Beaucoup doutaient que Netanyahu aille au bout : C’est une nouvelle ère pour lui et pour la région
Les responsables de l'administration Obama le méprisaient, et les années passaient sans qu'Israël n'attaque le programme nucléaire iranien. Mais après le 7 octobre, l'issue devenait inévitable

Après des années de spéculations et de menaces, après avoir été traité de « dégonflé » par un haut responsable de l’administration Obama, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a finalement appuyé sur la détente.
Ainsi, aux premières heures de la matinée de vendredi, les avions israéliens ont rugi au-dessus du désert, à l’Est de la République islamique, bombardant les principaux sites nucléaires iraniens, les entrepôts où étaient stockés des missiles balistiques et de hauts-commandants militaires.
Une opération qui a fait appel à des moyens dignes d’un film d’action à gros budget, avec la mise en place d’une base de drones à l’intérieur de l’Iran, l’entrée clandestine de systèmes d’armes sophistiqués embarqués à bord de camions et le déploiement d’équipes de commandos du Mossad.
L’attaque a été audacieuse, innovante et, jusqu’à présent, d’une très grande efficacité – et ce à tous les niveaux.
L’opération reflète la manière dont Netanyahu se perçoit lui-même – mais elle ne reflète pas du tout l’image que lui avaient renvoyé, ces derniers mois, Israël et le monde.
Netanyahu affirme que dans sa tentative de rallier l’Occident libéral à la lutte contre un ennemi brutal qui menace les Juifs et qui menace toute la civilisation, il a un modèle : celui de Winston Churchill, qui était le Premier ministre britannique pendant la Seconde Guerre mondiale, dont le buste trône sur son bureau. Pour Churchill, l’ennemi brutal était l’Allemagne nazie ; pour Netanyahu, c’est la république islamique d’Iran.

« Je voudrais qu’on se souvienne de moi comme de l’homme qui a protégé Israël », avait-il confié à Fareed Zakaria en 2016. « C’est suffisant à mes yeux : le protecteur d’Israël ».
Il y a encore quelques mois, Netanyahou semblait bien placé pour atteindre ses deux objectifs prioritaires : mettre un terme à la menace nucléaire iranienne pesant sur l’État juif et conclure un accord de normalisation des relations entre Israël et l’Arabie saoudite. Le Premier ministre avait également été le premier invité du président américain Donald Trump à Washington, au mois de février. Ni Trump ni aucun membre de son administration n’ont, d’ailleurs, émis la moindre critique à l’égard d’Israël depuis l’arrivée au pouvoir du républicain – un changement bienvenu par rapport à l’ère Biden, à une époque où les officiels démocrates américains se gardaient bien de prononcer la moindre parole positive sans y ajouter des menaces ou des critiques à peine voilées.
Quand tout a basculé
Mais tout avait basculé au mois d’avril, quand Trump avait convoqué Netanyahu à la Maison Blanche pour la deuxième fois, directement depuis la Hongrie.

La rencontre entre les deux leaders avait été très douloureuse pour Netanyahu, Trump ayant annoncé que des pourparlers directs allaient être lancés avec l’Iran. Et après cela, les décisions prises au 1600 Pennsylvania Avenue et à Mar-A-Lago n’avaient fait que lui causer de nouveaux maux de tête.
L’envoyé américain sur la question des otages, Adam Boehler, avait eu des discussions directes, dans le plus grand secret, avec le Hamas. Steve Witkoff, l’envoyé de Trump au Moyen-Orient, a de son côté participé à plusieurs cycles de négociations avec l’Iran sur le programme nucléaire développé par Téhéran, des négociations qui ont apparemment porté sur un accord qui reprenait en grande partie le Plan d’action global conjoint (JCPOA) de 2015, auquel Netanyahu s’était opposé avec fermeté et que Trump avait abandonné lors de son premier mandat.
Dans le même temps, Trump avait écarté de la Maison Blanche son conseiller à la Sécurité nationale, Mike Waltz, un faucon convaincu de la nécessité de mettre l’Iran à genoux par la voie militaire. Le président américain avait, semble-t-il, été irrité de constater que ce haut-responsable coordonnait avec Netanyahu les options militaires visant à détruire le programme nucléaire de Téhéran.
Le président avait également été exaspéré par les tergiversations de Netanyahu sur des décisions qui avaient un effet direct sur ses capacités à faire avancer sa vision pour le Proche-Orient.
De plus, début mai, deux jours après qu’un missile houthi a atterri non loin de l’aéroport Ben Gurion – et sans coordination préalable avec Israël ou ses autres alliés – Trump avait annoncé qu’il avait conclu un accord de cessez-le-feu avec les Houthis. Un accord qui n’obligeait pas, toutefois, le groupe soutenu par l’Iran à mettre un terme à ses attaques menées à l’encontre d’Israël, laissant Jérusalem soudainement seule dans sa lutte contre un ennemi tenace et difficile à atteindre.

