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A Charlottesville, des signes d’une haine qui a choqué une nation

Emma Kaplan, 30 ans, s'est souvenue de ses ancêtres assassinés à Auschwitz. Benji Buckles, 24 ans, ne voit aucun problème dans l'appel 'Les juifs ne nous remplaceront pas'

Eric Cortellessa couvre la politique américaine pour le Times of Israël

Des centaines de suprématistes, de néo-nazis et de membres de l'extrême-droite américaine à Charlottesville, en Virginie, le 12 août 2017. (Crédit : Chip Somodevilla/Getty Images/AFP)
Des centaines de suprématistes, de néo-nazis et de membres de l'extrême-droite américaine à Charlottesville, en Virginie, le 12 août 2017. (Crédit : Chip Somodevilla/Getty Images/AFP)

CHARLOTTESVILLE, Virginie — Il a fait la route depuis le Tennessee. Il a posé des heures pour se libérer de son emploi de gardien de sécurité, il s’est éloigné de ses deux enfants. Il a payé un billet d’avion et le prix d’une chambre d’hôtel pour pouvoir être là pour un moment profond qui, pensait-t-il, pourrait faire évoluer les consciences dans la nation.

Benji Buckles, 24 ans, voulait être là pour le rassemblement « unir la droite » organisé dans une ville pittoresque qui accueille l’université de Virginie. Cet établissement d’enseignement chic a été créé par Thomas Jefferson, l’un des pères fondateurs des Etats-Unis et leur troisième président. Il est une âme soeur de Richard Spencer, suprématiste blanc et personnalité incontournable de l’alt-right qui a aidé à l’organisation de la manifestation.

L’alt-right, désignation informe qui comprend dans ses rangs toute une gamme de groupes suprématistes blancs, de nationalistes blancs et de néo-nazis, c’est bien ce qui a motivé à la base le déplacement de Buckles, déterminé à se joindre au rassemblement s’opposant à un projet de la ville d’enlever une statue du général confédéré Robert E. Lee qui était installée à l’Emancipation Park.

S’exprimant dans les rues arides et calmes après le chaos de la journée, qui a atteint son apogée lorsqu’un habitant de l’Ohio de 20 ans au volant d’un Dodge Challenger a foncé dans une foule de contre-manifestants, tuant une personne et faisant 19 autres blessés, Buckles explique qu’il ne s’identifie pas en tant que nationaliste blanc ou néo-nazi.

Il fait plutôt partie, dit-il, d’une faction « alt-libertarienne » de l’alt-right, qu’il ne parvient pas véritablement à définir mais qui, selon lui, s’oppose au « post-modernisme et au collectivisme ».

Interrogé par le Times of Israel pour savoir s’il se reconnaît dans certains des thèmes centraux et des slogans scandés lors du rassemblement, s’il a le sentiment que les blancs sont opprimés en Amérique et s’il n’a pas été troublé par les insignes nazis omniprésents lors de la manifestation, et sur ce qu’il a pensé des appels affirmant que « les Juifs ne nous remplaceront pas », l’homme semble toutefois moins désapprobateur.

« Il n’y a pas de problèmes avec la défense de nos intérêts. Je veux dire que ‘nous ne nous ferons pas remplacer ».

La journée

Vandredi, l’ADL (Anti-Defamation League) a publié un rapport disant que le rassemblement organisé serait « la plus grande réunion de suprématistes blancs en une décennie ». Samedi, il a été prouvé qu’il avait été également le plus sanglant. Cette ville bucolique qui, dans une semaine, verra des milliers d’étudiants envahir son fameux campus au style géorgien, ne l’oubliera jamais.

Après que des centaines de suprématistes blancs, des torches à la main, ont défilé à travers le campus dans la nuit de vendredi, scandant des slogans racistes et affrontant des groupes de contre-manifestants, samedi a été une journée de chaos intense.

Même avant l’attaque à la voiture-bélier, il y a eu moult railleries racistes émaillées d’explosions de violence. Joe Heim, du Washington Post, a rapporté sur Twitter que des hommes blancs portant le drapeau confédéré avaient hurlé sur une afro-américaine qui passait dans la rue : « Retourne en Afrique » tout en la qualifiant de « négresse ». Des épisodes comme celui-là se sont multipliés aux côtés d’échauffourées, de poussées, et de bagarres déclarées.

Affrontement entre néonazis et contre-manifestants à Charlottesville, en Virginie, le 12 août 2017. (Crédit : Chip Somodevilla/Getty Images/AFP)
Affrontement entre néonazis et contre-manifestants à Charlottesville, en Virginie, le 12 août 2017. (Crédit : Chip Somodevilla/Getty Images/AFP)

Les choses ont tellement dégénéré que le gouverneur de Virginie, Terry McAuliffe, a déclaré l’état d’urgence et demandé à la garde nationale de rejoindre les polices locale et d’état pour aider à disperser les manifestants dans le secteur et pour apaiser la situation.

