Alain Delon : un monstre sacré et un rôle culte dans « Mr. Klein »
L'acteur, connu dans le monde entier, est décédé cette nuit, laissant en héritage une impressionnante filmographie ; il avait manifesté son soutien à Israël en 1967
Un grand fauve est mort, qui fascinait et divisait à la fois. Icône du cinéma mondial, acteur instinctif à la beauté incandescente mais aussi réac assumé à l’ego énorme, Alain Delon s’est éteint dimanche à l’âge de 88 ans, suscitant une pluie d’hommages.
« Alain Fabien, Anouchka, Anthony, ainsi que (son chien) Loubo, ont l’immense chagrin d’annoncer le départ de leur père. Il s’est éteint sereinement dans sa maison de Douchy, entouré de ses trois enfants et des siens », affirment-ils d’une même voix, tournant le dos à des mois de bisbilles.
Loin des acteurs cérébraux, Delon était un instinctif de génie. Il s’enorgueillissait de n’avoir jamais travaillé sa technique et s’appuyait sur son charisme, mélange unique de beauté incandescente et de froideur cassante.
Nombre des films dans lesquels Delon a joué sont des monuments du septième art.
Après « Le Guépard » et « La Piscine », il a joué dans un film de Joseph Losey, « Mr. Klein ». Il y incarne un riche marchand d’art qui, en 1942, accroît encore sa richesse en rachetant des œuvres possédées par des Juifs. Lorsque Klein découvre qu’il a un homonyme juif dont il reçoit le courrier, son premier réflexe est de contacter les affaires juives.
Cette démarche a le double effet de mettre en branle la machine infernale qu’est Vichy et de pousser Klein à essayer de percer coûte que coûte l’identité de son homonyme. Klein va alors reléguer petit à petit sa vie au second plan, et vivre une véritable descente aux enfers.
Tourné en 1975-76, ce film se déroule dans un Paris occupé où le spectateur est confronté à l’ignominie du régime de Vichy et de ses lois anti-juives – alors que la France a mis beaucoup de temps avant de commencer à faire face à sa collaboration active.
« Il y a tellement de choses de moi dans ce film. Mon amour des tableaux, ce rapport ambigu avec les gens, cette espèce de jeu où je suis Monsieur Klein sans savoir pourquoi », avait affirmé Alain Delon à propos du rôle initialement destiné à Jean-Paul Belmondo.
De son côté, le réalisateur a expliqué que « le thème de M. Klein, c’est l’indifférence, l’inhumanité de l’homme envers l’homme. Plus précisément, le film traite de l’inhumanité de la population française à l’égard de certains de ses représentants […] C’est un film qui montre ce que des gens très ordinaires, tels que nous pouvons en rencontrer autour de nous, sont capables de faire subir à d’autres gens ordinaires… »
En effet, Joseph Losey livre une réflexion passionnante sur la logique de déshumanisation à l’œuvre pendant la Seconde Guerre mondiale, une logique selon laquelle un nom interchangeable conduit à la rafle et la déportation.
Pourtant, le film n’a pas rencontré le succès espéré au moment de sa sortie et a fait perdre beaucoup d’argent à Delon qui l’a par ailleurs produit. En dépit des trois César qu’il reçoit, « Mr. Klein » reçut un accueil tiède de la critique de l’époque.
L’affiche avec le visage de Delon dans une étoile jaune choqua le public de l’époque. À Cannes, le film repartit bredouille avant d’être présenté en copie restaurée en 2019, lors de la remise d’une Palme d’or d’honneur au vieux lion du cinéma. Entre larmes et discours aux accents testamentaires, l’acteur avait déclaré : « C’est un peu un hommage posthume, mais de mon vivant. »
Homme de droite, Alain Delon ne s’est que peu exprimé publiquement sur des questions de politique étrangère. Le 31 mai 1967, néanmoins, il avait participé à une manifestation pro-Israël à l’ambassade israélienne, à Paris, entouré de sa compagne Nathalie Delon et de ses amis Johnny Hallyday, Claude Lelouch et Régine. Des photos de ce moment ont été publiés en ligne.