Lors du premier déplacement de Trump au Moyen-Orient, le président américain n’avait pas prévu d’étape en Israël. Lui et le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane avaient signé un accord d’armement massif dont la conclusion, jusqu’à une période récente, était conditionnée à l’établissement de relations diplomatiques entre Ryad et Jérusalem.
Trump avait également rencontré le président syrien Ahmed al-Sharaa et il avait levé les sanctions prises à l’encontre du pays, en opposition directe avec la demande qui avait été formulée par Netanyahu lui-même à la Maison Blanche. Trump avait aussi fait l’éloge de l’ancien chef djihadiste, disant qu’il était « un jeune homme séduisant. Un dur. Un passé fort. Un passé très fort. Un combattant ».
Trump semblait aller de l’avant sans Israël – et Netanyahu avait paru avoir gâché sa chance d’accomplir ce qu’il avait promis de faire pendant son mandat.
Ou, selon certains, peut-être n’avait-t-il jamais vraiment eu l’intention de tenir ces promesses. Peut-être que tout cela n’était, tout simplement, qu’un moyen politique facile qui lui permettait de rester au pouvoir et d’éviter la prison.
Ensuite, vendredi, les avions ont décollé.
Les signes étaient là
Les opposants continueront de critiquer Netanyahu, mais rares sont ceux qui douteront de la force de caractère de l’individu après cette décision.
Peut-être fallait-il d’ailleurs s’y attendre.
« Je pense connaître assez bien Bibi », commente Michael Oren, ancien ambassadeur à Washington sous Netanyahu. « C’est l’aboutissement de toute sa vie ».
La situation stratégique a également créé un contexte idéal pour mener cette opération. Le Hezbollah, l’armée que l’Iran avait constituée pour dissuader Israël de l’attaquer et pour protéger son programme nucléaire, est épuisé après sa guerre désastreuse contre Israël en 2023-2024.
Dans une annonce autrefois impensable, le groupe terroriste a fait savoir, dans la journée de vendredi, qu’il ne s’impliquerait pas dans le conflit, montrant ainsi à Téhéran que l’Iran ne pourra pas compter sur son soutien au moment de vérité.

Bachar Al-Assad a également disparu, tout comme son infrastructure militaire, suite à des frappes israéliennes intensives, laissant le ciel syrien à la merci des pilotes israéliens.
Et Israël a détruit, l’année dernière, des batteries déterminantes du système de défense antiaérienne en Iran, en riposte aux attaques aux missiles balistiques et aux drones iraniens, au mois d’avril et au mois d’octobre. Ce qui a ouvert la voie à cette nouvelle opération, la république islamique n’ayant pas encore reconstitué ses capacités.
La transformation de la posture stratégique d’Israël a aussi laissé présager une telle issue.
Après des décennies de stratégie défensive alliant dissuasion et endiguement – une stratégie qui a échoué de manière spectaculaire le 7 octobre – Israël est finalement passé à l’offensive stratégique contre l’alliance iranienne. L’État juif est passé à l’attaque contre le Hezbollah, le Hamas, les Houthis et maintenant l’Iran.
« L’opération Epées de fer n’est pas un événement isolé », avait écrit l’analyste militaire israélien Eran Ortal en 2024. « La campagne à Gaza est une étape de transition cruciale, tant sur le plan conceptuel que pratique, une transition au cours de laquelle Israël est passé du défensif à l’offensif dans le cadre d’une longue guerre contre les supplétifs de l’Iran »
John Hannah, chercheur au sein du Jewish Institute for National Security of America (JINSA) et ancien conseiller à la sécurité nationale du vice-président américain Dick Cheney, avait expliqué après l’attaque israélienne qui avait été lancée contre l’Iran, l’année dernière que « les doctrines de préemption et de prévention font désormais leur retour en force dans la doctrine de sécurité nationale d’Israël. Elles ne sont pas près de disparaître ».

