Vallée du Jourdain : découverte de fibres de coton vieux de 7 000 ans
Ces fibres, découverts par une équipe de l'université de Haïfa et internationale, soulignent le rôle commercial important de Tel Tsaf dans les temps anciens
Les archéologues israéliens ont découvert la toute première preuve de la présence de coton au Proche-Orient, dans l’antiquité, pendant des fouilles réalisées à Tel Tsaf, une ville vieille de 7 000 ans qui se trouve dans la vallée du Jourdain.
Ces fibres microscopiques de coton qui viennent d’être découvertes rejoignent toute une série d’autres matériaux organiques préhistoriques qui ont été découverts sur le site dans un état relatif de préservation : Au cours des dernières années de travaux archéologiques à Tel Tsaf, un site situé à proximité du kibboutz Tirat Tzvi, de nombreuses et riches découvertes ont été réalisées, avec notamment les preuves les plus anciennes de l’usage social de la consommation de bière et du stockage rituel de produits alimentaires.
« Tsaf se caractérise par une préservation étonnante des matériaux organiques », commente dimanche auprès du Times of Israel le professeur Danny Rosenberg de l’Institut d’archéologie Zinman, au sein de l’Université de Haïfa.
Recevez gratuitement notre édition quotidienne par mail pour ne rien manquer du meilleur de l’info Inscription gratuite !
Les textiles fabriqués à partie de matériaux organiques se décomposent avec le temps – ce qui fait que les archéologues n’en ont que peu à étudier. Toutefois, même après la désintégration induite par les années et par les siècles, des vestiges de fibres peuvent encore être présents dans les sédiments environnants. Et de nouvelles technologies offrent dorénavant aux archéologues la possibilité d’étudier, avec des capacités sans précédent, des quantités microscopiques de vestiges organiques, ce qui leur permet, par exemple, de déterminer s’ils étaient tissés.
Rosenberg a travaillé en collaboration avec des chercheurs américains et allemands, s’efforçant de collecter les sédiments présents dans les récipients, dans les outils et dans d’autres artéfacts trouvés dans cette ville antique. Il les a ensuite examinés grâce à des microscopes très puissants de façon à pouvoir identifier les vestiges de fibre.
Auparavant, les historiens pensaient que les tissus fabriqués dans la région à l’époque préhistorique étaient fabriqués majoritairement à l’aide de végétaux tels que le lin avant que, des milliers d’années plus tard, l’être humain se tourne vers les poils ou vers la laine animale. Dans la mesure où le coton n’a jamais été cultivé à Tel Tsaf, cela a été une surprise pour les chercheurs d’en trouver et ils ont estimé que cette présence soulignait l’importance de la ville en tant que pôle commercial mondial.
« Les textiles sont un tel impératif dans nos vies », déclare Rosenberg au Times of Israel. « A l’ère préhistorique, les textiles étaient impliqués dans de nombreux domaines de l’existence, pas seulement dans les vêtements mais aussi dans la chasse, dans la pêche… C’est bien plus important que le fait de se dire seulement que ce que nous avons trouvé, ce sont des morceaux de vêtements qui étaient portés par les habitants du secteur. Cette découverte nous dit beaucoup de choses sur les pratiques économiques de la région ».
Made in Pakistan, enterré en Israël
La découverte de ces bouts de fibres de coton à Tel Tsaf est la preuve la plus ancienne de la présence de coton au Proche-Orient. Le coton venait probablement de la région de l’Indus – le Pakistan moderne – qui était le seul endroit dans le monde qui avait commencé à domestiquer le coton à cette période. Rosenberg dit ne pas pouvoir dire de manière définitive quelle était l’origine du coton, mais il ajoute que l’Indus reste la meilleure hypothèse dans la mesure où le seul autre secteur où le coton était déjà là à l’époque de l’antiquité était l’Afrique – et encore, il y était apparu des milliers d’années plus tard.
Le coton pakistanais rejoint donc un grand nombre d’autres découvertes faites à Tel Tsaf avec des objets en provenance de tout le monde antique, ce qui souligne l’importance qu’avait la ville en tant que pôle mondial de commerce. Rosenberg et les autres chercheurs ont ainsi mis la main sur des perles arrivées de l’Anatolie contemporaine, de la Roumanie, de l’Égypte et d’autres secteurs d’Afrique ; des poteries venues d’Irak, de Syrie ou d’Arménie et les tout premiers cuivres et autres métaux trouvés dans le monde.
« Tel Tsaf était une sorte de pôle qui concentrait des activités commerciales importantes et qui avait établi des contacts avec de nombreux autres peuples », dit Rosenberg. « Il y avait là-bas des capacités de stockage massives pour accueillir les céréales, des capacités énormes si on les compare à d’autres sites ».
