Avec ses dessins déchirants, Zoya Cherkassky dit au monde la douleur d’Israël
Pas d'échappatoire à l'horreur, à la douleur ni au traumatisme dans les œuvres sur papier de l'artiste, dont les couleurs vives sont éclipsées par la noirceur du samedi 7 octobre
L’artiste israélienne Zoya Cherkassky s’est envolée pour Berlin, avec sa fille de huit ans, le plus vite possible après le 7 octobre.
Son mari est resté auprès de sa mère, mais elle a dû évacuer sa fille.
« Elle vit très mal les bombardements. Elle se met à trembler, sans pouvoir se calmer, pendant des heures », dit-elle.
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Même depuis la capitale allemande, chez des amis, elle ne peut s’empêcher de penser à ce qui se passe chez elle.
Elle est particulièrement hantée par les images des événements du 7 octobre dernier, lorsque des milliers de terroristes du Hamas ont franchi la barrière de sécurité qui sépare Israël de Gaza avant d’envahir une vingtaine de 20 communautés israéliennes du sud sous des tirs nourris de roquettes sur une grande partie du pays.
Les terroristes ont torturé et massacré 1 400 personnes, principalement des civils. Ils ont détruit des kibboutzim et des villes et pris en otage 224 Israéliens et ressortissants étrangers à Gaza. Il y a au moins 100 Israéliens dont le sort est toujours incertain.
Les images horribles de ce jour-là sont avec Tcherkasski à tout moment. En tant qu’artiste, la meilleure façon pour elle de faire face à son traumatisme, ainsi qu’au traumatisme collectif des Israéliens, est d’en faire de l’art et de le montrer au monde. Il en résulte des œuvres sur papier urgentes, effrayantes et déchirantes.
« Je pense qu’en ce moment, il est très important de faire prendre conscience au monde de ce qui se passe. Parfois, les gens justifient automatiquement tout ce qui vient de Palestine. Ils ne comprennent même pas la différence entre la Palestine et le Hamas, ou entre la bande de Gaza et la Cisjordanie. Ils soutiennent automatiquement la Palestine », dit-elle.
« Cette situation est très différente, il est donc très important pour moi d’essayer de l’expliquer à ma manière, de la manière dont je peux le faire ».
Déjà appréciée des cercles artistiques nationaux et internationaux, Cherkassky, 47 ans, a attiré l’attention du grand public grâce à sa première exposition personnelle au Musée d’Israël en 2018. Il s’agissait de 25 peintures à l’huile de grand format évoquant l’expérience des immigrants de l’ex-Union soviétique en Israël. Elle a elle-même fait son alyah, à l’adolescence, avec sa famille originaire de Kiev, en Ukraine, en 1991.
Cherkassky crée également de nombreuses œuvres mixtes sur papier, qu’elle donne parfois à voir à ses abonnés sur les réseaux sociaux.
Les œuvres qu’elle a créées à Berlin depuis le 7 octobre dernier reprennent ce format. Pour l’instant, il y en a six, et elle ne pense pas s’arrêter là.
« En nous préparant au départ, j’ai pris de quoi dessiner parce que je savais que j’allais en avoir l’utilité. Dans un moment comme celui-ci, impossible de penser à autre chose, je savais que j’allais en faire quelque chose d’artistique », confie Cherkassky.
« J’ai pris des crayons, des crayons de cire, des aquarelles, un peu de tout. Mon studio de Tel Aviv ne tenait pas dans mon sac, mais c’est suffisant pour ce que je veux faire ».
Déjà profondément troublée par la guerre dans son pays natal, l’Ukraine, l’artiste a dessiné une série d’oeuvres mixtes en 2022. Pour ce faire, elle a associé des œuvres préexistantes représentant les scènes de son enfance, ponctuées de visites à sa famille et ses amis avec des œuvres originales influencées par les images venues d’Ukraine depuis l’invasion russe.
Cherkassky est réputé pour ses couleurs vives et éclatantes. Sa série sur l’Ukraine ne déroge pas à la règle. Elle a beau utiliser un peu de noir, il est loin de dominer.
Dans ses oeuvres postérieures au 7 octobre, on retrouve des teintes vives – du rouge, du violet, du vert et du rose -. Mais il y a plus de noir que d’habitude. Par ailleurs, tous les dessins ont un arrière-plan noir menaçant qui propulse plus que d’ordinaire au premier plan ses sujets, des Israéliens tentant d’éviter les balles des terroristes, se cachant dans leur pièce sécurisée, pris en otage ou dans des tunnels.
Le message est clair : l’attention doit se porter sur les Israéliens qui ont souffert et souffrent encore.
Une image est composée uniquement en noir, blanc et gris. Il s’agit d’une famille de quatre personnes, toutes nues et dont le visage rappelle celui du sujet du « Cri » d’Edvard Munch. L’œuvre s’intitule « Une famille brûlée ». (D’innombrables Israéliens ont été brûlés vifs dans leurs pièces sécurisées par les terroristes.)
Tcherkassky a rencontré de nombreux amis ukrainiens réfugiés à Berlin. Elle s’estime très chanceuse et a hâte de rentrer chez elle, en Israël, dès que les conditions de sécurité seront réunies pour sa fille. Elle préfèrerait être en Israël en ce moment.
« Je nous considère comme des réfugiés avec des privilèges. Ce n’est pas comme si nous avions fui sans rien. Des amis nous hébergent, je peux continuer à travailler et nous avons de l’argent pour acheter ce dont nous avons besoin ».
Elle est heureuse de pouvoir faire ce qu’elle peut pour expliquer au monde ce qu’Israël traverse. Elle n’a pas été fan de la hasbara (relations publiques) israélienne officielle, surtout pas sous l’actuel gouvernement. Mais ce qu’elle fait est différent. Elle considère qu’elle fait peu ou prou la même chose que les citoyens qui agissent pour garder le pays en état de fonctionnement alors que de nombreux ministères n’y parviennent pas.
Tcherkassky autorise donc la publication de ses oeuvres par les organes de presse, et les organisations locales et bénévoles sans questions de droits.
Elle annonce d’ores et déjà qu’elle continuera à publier sur les réseaux sociaux les autres oeuvres de cette série, au fur et à mesure de leur achèvement, et s’attend à une réaction mitigée de ses dizaines de milliers d’abonnés internationaux sur diverses plateformes.
« Je suis heureuse que la plupart de mes collègues, qui ne sont ni juifs ni israéliens, comprennent ce qui se passe. Ils comprennent que le Hamas est un groupe terroriste et non des combattants de la liberté ».
« J’ai aussi reçu beaucoup de commentaires d’antisémites ou de gens qui détestent Israël. Je les ai purement et simplement bannis de mon compte », conclut-elle.
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