Veuves de guerre, 260 femmes trouvent du réconfort dans une sororité d‘un nouveau genre
L'événement de l'Organisation des veuves et orphelins de Tsahal a donné aux veuves des moyens de panser leurs blessures et de trouver de la joie bien qu'elles soient "dévastées"
Plus de 180 femmes se sont retrouvées, mardi, pour une conférence de l’Organisation des veuves et orphelins de Tsahal à Kfar Saba, dans le centre d’Israël, et évoquer ce qui paraît encore douloureusement impossible, à savoir continuer à vivre alors qu’elles sont veuves depuis peu, encore définies par la perte incommensurable de leur conjoint.
Ces épouses de soldats, policiers ou membres des forces spéciales, représentatives du patchwork qu’est la société israélienne – juifs religieux et laïcs, bédouins, druzes, musulmans et chrétiens – sont devenues veuves à cause de la guerre contre le Hamas, qui a commencé le 7 octobre dernier lorsque des milliers de terroristes dirigés par le Hamas ont pris d’assaut Israël, tué 1 200 personnes et fait 251 otages dont 97 sont encore détenus à Gaza.
« L’Organisation des veuves et orphelins de Tsahal prend soin de nous et fait tout avec une grande sensibilité et une grande attention, parce qu’ils veulent que nous allions bien », confie au Times of Israel Dafna Russo, dont le mari, Uri Shimon Russo, 44 ans, a été tué en défendant le kibboutz Kfar Aza contre les terroristes lors de l’attaque du Hamas le 7 octobre. « Ils veulent que nous menions une vie pleine et entière, même si nous sommes dévastées. »
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Cet événement qui a duré une journée, intitulé « Plus fort que le vent : étreindre, renforcer et aider », a donné à ces veuves – certaines venues avec des nouveau-nés – l’occasion d’être avec d’autres femmes, « les seules à comprendre ce que nous vivons », explique Ayelet Sivan, dont le mari Bar, membre de l’unité d’élite antiterroriste Yamam de la police des frontières, a été tué le 7 octobre.
Fondée en 1991, l’Organisation des veuves et orphelins de Tsahal perçoit des subventions du gouvernement et des fonds de donateurs privés, mais fonctionne de manière indépendante pour venir en aide et favoriser l’émancipation des « veuves et orphelins de ceux qui sont morts au combat, que ce soit en tant que membres de Tsahal ou d’autres forces de l’ordre, et créer une communauté d’entraide au profit des familles endeuillées », explique le site Internet de l’organisation.
L’organisation propose de multiples activités tout au long de l’année, dont des camps pour enfants, auxquels les deux filles aînées de Russo ont participé, ainsi que des groupes de soutien et des colis pour les fêtes.
La conférence a commencé par l’interprétation, par un ensemble musical de Tsahal, de « Plus fort que le vent », le thème de l’événement, suivie d’une vidéo de bienvenue enregistrée par l’actrice Noa Tishby, dont la mère était elle aussi une veuve de Tsahal.
« Le premier mari de ma mère est mort au combat en 1969 et son avion n’a jamais été retrouvé », a expliqué Tishby. « Il est toujours porté disparu. »
Elle a rappelé aux femmes que même si leurs conjoints « sont tombés en combattant héroïquement, ce sont elles les héroïnes. Car vous êtes toutes des super-héroïnes. »
Trouver de la lumière dans les ténèbres
La présidente de l’Organisation des veuves et orphelins de Tsahal, Tami Shelach, dont le mari, le pilote et lieutenant-colonel Ehud Shelach, a été abattu au-dessus de l’Égypte dans les tout premiers jours de la guerre du Kippour, en 1973, a déclaré aux veuves qu’elles étaient « des modèles pour tout le pays, et qu’ensemble nous marcherons vers la lumière, l’espoir et l’horizon ».
« Ce fut le mois d’octobre le plus noir de toute l’histoire d’Israël », a déclaré Shelach, mais dans la présentation qui a suivi, la conférencière Yana Darom a souligné l’importance de l’humour pour « trouver un rayon de lumière au milieu des ténèbres ».
Les participantes ont ri lorsque Darom leur a dit : « Si vous pouvez obtenir quelque chose d’une institution, n’hésitez pas, que ce soit une Tesla ou des bijoux H. Stern… Il suffit d’utiliser le sésame ‘Je suis veuve’ ».
Elle a souligné l’importance d’avoir de bons amis : « Les bons amis doivent être comme des soutiens-gorge, ils sont là pour vous étreindre. »
Sivan Zada, veuve de Tsahal depuis 2007 lorsque son mari, Shahar, un soldat, a été tué à Gaza, a fait part de son expérience.
« Il adorait travailler dans le jardin et il me disait toujours de venir, mais je ne le faisais jamais », a-t-elle confié. C’est à la mort de Sahar qu’elle s’est mise à jardiner et un jour, en creusant, elle a trouvé une racine en forme de cœur.
« C’était un signe », a expliqué Zada. « Shahar savait quelque chose sur moi que je ne connaissais même pas. » Elle a ensuite étudié l’horticulture et créé une entreprise qui vend des plantes.
Elle a dit aux femmes présentes à la conférence qu’elle leur souhaitait de trouver « la force de s’épanouir et d’évoluer ».
