Alors que le feu ravage le sud, les forestiers tentent de « sauver chaque arbre »
Plus de 1 750 hectares ont brûlé dans la périphérie de Gaza, la majorité dans les réserves naturelles et les parcs, détruisant les bosquets plantés il y a des décennies
Habituellement, la forte brise de l’ouest qui vient de la Méditerranée dans la réserve naturelle de Beeri, à la frontière avec Gaza, est un répit bienvenu dans la chaleur du désert. Mais ces jours-ci, quand le vent se lève à l’ouest, Dani Ben David regarde vers le ciel et sort son talkie-walkie, en attendant les signalements du prochain incendie.
En tant que directeur de la région du Neguev occidental pour le Keren Kayemeth LeIsrael (KKL)/Jewish National Fund, Ben David a vu des milliers d’hectares brûler au cours des six dernières semaines à cause des cerfs-volants incendiaires venant de Gaza.
Depuis que les manifestations de la « Marche du retour » ont commencé le long de la frontière de Gaza à la fin du mois de mars, des centaines de cerfs-volants et de ballons d’hélium ont été envoyés en Israël équipés de cocktails Molotov et de conteneurs de carburant enflammé, incendiant de vastes étendues de terre, bien que personne n’ait été blessé.
Les autorités israéliennes ont déclaré que les incendies ont détruit plus de 1 750 hectares de terres, dont la majorité dans des réserves naturelles et des parcs.
Il y a eu au moins 285 incendies différents dans les réserves naturelles du KKL/JNF depuis le 11 avril, qui ont brûlé 300 hectares de réserves naturelles dans les forêts de Beeri et de Kissufim, a déclaré Ben David. Selon l’Autorité de la nature et des parcs, un total de 1000 hectares dans les parcs et réserves du sud d’Israël ont été incendiés, dont les parcs du KKL/JNF. Les incendies ont également brûlé 750 hectares supplémentaires de terres agricoles, principalement des pâturages pour le bétail, mais aussi des parties de certains champs.
Dimanche, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a ordonné que des fonds destinés à l’Autorité palestinienne soient confisqués afin d’indemniser les agriculteurs israéliens vivant à la frontière de Gaza dont les terres agricoles ont été détruites.

L’autorité fiscale israélienne a déclaré que les dommages agricoles s’élevaient à eux seuls à 5 millions de shekels (1,4 million de dollars) et que les dommages causés aux réserves naturelles et à d’autres terres pourraient faire grimper ce chiffre.
Mardi, le KKL a annoncé son intention de poursuivre le Hamas devant les tribunaux internationaux pour les préjudices causés par les incendies.
« Il est inconcevable que la communauté internationale permette au Hamas de ne pas être tenu responsable et de ne pas payer pour ses actes criminels – non seulement contre les citoyens de l’État d’Israël, mais aussi contre l’environnement, qui a été gravement touché par ce terrorisme environnemental criminel », a déclaré Daniel Atar, président mondial du KKL-JNF, après avoir visité la région sinistrée mardi.
« Le Hamas vient de faire la démonstration qu’il n’a aucune humanité », a ajouté Atar. « Pas seulement envers les êtres humains, mais aussi envers les animaux et les richesses naturelles. »
Cerfs-volants faits de journaux, de devoirs d’enfants.
Certains cerfs-volants étaient encore éparpillés sur le sol de la forêt cette semaine, après avoir atterri sans causer de dommages dans des zones qui avaient été brûlées auparavant. Ben David a pris un des cerfs-volants, dont la queue était faite de bandes de journaux et de devoirs d’enfants. Les cerfs-volants sont uniformes, avec la même forme hexagonale et la même construction en balsa.

« Regardez ça, ça ne prend que 10 minutes à fabriquer, et ça coûte, je ne sais pas, peut-être quelques shekels, et ça cause des centaines de milliers de dollars de dégâts, » disait-il, alors que ses chaussures crissaient sur le sol brûlé de la forêt.
« C’est aussi dangereux qu’une roquette, une bombe ou un couteau », a déclaré Ben David, dans une partie de la forêt de Beeri qui se trouve à quelques centaines de mètres de la frontière de Gaza. « Ça a l’air inoffensif, comme quelque chose avec lequel on jouait quand on était gosses. Il y a deux mois encore, j’adorais les cerfs-volants. »
Ben David a indiqué que l’uniformité des cerfs-volants prouve qu’il s’agit d’un effort terroriste concerté et non pas d’une simple activité pour les enfants qui s’ennuient.
Récemment, une nouvelle tactique d’incendie criminel est devenue de plus en plus populaire le long de la frontière de Gaza. Au lieu de cerfs-volants, un autre jouet pour enfants est envoyé en Israël : des ballons d’hélium. Les ballons ont des éléments inflammables attachés à leurs extrémités, ce qui déclenche des incendies.