C’était l’issue logique – mais un grand nombre d’observateurs doutaient des capacités de Netanyahu à aller jusqu’au bout.
Une autre prise de conscience aura peut-être poussé Netanyahu à franchir le pas : malgré ses vantardises et son imprévisibilité, Trump n’a montré, à aucun moment, qu’il était prêt à mettre ses menaces à exécution. Les Saoudiens l’avaient compris après son refus d’attaquer l’Iran suite aux attentats commis à l’encontre d’Aramco en 2019, décidant en conséquence d’ouvrir de nouveaux canaux diplomatiques avec Téhéran. La Russie et l’Iran ont paru étonnamment imperturbables face à Trump et ils ont maintenu leurs positionnements dans les négociations.
Peut-être Netanyahu, tout comme le guide suprême iranien, Ali Khamenei, a-t-il conclu que Trump n’allait pas frapper la république islamique, et qu’il a donc décidé qu’Israël devait passer à l’acte seul.
Une nouvelle ère
L’Histoire a connu des événements marquants qui avaient inauguré un nouveau Moyen-Orient : la chute de l’Empire ottoman lors de la Première Guerre mondiale, la guerre des Six Jours en 1967, les attentats du 11 septembre 2001.
L’invasion d’Israël par le Hamas le 7 octobre 2023 restera dans les mémoires, sans aucun doute, comme un tournant similaire. Elle a marqué l’apogée de l’axe iranien – une apogée qu’Israël a depuis fait reculer, parfois lentement, parfois de manière spectaculaire.

Le monde arabe ne manquera pas d’en prendre bonne note. Non seulement Israël a montré que le pays ne reculait pas devant les effusions de sang dans le contexte de la guerre terrestre contre le Hamas, une guerre longue et pénible, et ce au mépris de la condamnation internationale, mais il est en train de démanteler l’axe iranien qu’aucun pays arabe n’avait eu la volonté ou la capacité d’attaquer.
Alors que les grandes puissances – États-Unis, Russie, Chine, Royaume-Uni, Allemagne, France – débattaient et brandissaient des résolutions, c’est Israël qui a pris des mesures. Et des mesures qui semblent extrêmement efficaces.
Le rôle essentiel de Trump
La grande question qui préoccupe les leaders de ces pays, ainsi que les Israéliens qui cherchent actuellement à s’assurer que leurs abris sont ouverts et prêts à les accueillir, c’est : Qu’est-ce que l’Iran va donc faire dorénavant ?
Trump peut jouer un rôle décisif à cet égard.
« Plus Israël réussira, moins une guerre régionale sera probable », explique Michael Makovsky, le président-directeur-général de JINSA.
« Mais le plus important est peut-être le rôle que les États-Unis seront amenés à tenir : plus Washington affirmera avec clarté qu’il ne tolérera pas que l’Iran riposte durement contre Israël, ou qu’il attaque d’autres alliés ou les forces américaines dans la région, plus l’administration soulignera qu’alors, c’est la viabilité du régime iranien qui sera menacée, moins il y aura de risques de guerre régionale ».
« Mais plus les États-Unis resteront en retrait, plus l’Iran sera susceptible de créer une escalade », ajoute-t-il.
Il y a encore de nouvelles violences et de nouvelles surprises à venir. Mais ce qui est clairement établi, c’est qu’Israël, l’Iran et le Moyen-Orient sont entrés dans une nouvelle ère – une ère qui pourrait être extrêmement favorable à Israël et menaçante pour la République islamique.
Ou, comme l’a dit Churchill, « Ce n’est pas la fin. Ce n’est même pas le commencement de la fin. Mais, c’est peut-être la fin du commencement. »
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