Ilanit Levi, ancienne Miss Israël, était la maîtresse de cérémonie de cet émouvant événement. Ont notamment pris la parole Efrat Leket, à la tête d’une organisation qui forme et aide les mères de famille, la journaliste Sivan Rahav Meir et le célèbre chef Eyal Shani, qui a parlé de la cuisine qui réconforte. La conférence s’est terminée par une chanson émouvante de la chanteuse Miri Mesika.
Disparu pendant une semaine
Entre deux larmes, Tali Gdif, 28 ans, a raconté au Times of Israel l’histoire de son mari, Mulugeta Gdif, 29 ans, policier tué le 7 octobre au kibboutz Beeri avec six autres policiers lorsqu’une grenade tirée par le Hamas a touché leurs véhicules.
Tali a expliqué que ses proches et elle l’avaient cherché pendant une semaine.
« Son téléphone sonnait et sonnait, sans réponse », a-t-elle confié. Elle ne savait pas où il était ni ce qui lui était arrivé. L’armée ne l’a informée de sa mort une fois le corps identifié grâce à son ADN.
« C’était un vrai guerrier : j’étais sûre qu’il survivrait », a déclaré Tali.
Lors de la conférence, à laquelle elle a assisté en compagnie de sa sœur Taga, Tali a dit que sa fille, Eliya, âgée de 16 mois, pleurait en disant « Abba, Abba » (papa, papa) chaque fois qu’elle voyait sa photo.
Elle explique que les événements de l’Organisation des veuves et orphelins de Tsahal lui apportent du réconfort.
« C’est comme un gros câlin », dit-elle, qui l’aide à répondre à des questions comme : « Comment expliquer tout ça à ma fille ? »
« C’est arrivé si vite »
Lors d’une conversation téléphonique avant la conférence, Dafna Russo a raconté ce qui s’est passé le matin du 7 octobre au kibboutz Kfar Aza, à environ un kilomètre et demi du nord de Gaza, après le déclenchement de la sirène à 6h30.
Le mari de Dafna, Uri, ingénieur en mécanique et membre de l’équipe d’intervention d’urgence du kibboutz, a reçu des messages téléphoniques faisant état de la présence de terroristes dans le kibboutz.
Il s’est habillé et s’est rendu à vélo à l’armurerie, où il a pris son M-16. Dafna et leurs trois filles, Maya, 13 ans, Alona, 11 ans, et Ye’ela, 9 ans, sont restées cachées dans la pièce sécurisée de leur maison pendant 14 heures, pendant que des dizaines de terroristes du Hamas de la force Nukhba se déchaînaient dans le kibboutz et massacraient ceux qu’ils trouvaient sur leur chemin.
À la fin du massacre, 61 personnes étaient mortes. Uri a été tué en combattant les terroristes.
« C’est arrivé si vite », a dit Dafna.
Ce jour-là, 19 personnes ont également été enlevées à Gaza, prises en otage. Deux d’entre elles ont été tuées en captivité et 11 ont été libérées à la faveur du cessez-le-feu d’une semaine en novembre. Cinq sont toujours otages à Gaza : Doron Steinbrecher, Emily Damari, Keith Segal et les jumeaux Ziv et Gali Berman.
A titre posthume, l’armée israélienne a octroyé à Uri, soldat mort au combat, le grade de major de réserve.
Dafna explique que ses trois filles et elle « ont perdu leur maison, absolument tout perdu » et vivent maintenant dans une ville du centre d’Israël où, dit-elle, « il faut recommencer une nouvelle vie ».
« Mes parents sont morts quand j’étais jeune, donc je sais ce que c’est d’être orpheline », se confie Dafna. « Mais je ne sais pas ce que c’est que d’être veuve. J’apprends de nouvelles intensités de douleur, de souffrance et de solitude. »
« N’abandonnez pas »
Ayelet Sivan, 30 ans, indique au Times of Israel qu’il est important de parler de son mari, Bar, 33 ans. Bar est mort « en héros », dit-elle.
Elle explique que Bar n’était pas en service, le 7 octobre, mais que dès l’alerte donnée, à 6h30, il a quitté leur domicile de Tel Aviv et s’est dirigé vers le sud, avec trois autres policiers de Yamam, jusqu’au carrefour Shaar Hanegev, sur la route 34.
« Il y avait 16 terroristes du Hamas embusqués au carrefour, qui tuaient tous ceux qui tentaient de fuir », se rappelle Ayelet. « Bar et ses camarades savaient qu’il leur fallait reprendre la maitrise du carrefour. »
Bar s’est battu jusqu’à sa dernière munition et il est mort en livrant bataille, poursuit Ayelet.
Dans son dernier message, il lui a écrit : « Je t’aime plus que tout. »
Deux autres policiers, Moshe El Shlomo et Dror Elton, ont été tués avec lui, selon elle, « en se serrant les coudes et en se protégeant les uns les autres ».
« Je suis brisée », confie-t-elle. « C’est tellement difficile. »
Au printemps dernier, elle a fait une retraite de cinq jours à Chypre dans le sanctuaire Secret Forest, parrainée par l’Organisation des veuves et orphelins de Tsahal à destination des veuves sans enfant.
Elle y a rencontré trois autres jeunes veuves devenues depuis ses amies les plus proches.
Les jours où elle n’a pas l’énergie de se lever, « je les appelle et elles viennent me chercher ».
Elle dit continuer d’entendre la voix de Bar qui lui dit : « Ne laisse pas tomber, ne perds pas la foi, n’abandonne pas. »
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