L’armée israélienne tente d’abattre les cerfs-volants et les ballons avec des drones, avec un certain succès. Mais ils continuent à arriver.
« Nous nous battons pour chaque arbre »
Les forêts de la périphérie de Gaza ne sont pas des forêts naturelles. Bien qu’il y avait beaucoup d’arbres dans la région, la plupart ont été abattus à l’époque ottomane. Dans les années 1960 et 1970, les kibboutzim et les moshavim locaux ont commencé à planter des milliers d’eucalyptus, de pins et de mesquites résistants à la sécheresse, créant ainsi un réseau de petites forêts.
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La région est célèbre pour la floraison des anémones rouges (kalaniyot) chaque hiver, quand le tapis de fleurs rouges attire des dizaines de milliers d’Israéliens dans la région pour le festival Darom Adom. Le festival Darom Adom (Sud Rouge) est l’un des plus grands moteurs économiques pour le tourisme dans la région. Mais les forêts de la périphérie de Gaza attirent les visiteurs toute l’année et accueillent certaines des meilleures pistes de VTT du pays.
Parce que les forêts ne sont pas naturelles, chaque bosquet est comme un écosystème fermé qui ne se connecte pas géographiquement à une forêt plus grande. Cela signifie que lorsqu’un bosquet prend feu, tous les animaux qui s’y trouvent à ce moment-là sont piégés. En éteignant les feux, les forestiers locaux ont trouvé des dizaines de tortues, de serpents et de lézards morts.

« Dans les zones agricoles, ils pourront à nouveau planter cet hiver », a dit Ben David. « Mais avec les forêts, il faut attendre et voir. Ce n’est qu’après les pluies d’hiver que nous saurons combien d’arbres nous avons perdus. »
Ce ne sera que quelques années après l’incendie que KKL recommencera à planter des arbres. Il faut 15 ans aux eucalyptus pour atteindre leur pleine hauteur, bien que les eucalyptus aient une meilleure chance de survivre aux incendies.
Pendant la guerre de Gaza en 2014, plus de 350 hectares de terres protégées et de parcs ont brûlé, principalement à cause des tirs de roquettes en provenance de Gaza. Ben David a déclaré que le fait de voir les incendies pour la deuxième fois ne rendait pas les choses plus faciles, bien qu’il sache mieux à quoi s’attendre.
« Avec l’opération Bordure protectrice, nous savions que les incendies prendraient fin avec le cessez-le-feu », a-t-il dit. « Mais aujourd’hui, nous ne savons pas comment cela va se terminer. En attendant, nous nous battons pour chaque arbre. »
Quinze employés du KKL de la région sud se consacrent à plein temps à la lutte contre les incendies qui se déclarent presque quotidiennement. La pire journée jusqu’à présent a été marquée par 22 incendies, tandis que la journée de la Naksa de mardi a enregistré 15 incendies.
Au moins 10 pompiers à plein temps sont sur les lieux, se précipitant de bosquets en bosquets, utilisant des lances à haute pression pour s’assurer que les incendies soient totalement éteints. Une odeur de fumée flotte dans l’air.

