Arabie : la dynastie des Al-Saoud et son mécanisme de succession
Les origines de la famille qui a donné son nom au pays remontent au 18e siècle : Mohammed ben Saoud veut consolider son pouvoir en s'alliant à un religieux prêchant l'islam dur
La dynastie des Al-Saoud, qui dirige l’Arabie saoudite depuis le début du 20e siècle, est au cœur d’une crise internationale après la disparition du journaliste saoudien critique du pouvoir Jamal Khashoggi.
Le journaliste est entré le 2 octobre dans le consulat saoudien à Istanbul, et n’est pas réapparu depuis.
Des responsables turcs ont accusé Ryad de l’avoir assassiné, ce que le pouvoir saoudien a démenti fermement.
Voici un aperçu de la famille saoudienne régnante et de son mécanisme de succession :
Qui sont les Al-Saoud ?
Les origines de la dynastie Al-Saoud, qui a donné son nom au pays, remontent au début du XVIIIe siècle lorsqu’un seigneur du désert, Mohammed ben Saoud, décide en 1745 de consolider son pouvoir en s’alliant à un religieux prêchant par le sabre le retour à un islam dur, Mohammed ben Abdel Wahab.
En 1902, Abdel Aziz ben Saoud chasse de Ryad le clan rival des Rachidi et entreprend de consolider graduellement son pouvoir en unifiant la péninsule au fil de l’épée.
Il prend le contrôle en 1925 des villes saintes de La Mecque et Médine.
En 1932, il établit le royaume d’Arabie saoudite et se proclame roi.
Pour asseoir son autorité, il multiplie les mariages avec les filles des chefs de tribus. Il eut au total 45 fils. La famille royale compte aujourd’hui environ 25 000 membres, dont 200 princes exercent des fonctions politiques.
A la mort du roi Abdel Aziz en 1953, son fils Saoud, qu’il avait désigné prince héritier, lui succède.
Accusé de mauvaise gestion et de corruption, Saoud est destitué en 1964 par le Conseil des émirs, regroupant les principaux membres de la famille royale. Son demi-frère Fayçal, prince héritier, le remplace.
Architecte d’une politique de modernisation, il est assassiné par un de ses neveux, présenté comme déséquilibré, en 1975.
Son demi-frère Khaled lui succède et règne jusqu’à sa mort en 1982. Le prince héritier Fahd monte alors sur le trône avant qu’Abdallah, de deux ans son cadet, ne lui succède en 2005.
Quel mécanisme de succession ?
Selon la loi saoudienne, le roi doit être un descendant du monarque Abdel Aziz.
En octobre 2006, une réforme des modalités de succession au trône avait été annoncée pour assurer une transition en douceur dans cette monarchie ultra-conservatrice mais, jusqu’ici, ce mécanisme n’a pas toujours été utilisé.
En voici les principaux éléments :
– Création d’un « Conseil d’allégeance », constitué de 35 princes. Il a notamment pour rôle de désigner le prince héritier à la majorité de ses membres.
– Le roi doit proposer au Conseil d’allégeance un, deux ou trois noms pour le poste, lesquels peuvent être rejetés par le Conseil qui propose alors son propre candidat.
– Si ce dernier n’obtient pas l’aval du roi, le Conseil tranche, à la majorité des voix, entre son propre candidat et un candidat désigné par le roi, dans un délai n’excédant pas un mois.
Jusqu’à présent, la désignation du prince héritier était décidée par l’ensemble de la famille des Al-Saoud, qui prenait une décision en principe par consensus.
– Le décret de 2006 stipule qu' »à la mort du roi, le Conseil tient une réunion d’urgence pour déclarer le prince héritier roi ».
– Le nouveau souverain est alors tenu de proposer au Conseil, dans un délai de dix jours, ses candidats au poste de prince héritier ou de demander au Conseil de proposer ses propres candidats à ce poste dans le même délai.
Qui règne actuellement ?
En janvier 2015, le roi Abdallah meurt. Il avait créé la surprise en juin 2012 en choisissant son demi-frère Salmane comme prince héritier, apparemment sans en référer au Conseil d’allégeance.
De même, le roi Salmane surprend en nommant comme prince héritier en juin 2017 son fils Mohammed, alors 3âgé de 1 ans, évinçant son neveu Mohammed ben Nayef.
Depuis sa nomination, Mohammed ben Salmane, dit « MBS », se démarque par un règne entre réformisme et autoritarisme.
Il réprime toute contestation mais a levé l’interdiction de conduire pour les femmes et autorisé l’organisation de concerts ou l’ouverture de cinémas.
Affaire Khashoggi : quel impact ?
Les éventuelles conséquences sont difficiles à prévoir, sur fond de spéculations en Occident selon lesquelles elle pourrait causer une crise au sein de la famille royale.
La politique étrangère du prince héritier, notamment la guerre ruineuse au Yémen, ainsi que la concentration du pouvoir entre ses mains ont suscité une opposition croissante au sein de la famille royale, de milieux d’affaires et religieux, estiment des experts.
« L’opposition au jeune prince héritier dans la famille régnante ira probablement en augmentant », avance le cabinet de conseil Eurasia Group.
« Certains éléments de la famille des Al-Saoud sont convaincus que le prince est imprudent et met en péril la sécurité du pays », indique-t-il.
Avant que l’affaire Khashoggi n’éclate, des rumeurs ont circulé sur une révolution de palais, ce qui est déjà arrivé par le passé, affirme le cabinet Capital Economics.
Théoriquement, le roi Salmane, 82 ans, peut remplacer le prince héritier. Mais des analystes estiment que cette possibilité n’est pas d’actualité à ce stade.