Tel Tsaf est l’une des seules communautés connues dans la région de l’ère Chalcolithique, une période de transition pendant laquelle les sociétés agricoles qui vivaient dans des communautés minuscules ont commencé à construire des villes plus grandes.
L’implantation de Tel Tsaf, située à proximité du fleuve Jourdain et de l’État moderne de Jordanie, remonte aux alentours de l’an 5200 à l’an 4700 avant l’ère commune. Le site offre aux chercheurs l’opportunité d’étudier cette période de changement, marquée par l’émergence des villes. La découverte de silos de stockage de grande taille laisse penser que les populations, pendant l’antiquité, avaient atteint un stade précoce du développement de l’humanité sous forme de société, avec notamment le développement possible de hiérarchies sociales et d’accumulation de richesses.
Les fouilles qui ont eu lieu à Tel Tsaf ont aussi permis de découvrir des architectures construites en briques de boue dans un bon état de préservation, les objets en métal les plus anciens de la région et les preuves de la pratique d’activités commerciales à longue distance. Rosenberg remarque que la Grande vallée du Rift, qui s’étend de la Syrie jusqu’à l’Afrique, était « une autoroute » pour le commerce antique, ce qui peut expliquer notamment la grande prospérité de Tel Tsaf.
« Nous nous efforçons de comprendre pourquoi nous avions un village aussi florissant ici et nous tentons aussi de comprendre pourquoi il a été abandonné 500 années plus tard », dit Rosenberg.
Les archéologues n’ont pas trouvé sur le site quoi que ce soit qui puisse témoigner d’une catastrophe naturelle qui aurait pu entraîner son abandon.
L’implantation de Tel Tsaf avait été initialement découverte dans les années 1940 lors d’une étude archéologique de la vallée de Beit Shean.
La première fouille importante avait eu lieu en 1978-1980, lorsque des découvertes faites là-bas avaient laissé penser qu’il y avait eu deux périodes d’occupation sur le site, au néolithique tardif et au chalcolithique ancien. Une autre série de fouilles avait été entreprise entre 2004 et 2007, et elle avait permis de trouver des preuves d’implantation pendant la période du Chalcolithique moyen et supérieur.
Fouiller moins, pas plus profond
« Nous avions l’idée de chercher des fibres, mais les fibres et les textiles ne sont pas un sujet d’étude commun dans notre spécialité », explique Rosenberg. Le site présente de riches opportunités de faire des découvertes déterminantes au niveau microscopique, ajoute-t-il, mais cela exige des chercheurs de trier des échantillons de poussière aussi petits que 100 milligrammes (ce qui est plus petit qu’une goutte d’eau).
Pour commencer, les archéologies tentent de localiser un endroit, dans les fouilles, où il est probable que des restes organiques soient présents – par exemple, à l’intérieur d’un récipient alimentaire. Ensuite, les chercheurs raclent avec minutie les débris à l’intérieur du pot, les enveloppent dans du papier aluminium et les scellent dans un sac en plastique qui ne sera rouvert que dans l’environnement stérile d’un laboratoire.
Les sédiments ont été examinés à l’université de Stanford, par une équipe dirigée par la professeure Li Liu, un travail dit « d’analyse des micro-vestiges » soutenu par des chercheurs de l’université de l’Arkansas, à Little Rock, et par le Musée d’État de Hanovre, en Allemagne. Les sédiments font parfois l’objet d’une manipulation chimique de manière à éliminer la poussière non désirée et à permettre aux autres vestiges organiques d’être placés en lames et étudiés au microscope.
La contamination est une crainte majeure lors d’un travail à si petite échelle mais Rosenberg indique qu’aucun échantillon ne comprenait de fibres synthétiques, qui sont utilisés pour la fabrication de la majorité des vêtements modernes et qui auraient pu être autant de sources de contamination.
Prochaine étape, tenter d’extraire de l’ADN des fibres de coton pour confirmer que ce dernier était bien arrivé du Pakistan. Rosenberg déclare que selon la manière dont se déroulera la prochaine saison de fouilles, les archéologues essaieront aussi d’extraire de l’ADN à partir des noyaux d’olives et autres plants découverts sur le site et à partir également des ossements d’animaux et d’autres vestiges humains.
Rosenberg indique que les chercheurs veulent pouvoir appliquer toutes les technologies scientifiques mises à leur disposition pour étudier l’histoire de l’antiquité, et que des avancées dans le secteur permettent d’avoir un aperçu sans précédent du quotidien des populations préhistoriques.
« Ces recherches commencent à porter leurs fruits. Il y a eu un si grand nombre de découvertes importantes – les fibres ne sont que l’une d’entre elles », s’exclame-t-il.
Amanda Borschel-Dan et l’équipe du Times of Israel ont contribué à la rédaction de cet article.
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.
Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel