« À quoi servent ces guerres ? » : la ville de Tamra ébranlée par une frappe iranienne
Des centaines de personnes ont accompagné Raja Khatib lors des funérailles de sa femme, de ses deux filles et de sa belle-sœur, toutes tuées par un missile balistique
« Dans le nord d’Israël, la ville arabe de Tamra a payé un lourd tribut à la guerre en cours entre l’Iran et Israël. Un missile balistique a en effet frappé une maison de cette petite communauté, tuant quatre personnes et bouleversant la vie des résidents.
Des centaines d’habitants se sont rassemblés mardi dans les rues étroites de Tamra pour pleurer les victimes. Le cortège a suivi les cercueils en bois ornés de couronnes colorées jusqu’au cimetière de la ville.
Aux yeux de certains, cette frappe iranienne a mis en évidence les inégalités dont souffre la minorité arabe d’Israël en matière de protection. Pour d’autres, elle n’a fait qu’illustrer l’indifférence cruelle de la guerre.
Raja Khatib a perdu sa femme, deux de ses filles et une belle-sœur dans l’attaque.
« Si seulement ce missile m’avait touché aussi. Je serais avec eux, et je ne souffrirais plus », a déclaré Khatib à l’AFP.
« Je vous le dis : il ne faut plus de victimes. Cette guerre doit cesser. »

Après cinq jours de combats, les barrages répétés lancés par l’Iran ont tué 24 personnes et blessé des centaines d’autres en Israël.
Les systèmes sophistiqués de défense aérienne d’Israël sont parvenus à intercepter la majorité des missiles et des drones qui ciblaient le pays. Mais certains ont réussi à passer au travers.
Les missiles balistiques iraniens, d’une dimension proche de celle d’un wagon et dotés d’une charge utile pouvant peser des centaines de kilos, peuvent être dévastateurs lorsqu’ils atteignent leur cible.
Une seule frappe peut largement endommager un pâté de maisons et ouvrir des trous béants dans un immeuble résidentiel. L’onde de choc peut quant à elle faire éclater les fenêtres et causer d’importants dégâts aux abords de l’impact.
Les destructions provoquées par ces missiles ont atteint un niveau sans précédent en Israël, même après 20 mois de guerre continue à la suite du massacre mené par le Hamas le 7 octobre 2023, dans le sud d’Israël.
Outre Tamra, les barrages iraniens ont également touché des zones résidentielles de Tel Aviv, Bat Yam, Bnei Brak, Petah Tikva et Haïfa.
Discrimination
Mardi, dans le cortège qui suivait les cercueils à travers Tamra, une parente des victimes s’est évanouie de chagrin, secourue par un groupe de femmes lui passant de l’eau fraîche sur le visage.
Au cimetière, on pouvait voir des hommes se serrer dans les bras et de jeunes filles pleurer devant les tombes fraîchement creusées.
Depuis vendredi, jour où Israël a lancé une campagne aérienne surprise visant son programme nucléaire, l’Iran continue à riposter par des tirs quotidiens sur l’État juif.
Selon les autorités de la République islamique, les frappes aériennes israéliennes ont tué au moins 224 personnes, incluant des responsables militaires, des scientifiques nucléaires et des civils, sur le sol iranien.
Aucune des deux parties au conflit ne semble encore entendre les nombreux appels à la désescalade.

En Israël, les fréquentes alertes ont maintenu les habitants à proximité des abris antiaériens. Dans tout le pays, les rues se sont vidées et les magasins ont fermé.
Mais certains membres de la minorité arabe du pays ont fait valoir que le gouvernement n’avait pas suffisamment agi pour les protéger. Ils soulignent l’inégalité d’accès aux abris publics, qui permettent de survivre aux barrages.
Au sein de la minorité arabe d’Israël, certains s’identifient comme Arabes israéliens. D’autres se considèrent comme des citoyens palestiniens d’Israël. Ils représentent environ 20 % de la population du pays.
La communauté a confié se sentir souvent discriminée par la majorité juive d’Israël.
« L’État, malheureusement, fait toujours la distinction entre les différentes communautés », a publié sur les réseaux sociaux Ayman Odeh, le président Arabe israélien de la faction Hadash de Hadash-Taal, après un déplacement à Tamra en début de semaine.
« Tamra n’est pas un village. C’est une ville dépourvue d’abris publics », a ajouté Odeh. C’est également le cas pour 60 % des « autorités locales » – le terme israélien désignant les communautés non officiellement enregistrées comme villes, dont beaucoup sont majoritairement arabes -, a-t-il affirmé.
Mais pour des habitants comme Khatib, le mal est déjà fait.
« À quoi servent ces guerres ? Faisons la paix, pour le salut de nos deux peuples », a-t-il indiqué.
« Je suis musulman. Ce missile a tué des musulmans. Est-ce qu’il a fait une différence entre Juifs et musulmans ? Non. Quand il frappe, un missile ne fait aucune distinction. »