À Gaza, les hôpitaux « privilégient » les patients les plus aptes à survivre
L'Hôpital européen, qui devait accueillir 240 personnes, en soigne plus d'un millier et il héberge des Gazaouis déplacés ; le système de santé est "en train de s'effondrer totalement", selon un praticien
KHAN YOUNES, Gaza — Les personnels et les équipements manquent tellement à l’Hôpital européen de Gaza que les équipes médicales sont dans l’obligation de prendre des décisions insupportables et de trier les patients qu’ils peuvent accepter – laissant de nombreux malades et autres personnes blessées, dont la vie est menacée, sans possibilité d’être pris en charge.
L’Hôpital européen, dans le sud de Gaza, à Khan Younès, devait initialement accueillir 240 personnes mais il soigne actuellement environ un millier de patients et de nombreux Gazaouis déplacés par les combats ont trouvé un refuge dans ses couloirs, selon les médecins.
« Nous devons souvent décider quel patient aura la priorité », explique Ahmed El Mokhallalati, chirurgien plastique, qui ajoute que cela implique de concentrer les efforts livrés par les équipes médicales sur ceux qui ont le plus de chance de survie et de négliger ceux « qui sont dans une mauvaise situation et qui nécessiteraient d’importants soins ».
« Nous avons perdu de nombreux patients parce que nous n’avons pas été en mesure de fournir les services qui étaient indispensables dans leur cas. A un moment, nous ne prenions pas de patient gravement brûlé parce que nous savions que les moyens de l’unité de soins intensifs ne permettraient pas de les prendre en charge ».
Mokhallalati évoque des amputations faites par les médecins sur des personnes qui avaient d’ores et déjà perdu leur famille toute entière, ajoutant qu’il éclatait souvent en sanglots « parce que nous ne pouvons pas apporter les soins qui seraient pourtant nécessaires ».
Les hôpitaux, à Gaza, sont en grande difficulté dans le contexte de la guerre en cours entre le Hamas et Israël. Une guerre qui avait éclaté après l’assaut commis par le groupe terroriste sur le sol israélien, une attaque qui avait fait environ 1 200 morts, des civils en majorité. En cette journée du 7 octobre, environ 3 000 hommes armés avaient franchi la frontière séparant Israël et la bande de Gaza et ils avaient semé la désolation dans le sud du pays, commettant un massacre. Ils avaient aussi enlevé 253 personnes, prises en otage dans la bande de Gaza. La moitié d’entre eux se trouve encore aujourd’hui dans les geôles du Hamas.
Israël a lancé, en guise de riposte, une campagne aérienne, terrestre et maritime dont l’objectif est d’écarter le Hamas du pouvoir, de le détruire et de garantir le retour des otages.
Plus de 27 000 Palestiniens ont été tués à Gaza dans le cadre de l’offensive, selon le ministère de la Santé placé sous l’autorité du Hamas. Des chiffres invérifiables, qui ne font pas la distinction entre civils et hommes armés et qui comprendraient aussi les Palestiniens ayant perdu la vie suite aux tirs de roquette errants des factions terroristes, qui ont manqué leur cible et qui sont retombées au sein de l’enclave. L’armée israélienne, pour sa part, dit avoir tué plus de 10 000 terroristes à Gaza en plus d’un millier d’hommes armés sur le sol israélien, le 7 octobre.
La majorité des hôpitaux de l’enclave ont fermé, certains d’entre eux ayant été directement frappés ou ayant fait l’objet de raids, et ceux qui sont encore ouverts sont sous la pression croissante de l’avancée des troupes israéliennes. Israël a prouvé que le Hamas utilisait les hôpitaux à des fins terroristes et affirme que le groupe pille les aides humanitaires pour les détourner au profit de ses hommes armés, privant la population civile de ces ressources.
Thaer Daifallah, chirurgien spécialiste du visage, dit que l’hôpital manque de tout, même des produits les plus basiques.
« J’ai envie de dire que les soins de santé sont en train de complètement s’effondrer et qu’il faudra des années pour revenir à la normale », ajoute-t-il.
Les hôpitaux voisins, comme l’hôpital Al-Amal qui a subi plusieurs frappes au cours de ces dernières semaines, pourraient avoir des difficultés à continuer à accueillir les patients, a expliqué Tommaso Della Longa, porte-parole de la Fédération internationale de la Croix Rouge et du Croissant rouge, dans la journée de mardi.
« Je ne veux même pas envisager la possibilité de voir Al-Amal fermer ses portes dans les jours qui viennent mais la réalité, c’est que si la situation ne change pas, alors il sera très difficile de maintenir les activités de l’hôpital », a-t-il dit au cours d’une conférence de presse organisée à Genève.