Ben David a expliqué qu’il est difficile de repérer les cerfs-volants, faits de plastique transparent, dans le ciel, et qu’ils ont souvent du mal à les suivre.
Les chefs des collectivités locales de la périphérie de Gaza ont envoyé une lettre à Netanyahu, au ministre des Finances Moshe Kahlon et au ministre de l’Intérieur Arye Deri, appelant à une augmentation des subventions dans la région, compte tenu de la précarité de la situation sécuritaire.
« Il y a quelques semaines, près de 200 obus de mortier et roquettes Qassam ont atterri dans les communes de la périphérie de Gaza, rappelant douloureusement que la périphérie de Gaza est confrontée à un mode de vie fragile et compliqué, sous une menace constante pour ses habitants », ont écrit les maires locaux.
L’Autorité de la Nature et des Parcs a des employés qui montent la garde sur les sommets des collines au sud, utilisant des jumelles pour balayer le ciel dans l’espoir de repérer où les cerfs-volants tomberont.
L’Autorité des Parcs dispose également d’un chien de berger belge entraîné à renifler les foyers d’incendie. Smokey Jack et ses maîtres-chiens patrouillent la zone, à la recherche de parties des incendies qui n’ont pas été correctement éteints et qui pourraient se rallumer.
Parmi les bosquets incendiés, les monuments commémoratifs
« Cela peut paraître bien noir maintenant, mais cette noirceur ne nous brisera pas ; nous allons faire en sorte que tout redevienne vert l’année prochaine », a déclaré Rafi Babayan, le chef de la sécurité du conseil régional de Sdot HaNegev, face au cratère calciné de Beeri, près du kibboutz Alumim. Des bouts de cahiers de devoirs d’enfants, des morceaux de cerfs-volants, sont éparpillés dans la région. « L’oiseau s’est envolé », lit-on dans un fragment, pris dans les brins d’herbe noircie, se tortillant dans le vent.

Le même vent qui pousse les cerfs-volants de Gaza en Israël fait se propager les flammes rapidement à travers une zone. Cela signifie que les foyers brûlent des bandes plus larges mais se déplacent rapidement avant qu’ils n’aient une chance de tuer toutes les plantes. Les animaux qui peuvent se cacher dans des terriers profonds, comme les serpents, peuvent avoir survécu aux incendies.
Il y a une partie de la forêt qui a une place spéciale dans le cœur de Babayan : le puits de Marva, une zone de la forêt de Beeri qui porte le nom de sa fille, morte d’un cancer à l’âge de 18 ans, juste après l’opération Bordure protectrice.
« Quand j’ai entendu à la radio que le puits de Marva était en feu, je me suis précipité là-bas », raconte-t-il. « Sur le chemin, c’était difficile, je pensais à beaucoup de choses. Mais quand je suis arrivé, j’ai vu tous ces gens qui ont accouru de partout pour m’aider, et j’étais si fier ».
Environ 1,5 hectare du puits de Marva a brûlé avant que les pompiers ne parviennent à maîtriser l’incendie.

« Chaque bosquet est important pour nous, et nous sommes tristes de le voir brûler », a déclaré Babayan. « Mais nous sommes encore plus tristes de regarder dans les yeux des agriculteurs qui ont perdu des champs entiers, et dans ceux des forestiers qui ont planté ces arbres. »
Ben David a travaillé pour le KKL pendant 30 ans, et son père a également travaillé pour le KKL pendant 40 ans. Ben David a dit qu’enfant, il connaissait personnellement plusieurs des forestiers qui ont planté les grands bosquets d’arbres dans la région. Certains sont morts depuis, mais d’autres regardent le travail de toute leur vie s’envoler en fumée.
Depuis un mémorial dédié aux soldats australiens et néo-zélandais qui ont combattu dans la région pendant la Première Guerre mondiale, il y a un panorama de la ville de Gaza et de la mer Méditerranée au-delà. Ben David contemple des hectares de forêt carbonisée.
« Nous avons l’habitude de parler du Sud Rouge [Darom Adom], mais maintenant il va falloir parler du Sud noir, » disait-il, alors que son talkie-walkie crépitait avec les signalements d’un autre incendie, et que la fumée montait. Une conséquence involontaire de ces incendies est que cela pourrait être bon pour les fleurs de kalaniyot lors du prochain festival Darom Adom.

Les Kalaniyot sont des géophytes, c’est-à-dire que leurs graines ressemblent à des oignons et sont protégées sous terre. Ils rivalisent avec les graminées pour la prédominance. Comme le feu a éliminé les graminées, les kalaniyot n’auront pas de concurrence et on s’attend à ce que les collines soient recouvertes de rouge en janvier prochain d’une vigueur renouvelée.
Du point de vue de la perspective, Gaza est si proche qu’on peut la toucher. Un immense dépôt d’ordures de Gaza se trouve à quelques centaines de mètres de là, et au-delà, la Méditerranée scintille.
« La nature ne se soucie pas de savoir qui est l’ennemi, » poursuit Ben David. « En tant que forestier, c’est triste pour moi de voir tous ces arbres qui meurent. Mais la nature ne comprend pas la situation politique. C’est toujours la nature qui souffre, c’est toujours elle la perdante. »
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