C’était avant l’attaque à la voiture-bélier meurtrière qui a tué une jeune femme de 32 ans. Une vidéo a montré un véhicule Dodge Challenger lancé en direction d’une foule amassée, et puis reculant pour s’échapper. L’attaquant présumé a ensuite été identifié et s’appelle James Alex Fields Jr.

Les opposants à l’alt-right de tout le pays voulaient également être présents lors de cet événement historique, bien avant le déroulement des événements de la journée.

« Je suis là parce que je pense que c’est de notre responsabilité d’arrêter le fascisme qui est implanté en Amérique. Et je ne dis pas cela en utilisant une hyperbole », dit Emma Kaplan, venue à Charlottesville depuis Brooklyn. « Je sais ce que ça veut dire. Je suis une survivante de l’Holocauste de la seconde génération. Mes arrière-grands parents ont été assassinés à Auschwitz.”

Emma Kaplan, 30, à côté du mémorial construit pour la victime d'une attaque à la voiture-bélier lors du rassemblement "Unir la droite" à Charlottesville, en Virginie, le 12 août 2017 (Crédit : Eric Cortellessa/Times of Israel)
Emma Kaplan, 30, à côté du mémorial construit pour la victime d’une attaque à la voiture-bélier lors du rassemblement « Unir la droite » à Charlottesville, en Virginie, le 12 août 2017 (Crédit : Eric Cortellessa/Times of Israel)

Cette jeune femme de 30 ans affirme voir une ressemblance entre les tactiques du rassemblement et ce qu’avaient vécu ses arrière-grands-parents dans l’Europe de 1930.

« Cela a commencé en ciblant différents groupes. Ces groupes sont des ennemis. Ils sont indésirables. Puis on a déchaîné les foules contre eux. Je veux dire, écraser ces manifestants. Je ne peux pas m’empêcher de penser à la nuit de Cristal. A la manière dont ils allaient terroriser tout le monde, à la manière dont ils sont arrivés avec leurs torches la nuit dernière, près d’une église, un lieu de culte. C’est très, très dangereux ».

Kaplan s’est entretenue avec le Times of Israel peu de temps après que le président américain Donald Trump s’est adressé à la nation, disant qu’il condamnait « dans les termes les plus forts possibles cet affichage incroyable de haine, de fanatisme et de violences, de tous les côtés, de tous les côtés ».

Ses paroles ont rapidement suscité l’indignation, un grand nombre considérant qu’elles suggéraient une équivalence entre les suprématistes blancs et les contre-manifestants, tout en ne parvenant pas à préciser de quel côté se trouvait réellement le mal.

Un mémorial au parc McGuffey Park pour la victime décédée lors d'une attaque à la voiture bélier au rassemblement "Unir la droite" de Charlottesville, en Virginie, le 12 août 2017 (Crédit : Eric Cortellessa/Times of Israel)
Un mémorial au parc McGuffey Park pour la victime décédée lors d’une attaque à la voiture bélier au rassemblement « Unir la droite » de Charlottesville, en Virginie, le 12 août 2017 (Crédit : Eric Cortellessa/Times of Israel)

Se tenant à proximité du mémorial dressé dans le parc McGuffey de Charlottesville en hommage à la jeune femme décédée dans l’attaque à la voiture-bélier, Kaplan évoque les propos tenus par Trump et la rhétorique utilisée pendant sa campagne de 2016, que citent les personnalités de l’alt-right lorsqu’elles expliquent le soutien qu’elles apportent au président. « Voilà ce que Trump a déchaîné », dit-elle.

« Cela donne des frissons », ajoute-t-elle. « Cela donne des frissons mais c’est la réalité, et il faut qu’on s’en occupe ».

Durant le reste de la journée, la Maison Blanche a maintenu sa déclaration selon laquelle ce qu’il s’est passé à Charlottesville relève de la responsabilité de toutes les parties impliquées. Ce n’est qu’à 0:09 dimanche, après que la controverse a fait les gros titres et qu’elle a envahi les fils d’actualité pendant des heures, qu’un porte-parole de l’administration – et non Trump lui-même – a tenté d’atténuer la consternation.

« Le président a très fortement affirmé dans sa déclaration d’hier qu’il condamne toutes les formes de violence, de fanatisme et de haine », a indiqué le responsable dans un courriel. « Bien sûr, cela comprend les suprématistes blancs, le KKK, les néo-nazis et tous les groupes extrémistes. Il a appelé à l’unité nationale et au rassemblement de tous les Américains ».

Ici, à Charlottesville, il est difficile d’imaginer des Américains aussi différents que Bickles et Kaplan tenir compte de l’appel de Trump.

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