, je suis pour ma part en désaccord – avec tout le respect dû à l’administration – avec cette décision qui a été prise de s’abstenir lors du vote sur la résolution du Conseil de sécurité. Et je ne suis pas d’accord avec plusieurs de ses déclarations. Le ton de certaines d’entre elles m’a semblé trop dur ».
Certaines de ces critiques rejoignent des arguments que l’on retrouve plus souvent à droite. Torres s’inquiète, par exemple, du fait que la résolution ne lie pas le cessez-le-feu à la libération des plus de 130 otages qui sont toujours en captivité. Il s’inquiète également du fait que la résolution « offre au Hamas une influence plus forte », l’argument clé du Premier ministre Netanyahu.
L’un des sujets qu’il n’abordera pas est l’appel lancé le mois dernier par le sénateur new-yorkais Chuck Schumer en faveur de nouvelles élections en Israël. Le démocrate, qui, en tant que chef de la majorité, est l’élu juif le plus important de l’histoire des États-Unis, a secoué les relations entre les États-Unis et Israël par ses remarques, dans lesquelles il a également exprimé son soutien à Israël et fustigé le Hamas.
« Si, comme moi, vous n’êtes ni israélien ni juif, vous n’avez aucun droit de peser sur la politique intérieure israélienne », a affirmé Torres, ajoutant que Schumer avait été pour lui un mentor. « La question de savoir si un Juif américain a le droit de se mêler de la politique intérieure israélienne me semble être un débat permanent au sein de la communauté juive. Et j’ai le sentiment qu’il ne m’appartient pas de me prononcer sur ce débat, que je n’ai pas le droit d’en faire partie ».
Il est cependant prêt à s’imprégner de l’amour des Israéliens et à le leur rendre. Pendant son voyage, il a enfilé des T-shirts « Ramenez-les à la maison » que des membres de famille d’otages lui avaient offerts et il a arboré le badge qu’un survivant du massacre du festival de musique Supernova lui avait offert et qui portait l’inscription « Nous danserons à nouveau ».
« J’ai l’impression que ces mots, ‘Nous danserons à nouveau’, expriment avec force la résilience qui est si profondément inscrite dans l’ADN israélien », a-t-il déclaré. « J’ai quitté Israël plus inspiré que déprimé. »
Richardson a plaisanté sur le fait qu’il craignait que Torres soit tellement inspiré par son expérience positive et par le respect et l’amour qu’il avait reçus des Israéliens qu’il déciderait de rester dans le pays. Il raconte lui avoir dit : « Ne va pas en Israël, ne va pas à la Knesset et ne nous laisse pas ici tout seuls ».
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