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« 75010 », l’hymne au Paris métissé du fondateur de Gotan Project

Le nouvel album signé Philippe Cohen Solal incorpore Charlélie Couture, des rappeurs turcs, le musicien kurde Rusan Filiztek, la comédienne Judith Chemla et la chanteuse lyrique d'origine iranienne Ariana Vafadari

L'expert de musique électronique et compositeur autodidacte français Philippe Cohen Solal pose lors d'une séance photo à Paris le 3 avril 2024. (Crédit : JOEL SAGET / AFP)
L'expert de musique électronique et compositeur autodidacte français Philippe Cohen Solal pose lors d'une séance photo à Paris le 3 avril 2024. (Crédit : JOEL SAGET / AFP)

Producteur, DJ, défricheur, compositeur pour le cinéma… Le fondateur de Gotan Project, Philippe Cohen Solal, a connu mille vies sans jamais délaisser le quartier métissé de Paris qui a nourri son inspiration et irrigue son nouvel opus.

« Ce n’est pas toujours nécessaire d’enregistrer dans le monde entier, il est là mon monde entier », observe le sexagénaire d’origine néerlando-tunisienne depuis un café du Xe arrondissement, petit précipité de mondialisation où se mélangent coiffeurs africains, restaurants indiens, barbiers turcs et bobos parisiens.

C’est ce patchwork que son nouvel opus, « 75010 », célèbre au gré d’une pérégrination où on croise Charlélie Couture, des rappeurs turcs (Uzay), le musicien kurde Rusan Filiztek, la comédienne Judith Chemla et la chanteuse lyrique d’origine iranienne Ariana Vafadari.

« Je voulais faire la bande-son du Xe », résume Cohen Solal, à la composition et aux claviers sur cet album enregistré dans son studio, niché dans ce quartier dense et minéral.

C’est déjà ici, à deux pas du légendaire New Morning où Prince aimait faire ses after shows, qu’il a enregistré un des hymnes de la sono mondiale des années 2000 avec Gotan Project.

Paru en 2001, « La revancha del Tango » a déferlé sur le globe en brassant électro et musique argentine. Plus de dix ans de tournées et trois albums ont à jamais marqué cet archiviste du son, qui possède 17 000 disques.

« C’était une explosion. Tu entends ta musique partout dans le monde alors que tout avait été fait à la maison », raconte-t-il. « Tu marches sur l’eau. Mais c’est là que les ego commencent à monter ». Le trio finira par éclater avec pertes et fracas et frais d’avocats afférents.

Punk épique

Avant l’ouragan Gotan, cet autodidacte rétif à l’autorité avait été punk à Jérusalem dans son adolescence, animateur de radio, superviseur musical de films de Lars Von Trier et Krzysztof Kieślowski ou directeur artistique chez Polydor, un job qu’il a « détesté ».

« Il fallait tout écouter simplement pour identifier le potentiel commercial, ce n’est pas mon truc », dit-il. Lui-même pensait que Gotan Project, qui a écoulé plus de 3 millions d’albums, allait être « un flop ».

Cohen Solal ne manque pas de flair mais la musique est, avant tout, pour lui une affaire « de claques » artistiques, que lui ont successivement assénées le punk, le jazz-rock du Mahavishnu Orchestra, le ska, la trap ou la techno.

En 1992, il participe à la première compilation de techno française « P.U.R », pour Paris Union Recording, et, derrière les machines, compose des productions qu’il tente de diffuser à Londres. « A l’époque, il n’y avait pas de French Touch, ils se foutaient de ce que faisait un petit Français », se souvient-il.

Une autre « claque » le saisit à la fin des années 80. Dans le quartier des Halles, au cœur de Paris, il est aimanté par un guitariste de rue qui reprend « Starfish and Coffee » de Prince. « J’écoute ça, je trouve ça incroyable et je vois un ‘black’, beau et magnétique ». Cohen Solal vient de découvrir Keziah Jones et son blufunk.

A force d’obstination, il lui décroche son premier contrat et les deux artistes ne se sont jamais quittés, publiant en 2023 « Class of 89 » pour célébrer leur amitié plus que pour prendre la lumière.

De fait, même au sommet de la vague Gotan, Cohen Solal est resté dans l’ombre. Sur scène, il insistait pour qu’une immense toile le dissimule au public, ainsi que les autres musiciens, pendant les premiers morceaux. « C’était comme un effeuillage », se remémore-t-il.

Cela ne l’empêche pas d’avoir une vision claire, quasi mystique, de ce qu’il faut pour faire grandir un projet. A l’époque de Gotan, il songeait à projeter, pendant les concerts, un petit film le temps d’un changement de scénographie et n’en démordait pas: il fallait que l’acteur américain Adrien Brody y figure.

Malgré l’incrédulité générale, ce projet fou s’est concrétisé et le comédien oscarisé fait désormais partie de ses proches et a même posé son flow sur huit morceaux de rap que les deux hommes ont enregistrés ensemble. Pas à New York ou Londres mais, faut-il le préciser, à Paris, dans le Xe arrondissement.

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