Israël en guerre - Jour 349

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"Le sentiment d'être chez soi, ça ne s'explique pas"

Après le 7 octobre, rentrer « chez soi » dans un kibboutz attaqué par le Hamas

Avant le 7 octobre, Kfar Aza comptait quelque 800 résidents. Plus de 60 personnes ont été tuées dans l'attaque du Hamas, 18 prises en otage - dont 5 sont encore otages à Gaza

Vue des restes d'une maison détruite par les terroristes du Hamas le 7 octobre 2023, dans le kibboutz Kfar Aza, près de la frontière entre Israël et Gaza, dans le sud d'Israël, le 2 novembre 2023. (Crédit : Arie Leib Abrams/Flash90)
Vue des restes d'une maison détruite par les terroristes du Hamas le 7 octobre 2023, dans le kibboutz Kfar Aza, près de la frontière entre Israël et Gaza, dans le sud d'Israël, le 2 novembre 2023. (Crédit : Arie Leib Abrams/Flash90)

Les néfliers ploient sous les fruits mais personne n’est tenté de les cueillir au milieu des maisons abandonnées de Kfar Aza. Sauf Shar Shnurman, le premier survivant de l’attaque du Hamas le 7 octobre à être revenu habiter ce kibboutz israélien.

« Tout le kibboutz est mon jardin maintenant », clame ce doux géant en désignant la végétation généreuse où se détache la couleur des agrumes et des nèfles.

Récolter des fruits, siroter un café sur sa terrasse, et organiser un barbecue tous les lundis : c’est ainsi que Shar Shnurman s’efforce de « mener une vie normale dans un endroit anormal », depuis qu’il s’est réinstallé avec sa femme, Ayelet Khon, dans un des kibboutz du sud d’Israël décimés par les commandos du Hamas.

Pendant 30 heures terrifiantes, enfermé dans leur pièce sécurisée, le couple a entendu les hommes armés du mouvement islamiste palestinien tuer et détruire autour d’eux.

Shar Shnurman, premier survivant de l’attaque du 7 octobre à être revenu dans ce kibboutz israélien, devant sa maison du kibboutz Kfar Aza, le 16 avril 2024. (Crédit : Menahem Kahana / AFP)

« A un moment les terroristes se sont assis sur la terrasse; d’autres étaient près de la fenêtre de la chambre forte, nous les entendions, nous les sentions », se remémore-t-il.

Quand ils ont été évacués du kibboutz par l’armée, le dimanche 8 octobre, « nous savions que nous allions revenir, pour nous c’était évident », confie M. Shnurman, 62 ans qui a déménagé il y a 20 ans dans ce kibboutz frontalier de Gaza et travaillait comme logisticien dans une usine locale.

Un militaire de Tsahal se tient devant une maison détruite dans la communauté frontalière de Kfar Aza à Gaza, le 20 décembre 2023. (Crédit : Sam Sokol)

« Vous êtes fous »

Le couple est resté plusieurs semaines chez des proches, puis dans un appartement à Tel-Aviv avant de réaliser l’impensable pour la plupart des survivants : réintégrer son domicile dans une communauté encore largement imprégnée des traces de la tuerie.

« Au début, le kibboutz ressemblait à une zone de guerre », raconte M. Shnurman qui a commencé par des visites de quelques heures, en journée, avec la permission de l’armée.

Puis début décembre, le couple a sauté le pas.

« Nous avons dit au responsable de la sécurité du kibboutz ‘nous sommes revenus’, il a dit ‘Vous êtes fous, mais d’accord’. Et depuis, nous sommes ici. »

La première nuit, « ce fut la meilleure de ma vie, assure M. Shnurman. C’est le seul endroit où je dors. L’appartement à Tel-Aviv était très beau, très cher mais je dormais deux heures par nuit. Le sentiment d’être chez soi, ça ne s’explique pas ».

Les combats à Gaza sont pourtant nettement audibles et lorsque les sirènes d’alerte aux roquettes retentissent, les présents ont seulement quelques secondes pour se mettre à l’abri.

Avant le 7 octobre, le complexe de Kfar Aza comptait quelque 800 résidents. Plus de soixante personnes y ont été tuées dans l’attaque du Hamas, 18 prises en otage. Cinq résidents sont encore otages à Gaza.

Sur un bras, M. Shnurman s’est fait tatouer la date de la catastrophe : 07.10.23, « une façon de dire plus jamais ça ».

L’attaque des terroristes du Hamas infiltrés depuis Gaza dans le sud d’Israël a fait 1 170 morts, en majorité des civils, selon un bilan de l’AFP établi à partir de données officielles israéliennes.

Gaza à l’arrière-plan d’un champ du kibboutz Kfar Aza, le 25 janvier 2024. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israel)

Ligne grisâtre à l’horizon, des édifices du territoire palestinien ravagé par la guerre sont visibles au loin, de l’autre côté de la mince clôture métallique qui ceint le kibboutz.

Dans les allées luxuriantes de Kfar Aza, les traces de l’attaque du 7 octobre sont partout : murs incendiés, criblés de balles, inscriptions signalant que telle maison « ne contient plus de restes humains ».

Pendant la journée, l’activité est incessante : soldats, journalistes, volontaires aidant à l’entretien, politiques et personnalités en visite.

Le soir venu, Shar Shnurman et sa femme ne sont plus tout à fait seuls. Une poignée de résidents, « cinq ou six » selon lui, sont revenus dans leurs maisons.

Chen Kotler, 65 ans, en fait partie mais déteste le mot « résilience ». « La tristesse ne partira pas, j’ai peur tout le temps », confie-t-elle, dénonçant le flou du gouvernement sur l’avenir des kibboutzim frontaliers.

Faut-il les transformer en lieux de mémoire ? Y faire revenir des familles ? Tenter de reformer ailleurs ces communautés traumatisées et dispersées ?

« Aujourd’hui je suis à Kfar Aza, dit Chen Kotler, mais demain, je ne sais pas, nous avons besoin d’un sentiment de sécurité ».

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