Au tribunal, les « canulars » extrêmes d’Ulcan font encore trembler ses victimes
Ulcan, Grégory Chelly de son vrai nom, 39 ans, résidant en Israël depuis 2013, ne s'est pas présenté ; ses avocats ont quitté la salle au début du procès

Ils ne se connaissent pas mais leurs voix qui tremblent à la barre revivent la même histoire. Au procès, en son absence, du hacker franco-israélien Ulcan, ses victimes ont raconté les « canulars » téléphoniques extrêmes qu’ils ont subis.
Marc Z., 48 ans, un pied abîmé par un accident de travail, s’avance à cloche-pied jusqu’à la barre du tribunal correctionnel de Paris.
En novembre 2014, rappelle la présidente, la police avait reçu l’appel d’un homme « en état de choc ». Il hurle que la femme de son cousin vient de tuer son bébé à coups de couteaux, que le cousin a abattu sa femme à coups de fusil.
Les gendarmes du GIGN, un hélicoptère, des négociateurs, pompiers et ambulances se plantent devant la maison de ce village d’Alsace.
Face au tribunal Marc Z. semble revivre son arrivée sur place. Il mime les armes pointées sur lui, « bougez-plus ! ».
Puis son téléphone qui sonne, la voix du hacker : « Connard, enculé, fils de pute, sale nazi, je t’ai bien baisé la gueule. » Au gendarme au bout du fil, son interlocuteur explique que Marc Z. est un skinhead tatoué.
« Le problème c’est que moi je suis pas un nazi. Je suis un Alsacien. J’ai de la famille qui a été fusillée pour notre liberté », tremble fièrement à la barre Marc Z., la voix pleine de sanglots. Devant sa maison il s’était déshabillé entièrement pour montrer qu’il n’avait pas de tatouages. « Ils m’ont dit ‘si vous enlevez votre slip on vous envoie en prison’. »
Il y a plusieurs Marc Z. en Alsace : le hacker s’était trompé.
« Défis »
La présidente dresse un bref portrait d’Ulcan, Grégory Chelly de son vrai nom, 39 ans. Résidant en Israël depuis 2013, il ne s’est pas présenté. Sa défense, estimant qu’il n’a pas été convoqué correctement, a quitté la salle au début du procès.
Condamné en 2009 à 4 mois de prison avec sursis pour avoir saccagé une librairie pro-palestinienne, il se disait « militant sioniste », « justicier », « chasseur de nazis ». Il s’est fait connaître sur Internet en créant le site « Violvocal » où les « défis » téléphoniques sont retransmis en direct.
Olivia Zemor, 73 ans, doudoune bleue et cheveux blancs, est présidente de l’association anti-Israël Europalestine, et propriétaire de la librairie attaquée. Elle aussi est une victime des faux appels, disant notamment que son mari l’avait tuée.
Elle est justement venue avec son époux, « celui qui m’a trucidée plusieurs fois », grince-t-elle en marge de l’audience.
Dans son cas, « c’est la répétition » qui a usé, avance-t-elle au tribunal. « On ne se sent jamais, jamais en sécurité. » Au téléphone on lui a décrit « exactement » le trajet de sa fille pour l’école. Les voisins ne lui « adressaient plus la parole » après les différentes interventions policières. Elle a fini par quitter Paris.
À l’été 2014, en pleine guerre entre Israël et le Hamas, le site d’information Rue 89 publie un portrait du hacker « atypique » qui « revendique » ses attaques contre des sites français considérés pro-palestiniens.
« Dans l’heure », Ulcan appelle le journaliste, « le couvre d’insultes », raconte à la barre Pierre Haski, alors directeur de publication.
Le lendemain, Grégory Chelly appellera cette fois les parents de l’auteur de l’article pour leur faire croire que leur fils est mort. Deux jours plus tard, il se fait passer auprès de la police pour un homme retranché ayant tué femme et enfant, et donne l’adresse des parents.
« Trois jours après, le père du journaliste fait une attaque cardiaque. Il meurt un mois plus tard », dit Pierre Haski, à la barre, la voix hachée. Il s’excuse – « je ne pensais pas que ça me ferait ça six ans après ».
Dans cette affaire, Grégory Chelly avait été renvoyé devant un cour d’assises mais la décision a été annulé par la Cour de cassation pour des questions de procédure. Le dossier est reparti à l’instruction.
Pierre Haski, également victime d’une « opération », se souvient de la vision « surréaliste » des camions de pompiers bloquant sa rue, des policiers en bas de chez lui parce qu’il avait prétendument « tué » sa femme. Sortir de l’immeuble dans les temps qui suivent est compliqué : « Vous vous demandez quelle sera la prochaine étape. »
L’audience se poursuit vendredi avec l’examen du dossier de la maire de Lille Martine Aubry, également victime d’appels malveillants en 2014.