Bataille diplomatique autour de la liberté de la presse à l’OSCE
Le mandat du représentant pour la liberté des médias à l'OSCE est menacé de paralysie, des pays membres de cette organisation multilatérale refusant son renouvellement
Le mandat du représentant pour la liberté des médias à l’OSCE est menacé de paralysie, des pays membres de cette organisation multilatérale refusant son renouvellement prévu le 18 juillet, a-t-on appris vendredi de sources concordantes.
« Certains Etats n’acceptent pas notre rôle et oublient avoir eux-mêmes donné au représentant pour la liberté des médias le mandat d’intervenir en cas de violation », a affirmé lors d’un entretien à l’AFP l’actuel titulaire de ce poste, le Français Harlem Désir.
Un diplomate d’un Etat membre de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), interrogé par l’AFP sous couvert de l’anonymat, a confirmé le veto exprimé au mois de juin par des pays proches de la Russie et de la Turquie.
« L’Azerbaïdjan et le Tadjikistan ont fait part à la présidence de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) de leur opposition » à la reconduction de M. Désir, comme c’est habituellement le cas après un premier mandat, a précisé cette source.
Selon le même diplomate, la Russie et la Turquie pourraient désormais vouloir solliciter des candidatures émanant de leur zone d’influence, mais qui seraient probablement rejetées par les Occidentaux en raison des incarcérations massives menées par Ankara après le coup d’Etat manqué de 2016 et du rôle qu’ils imputent à Moscou dans la propagation de fausses nouvelles.
Ancien secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes, Harlem Désir achève cet été un premier mandat de trois ans renouvelable, qui consiste à aider les journalistes persécutés et à faire respecter leurs engagements démocratiques aux pays membres de l’OSCE dont le siège est à Vienne, en Autriche. Cette organisation multilatérale couvre toute l’Europe, l’Asie centrale, mais aussi les Etats-Unis et le Canada.
Blocage
« Il y a un large soutien des autres Etats participants au renouvellement de mon mandat, mais plusieurs pays pensent que c’est par la pression sur l’institution et non pas en réformant leur propre politique qu’ils peuvent échapper à leurs responsabilités », a réagi M. Désir, sans nommer les Etats en question.
Pour Harlem Désir, la fonction de représentant pour la liberté des médias, crée en 1997, est « unique en son genre au sein des organisations internationales, aucune autre institution n’ayant un mandat aussi fort que le nôtre ».
« Ce qui est en jeu », dit-il, « c’est le fait que dans cette organisation, les États coopèrent sur les questions de sécurité mais aussi sur les droits de l’homme et la liberté des médias ».
Dans un rapport rendu public jeudi, M. Désir, âgé de 60 ans, affirme avoir mené en trois ans de mandat 1 150 interventions dans 40 États, effectuant 80 déplacements.
Le représentant pour la liberté des médias intervient généralement pour faciliter la libération de journalistes, la modification de lois contraires à la liberté d’expression ou pour exiger l’aboutissement d’enquêtes judiciaires, suite à l’agression de reporters.
Si le blocage persiste au delà du 18 juillet, il existe un danger de paralysie jusqu’à la désignation d’un successeur, alors que la nomination d’Harlem Désir en 2017 avait déjà été âprement négociée.
Ce bras-de-fer est engagé dans un contexte de dégradation de l’économie des médias depuis l’apparition de la maladie Covid-19, notamment en raison de l’effondrement des recettes publicitaires et de l’impossibilité de distribuer les journaux.
La sécurité des reporters s’est aussi détériorée. Ces six derniers mois, l’OSCE a enregistré 132 menaces physiques adressées à des journalistes ainsi que 104 emprisonnements et détentions.