Boston : Mobilisation juive autour du nouveau monument en mémoire de MLK
Un défilé a été organisé entre la synagogue reformée et le parc Boston Common, en l'honneur du dévoilement d’une sculpture en bronze dédiée au chantre des droits civiques
BOSTON (JTA) – En 1965, un mois après la marche de Selma, en Alabama, menée par le révérend Martin Luther King, Jr. et le rabbin Abraham Joshua Heschel revendiquant le droit de vote pour les Afro-Américains, une autre marche se déroule à Boston.
Le 23 avril 1965, King emmène dans son sillage plus de 20 000 personnes dans une marche allant de Roxbury, quartier noir historique de la ville, au parc Boston Common.
Le cortège, long d’un kilomètre, entre dans l’histoire de Boston et de sa communauté noire.
Au moment où l’on commémore l’anniversaire de MLK et le 50e anniversaire de la mort de Heschel, le parc Boston Common a de nouveau accueilli des manifestants.
Vendredi dernier, les Juifs de Boston ont, avec d’autres, déployé leur cortège entre la synagogue reformée et le parc, en l’honneur de l’inauguration par la ville d’un nouveau monument à la mémoire du révérend et de son épouse et partenaire dans la lutte pour les droits civiques, Coretta Scott King.
« Nous avons pensé que c’était le moment idéal pour rappeler l’alliance entre la communauté afro-américaine et la communauté juive pour les droits civiques », expliquait le rabbin Michael Shire, rabbin de la synagogue et membre du corps professoral du Hebrew College, lors d’un entretien téléphonique, quelques jours avant l’événement.
King entretenait des relations professionnelles et personnelles avec cette ville qui était comme une seconde maison.
Il avait obtenu son doctorat en théologie à l’Université de Boston. C’est aussi là qu’il avait rencontré et courtisé Coretta Scott, alors étudiante en maîtrise au New England Conservatory of Music.
The Embrace [L’Etreinte], à la fois sculpture monumentale et mémorial, oeuvre du célèbre artiste Hank Willis Thomas, rend hommage au couple et au rôle que la ville a joué dans leur vie.
Dévoilée vendredi dernier, la sculpture en bronze de 6 mètres de haut s’inspire d’une photographie du couple prise en 1964, suite à l’annonce que King s’était vu décerner le prix Nobel de la Paix.
Selon Imari K. Paris Jeffries, directeur exécutif d’Embrace Boston, organisation à but non lucratif qui dirige le mémorial, The Embrace [L’Etreinte] est la plus grande sculpture en bronze façonnée aux États-Unis.
« C’est un peu la Statue de la Liberté de Boston », a-t-il dit à WBUR.
Le cortège, qui a réuni une centaine de personnes, voulait à la fois évoquer le lien entre ces deux géants de la foi et celui qui unit les communautés noires et juives depuis la marche de Selma, en tête de laquelle Heschel portait un rouleau de la Torah.
La pluie s’était suffisamment calmée pour permettre aux Juifs de Boston de porter leur Torah, présentée à la partie correspondant à cette semaine, le début du Livre de l’Exode.
« On y parle de liberté et de libération », expliquait Shire avant la marche.
« En défilant aujourd’hui, nous réfléchirons à la façon dont cette histoire est toujours présente pour nous. »
Jill Silverstein, membre du conseil d’administration de la synagogue qui a cofondé le comité de justice raciale suite à la mort tragique de George Floyd en 2020, a déclaré que les membres du comité étudiaient l’esclavage et le racisme d’aujourd’hui et s’étaient engagés dans ce qui s’apparente à une véritable introspection.
Silverstein, qui a pu voir depuis chez elle l’installation du monument, le qualifie d’« exquis et original ».
Elle a ajouté que la marche de vendredi, que le groupe de la synagogue a préalablement évoquée avec les dirigeants d’Embrace Boston, était une première étape dans une lutte collective contre le racisme.
« Il s’agit du renouvellement de notre engagement envers la justice raciale, l’équité et l’égalité », a déclaré Silverstein.
Cette marche a été organisée à un moment difficile.
En effet, les organisations de surveillance de l’antisémitisme s’accordent à dire que le nombre d’incidents a significativement augmenté.
Boston a d’ailleurs été le théâtre de plusieurs incidents, ces dernières années, comme l’agression au couteau d’un rabbin, en 2021, qui a déclenché des manifestations de solidarité au sein de la communauté juive.
En outre, de récents incidents sont venus ébranler les relations entre Noirs et Juifs, à l’image des nombreux propos antisémites du rappeur Kanye West et de la publicité faite par la star de la NBA, Kyrie Irving, pour un film antisémite.
L’Eglise de l’Emmanuel, congrégation épiscopale située à proximité de la synagogue, et la congrégation Mishkan Tefila, synagogue conservatrice de Brookline, ont été les premiers partenaires d’un événement que les deux synagogues aimeraient faire suivre d’un travail avec les églises noires sur les questions de justice raciale et économique.
« Dans cette atmosphère chargée d’antisémitisme et de racisme, Noirs et Juifs doivent parler haut et fort, et s’épauler, contre la haine et les préjugés », a déclaré le rabbin Marcia Plumb de Mishkan Tefilah dans un courriel. (Plumb et Shire sont mari et femme.)
Ont également pris part au cortège le rabbin Jim Morgan, à la tête des communautés de Harvard Hillel et des résidents de communautés hébraïques de personnes âgées, venu avec quelques uns d’entre eux.
« Des gens, au sein de ma communauté, ont pris part au mouvement des droits civiques dans les années 1960 », a déclaré Morgan.
L’American Jewish Committee New England, le Conseil des relations communautaires juives du Grand Boston, l’Alliance juive pour le droit et l’action sociale, le Miller Center au Hebrew College et le Center Communities of Brookline, résidences pour personnes âgées de confession juive, ont également pris part et soutenu cette marche.
Vendredi prochain, la révérende Liz Walker, coprésidente du comité Embrace Boston et pasteure de l’église presbytérienne de Roxbury, prendra la parole lors du service de Shabbat de la synagogue reformée.
« C’est un moment presque indescriptible… intimement lié à ce que les Kings ont voulu dire ici-même à Boston », a déclaré par téléphone à la JTA Liz Walker, l’une des membres du clergé noir les plus éminentes de Boston.
Elle a ajouté avoir l’intention de parler de la manière dont, en des temps porteurs de division et polarisation, un mémorial « qui parle d’amour, d’unité, de courage et de justice » était important.
Évoquant les propos presque prophétiques de King et Heschel, Walker a déclaré : « Les relations [entre les chefs religieux et la communauté] sont plus vitales que jamais et doivent être particulièrement soignées parce qu’elles permettent de guider le monde à travers ce champ de mines de négativité et d’animosité. »